Donald Trump joue à l’apprenti sorcier
Avec des droits de douane généralisés, les Américains viennent de porter un coup spectaculaire contre l’ordre économique mondial qu’ils ont contribué à ériger après la seconde guerre mondiale. Donald Trump a vanté un « jour de libération » pour les États-Unis. Cela annonce pourtant la stagflation, stagnation de l’activité économique et inflation conjuguées.
Arnaud Leparmentier : Donald Trump a annoncé, mercredi 2 avril, des taxes douanières sans précédent : « Notre pays a été pillé, saccagé, violé et dévasté par des nations proches et lointaines, des alliés comme des ennemis ». Le taux plancher de 10 % s’appliquera le 5 avril à minuit ; ceux plus élevés, pour une soixantaine de pays, entreront en vigueur le 9 avril. Donald Trump a évoqué le Cambodge, l’un des pays les plus pauvres du monde, à l’économie six cent fois plus faible que celle des Etats-Unis. « Oh, regardez le Cambodge, 97 % [de droits supposés]. On va le ramener à 49 %. Ils ont fait fortune avec les Etats-Unis d’Amérique », a-t-il osé
Pour expliquer sa démarche, Donald Trump a présenté un grand tableau comparatif. Non pas les droits effectifs moyens, qui sont très bas depuis la fin du XXe siècle, sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce. Ils s’élèvent à 3 % pour les Etats-Unis, 5 % pour l’Europe, 8 % pour la Chine et 17 % pour l’Inde. Le calcul de la Maison Blanche prétend prendre en compte des « manipulations de devises » ainsi que des barrières non tarifaires. Il peut s’agir de normes sanitaires – les Européens bannissent les importations de poulets lavés au chlore ou de bœuf aux hormones –, de normes culturelles – l’exception culturelle française – ou bien de clauses climatiques, sans oublier la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pratiquée en Europe. L’administration Trump est ainsi parvenue à des chiffres mirobolants : les Etats-Unis seraient frappés à 67 % par la Chine, 46 % par le Japon et 39 % par l’UE. En réalité, ces chiffres proviennent d’une équation sans aucune valeur économique. Il s’agissait d’une division du montant du déficit commercial bilatéral par celui des importations en provenance du pays concerné. Le vertige guette : la guerre commerciale mondiale est lancée sur la base de calculs sans assise scientifique. Une récession est désormais jugée probable dans les douze prochains mois. Le second écueil est l’inflation, un risque économique, mais aussi politique. Les plus pessimistes parlent du retour de la stagflation, mélange d’inflation et de stagnation connue dans les années 1970.
Le point de vue des écologistes réalistes
L’invasion de l’Ukraine faisait déjà redouter la stagflation, une stagnation de l’activité économique (le chômage) s’accompagnant d’une forte inflation. S’y ajoutent maintenant les obsessions de Trump, une personne ignare tant au niveau économique que géopolitique. Bref demain sera rude, d’autant plus rude que l’interconnexion des marchés connaîtra des goulots d’étranglement, des ruptures, et que les prix seront de plus en plus fixés par des décisions aléatoires. Contre une mondialisation effrénée, un protectionnisme est certes nécessaire, mais pas engagée d’une façon globale et disproportionnée comme le fait Trump. Rappelons qu’un libre-échange basé sur le va-et-vient de produits quasi-similaires est économiquement une absurdité.
notre article le plus ancien
6.11.2005 Soyez apôtre du protectionnisme !
Dans « Système national d’économie politique » paru en 1841, Frédéric List (naît dans le Wurtemberg actuel) pensait que les libéraux se trompaient en croyant qu’il existait des lois générales de l’économie en tout temps et en tout lieu. Pour lui, l’évolution économique de chaque pays dépend de son évolution politique et culturelle. Aussi, on ne pouvait présenter le libre-échange comme modèle incontestable à une Allemagne ravagée par les guerres napoléoniennes et politiquement éclatée. Par contre la protection des industries naissantes permettrait l’émergence d’industries hautement compétitives et ce n’est qu’à condition de rattraper le niveau de la Grande-Bretagne que l’Allemagne pourrait ouvrir les frontières car on échangerait alors à armes égales. Il s’agit là d’un « protectionnisme éducateur » et en conséquence, F.List n’est qu’un libre-échangiste différé : son idéal d’avenir reste l’industrialisation, c’est-à-dire tout ce qui détruit les ressources de la planète.
Pour enrayer ce flot de destructions, la Biosphère souhaite que les humains s’arrêtent de faire du libre-échange généralisé de biens matériels, de services financiers ou de travailleurs migrants, mais attacher au contraire les communautés à leur cadre territorial d’appartenance pour qu’elles en vivent de la façon la plus autonome possible. En agriculture, il s’agit de promouvoir la souveraineté alimentaire.
Pour en savoir encore plus
2 septembre 2014, Démondialisation, pour un retour au protectionnisme
8 septembre 2011, la démondialisation selon Aquilino Morelle
1er juillet 2011, la démondialisation contre Pascal Lamy
30 juin 2011, la démondialisation contre Zaki Laïdi (suite)
29 juin 2011, la démondialisation contre le gauche-droite de Zaki Laïdi
3 mai 2011, Montebourg, de la démondialisation à la décroissance
17 juin 2011, tout est écolo, y compris le protectionnisme
29 décembre 2010, Démondialisation féroce
Donald Trump joue à l’apprenti sorcier Lire la suite »