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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

éducateur, un rite de passage obligé

Quelques idées générales : Nous sommes tous des éducateurs par nécessité. Vivre en couple ou en famille, c’est s’éduquer à la vie commune, c’est apprendre à l’autre et de l’autre les bonnes manières. Faire un enfant, c’est acquérir préalablement et par la pratique un savoir-faire dans l’éveil d’une conscience. Nous devrions tous suivre des stages de pédagogie et faire l’expérience d’être moniteur de vacances ou responsable de telle ou telle association. Le mieux-vivre ne s’improvise pas.

Je veux devenir enseignant, mais l’expérience pédagogique me manque. Je n’ai pas l’habitude du contact avec les plus jeunes, je me lance dans la pratique pédagogique. Du 1er au 7 juillet 1971, je suis un stage « enseignant » avec les CEMEA (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active). Je ne saisis pas tout de suite l’importance de la pédagogie active, je note seulement : « Presque rien à en dire personnellement, les CEMEA font très bien leur boulot, je crois m’être assez bien comporté. » Nous avons visité une exposition sur le surréalisme. J’ai compris qu’aux beaux-arts, on passe cinq ans à retrouver la capacité d’imagination à cinq ans ! Nous avons analysé une émission télé qui montrait comment la télé nous manipulait. Mais je ne saisis pas encore le problème de la régulation de la parole : qui oriente le débat, qui décide ?

Je me lance dans une succession de colonies de vacances où il est plutôt question d’organiser un golf miniature ou de monter une pièce de théâtre. Fini le débat intellectuel. J’enchaîne une colonie dans les Pyrénées à Louvie-Juzon (juillet), puis dans le Médoc à Bégadan (août). A Louvie Juzon, j’ai trop insisté sur l’activité sportive, je n’étais pas au point pour les activités ludiques Le dernier jour de la colo de Bégadan, trois heures de réunion de synthèse à 12 personnes. La moitié du temps, silence absolu avec quelques questions existentielles du type « Pourquoi n’y a-t-il pas eu plus de contacts simples et directs entre filles et garçons ». Les deux monitrices formaient un bloc qui vivait sur lui-même dans une aura de féminisme mal compris assez déplaisant : les filles doivent rester entre elles… pour se libérer !?

Mon adaptation a été assez difficile. J’avais complètement oublié la psychologie de mes 10 ans ; j’étais désarmé devant l’attitude presque adulte des colons et une désobéissance toujours latente. Les mômes m’ont reproché de ne pas être assez sévère. De mon côté, j’estime que l’autorité n’a pas à être imposée, elle doit au contraire faire appel à la réflexion personnelle de chacun. A la fin du séjour, j’étais un des moniteurs les moins « violents » et c’est à moi que se raccrochaient les cas les plus difficiles comme les sœurs Laïachi. Sur un plan plus technique, j’ai appris ou réappris (j’avais été scout dans mon enfance) l’importance des jeux et des veillées.

A la rentrée scolaire d’octobre 1971, je passe avec succès la deuxième session de ma dernière année de sciences économiques. Le surlendemain, j’embauche comme éducateur dans un lieu d’accueil à Moumour (Pyrénées Atlantiques). Je connaissais personnellement le directeur, Bernard Gaudens, cela a facilité mon embauche. Je devais y rester pour accomplir mon service civil d’objecteur de conscience dès que je serais affecté…. en juin 1972. L’épouse du général Massu, après la création de l’association Pyrénées Actions Jeunesse en 1958 à Alger, accueillait à Moumour depuis 1962 principalement de jeunes orphelins, pour la plupart enfants de harkis « morts pour la France ». Il y a Abdel, Illah, Ichy, Kouider, Medaoui, El Meddah, Selatnia et aussi Victor ou Radji. Dès mon entrée en fonction, je voulais adopter le tutoiement. La direction m’impose le voussoiement comme signe différenciant l’adulte de l’adolescent. Même le psy du centre, Yvon Morin, pourtant gauchiste à ce qu’il me semblait, était pour la mise à distance. Mes journées se déroulent mornes et monotones ; si ça continue, c’est pour moi qu’il va falloir trouver des activités. Je suis éducateur de nuit, je travaille à plein temps pour être payé à mi-temps.

Quelques précisions sur les jeunes du centre. Boutera avait été placé par la DASS de Pau à l’âge de 9 ans le 30 août 1962. Sa fratrie ? Mohamed, Lula, Aziz, Hocine, Zora, mais aussi Germaine. Je l’ai bien connu, il était le plus ancien au centre, il aura bientôt 19 ans. Il a connu le temps où la discipline était sévère, le footing tous les matins, en fait des marches forcées jusqu’à épuisement, douches froides dans les WC, lavage des dents au savon, le nez cassé d’un gars par un éducateur. Son père, enlevé par les HLL (Hors la loi), est porté disparu. Sa mère ne sait ni lire ni écrire. Boutera est soumis à de violentes colères, jusqu’à vouloir tuer au couteau. Mais il a aussi lu Libres enfants de Summerhill ou Makarenko. Au début, je ne suis pas rassuré, je garde mon argent personnel sur moi, 24 heures sur 24…. Benaouda a été déféré au parquet pour vols après avoir forcé plusieurs portes de voitures… On piquera aussi 100 francs aux éducateurs lors d’une sortie… on subtilisera les 400 francs du pécule des grands. La routine. J’ai trouvé Salem en train de fureter dans ma chambre.

Au point de vue matériel, le centre est parfait : assez de personnel, un car, une voiture de fonction, des skis, ping-pong, club sportif… J’allais avec les jeunes m’entraîner au karaté dans la ville voisine. En fait il y a trop de personnel, les jeunes sont assistés continuellement, femmes de ménage, lingère, factotum… Comme il n’y a plus rien à demander, on voudrait du jus de pomme au repas. Par contre, quand on propose de participer à la confection des menus, aucun volontaire. J’ai bien compris que le principal allait consister à préparer au CAP épreuve théorique en élevant le niveau de culture générale. Et je serai aussi un peu garde-chiourme. Entre les jeunes et moi, la confiance viendra, ils me trouvent sympa. En fait ces jeunes du centre, moitié algérien, moitié enfance en danger, sont de bons petits gars. Mais ils se sentent séquestrés à Moumour.

Nous faisons avec l’équipe d’encadrement des études de cas. Maurice B., orphelin, est resté dans une pouponnière ses deux premières années, sans attentions ni affection : retard pour tout, marche, langage… Son QI est de 78. Quand Maurice fut adopté, ses parents adoptifs disaient que Maurice n’était pas gai, et pour cause. L’éducateur, surveillant ou confident ? Medaoui s’épanche vers moi. Sa mère s’est suicidée un 24 novembre alors qu’il n’avait que douze ans, il a marché à sa recherche dans la neige pour la retrouver pendue. Nous sommes en novembre, Medaoui en a marre de vivre ; déjà deux tentatives de suicide. Sa vie à lui, il s’en fout, seuls comptent ses trois petits frères restés dans la misère en Algérie. Je constate encore une fois que l’individu n’est rien, son milieu tout. On ne naît pas avec un comportement génétiquement programmé.

Début novembre 1971, je passe ma présélection comme éducateur. Passage obligé. Une heure et demi de test, entretien d’une heure avec un orienteur, ¾ d’heure avec une psychologue, ¼ d’heure avec un psychiatre. L’orienteur ne me trouvait pas de vocation pour ce métier. Il faut dire que j’avais traité ses questions écrites avec légèreté. « Quel avenir vous voyez-vous ? » Réponse, quel avenir peut-on avoir dans une société bloquée, si ce n’est débloquer. « Quels souvenirs vous ont marqués ? » Les jours où je me suis le plus emmerdé, par exemple pendant les cours de latin au lycée. Mais aussi les jours où j’ai eu le courage de dire merde à mes emmerdeurs. Au psy, je montrerai que j’ai les défauts de mes qualités et les qualités de mes défauts. Je n’ai pas été recalé !!! (la suite demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Pourquoi détruisons-nous la nature ?

Pourquoi détruisons-nous la nature ?

un essai de Bruno Duval,

« Pourquoi détruisons-nous la nature ? »

disponible dès maintenant sur Amazon.

https://www.amazon.fr/Pourquoi-d%C3%A9truisons-nous-nature-humains/dp/B0C9SBTFN1

L’auteur commence par examiner deux questions rarement posées : sommes nous la seule espèce à détruire la nature ? Nos ancêtres préhistoriques la détruisaient-ils déjà ?

Il poursuit en examinant l’influence d’un dysfonctionnement possible de notre cerveau et du poids de nos gènes « égoïstes ». Il questionne nos principaux comportements innés : notre alimentation carnée, notre incapacité à contrôler notre nombre, notre propension à agrandir nos territoires.

Il examine ensuite le rôle des structures qui organisent nos sociétés : la religion (notre héritage judéo-chrétien), la science et la technique (de la nature sacralisée à la nature objet), le patriarcat (femmes et nature dominées), la civilisation occidentale (une construction antinature ?), l’économie capitaliste (la grande responsable ?), l’État (un facilitateur de la destruction ?), les besoins de la guerre,  l’urbanisation (un facteur d’amplification ?) et les idéologies politiques (leurs regards sur la nature et leurs actions sur celle-ci).

Il aborde ensuite notre ressenti individuel vis-à-vis de la nature avec la peur, la colère (voire la haine), le plaisir de la détruire et de la dominer, et l’amour (nous détruisons parfois la nature en pensant la sauver).

Il termine par la recherche d’une réponse à l’interrogation de l’existence d’un sens possible à nos agissements et si oui lequel.

NB : Bruno Duval est un acteur associatif et politique dans le domaine de l’écologie et de la protection de la nature.

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

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Agir en tant qu’objecteur de conscience

Début février 1971, je note dans mon carnet : « Je peux dire sans beaucoup me tromper que si tous les budgets militaires depuis la nuit des temps avaient été consacrés à aider les humains au lieu de vouloir les détruire, il y aurait déjà un gouvernement mondial, une même langue, une même monnaie et une société où patrons et ouvriers marcheraient la main dans la main. » Mais cette argumentation est aussi « politique », ce serait donc refusé par la commission qui accorde ou non le statut d’objecteur de conscience. Il n’empêche que désarmer doit être à mon avis une décision unilatérale. Si nous attendons que l’autre commence, nous pourrons toujours attendre longtemps. Tandis que si nous sommes désarmés, nous devenons un exemple de comportement. Si on nous attaque, il doit y avoir des raisons. Supprimons les raisons ! S’il y a attaque et qu’on nous envahit, faisons de la résistance passive. Notre exemple servira pour le futur. Après deux guerres mondiales d’ailleurs, il n’y a plus d’agresseur ni d’agressé, du moins au niveau européen. Mon père a été dans les camps de concentration allemand, maintenant on forge l’Europe avec les Allemands. Nous n’avons jamais eu une seule raison valable de nous battre entre nations, tous les humains appartiennent à notre humanité, nous partageons la même terre, nous avons des intérêts communs.

Mon maître à penser en 1971 est un instituteur, Guy Goujon, protestant de religion, animateur de notre groupe de préparation à l’action non violente et de soutien aux objecteurs de conscience. José Bové y était mon compagnon de militantisme. Nous n’avions pas de chef, nous avions en commun des actions. Pour nous la non-violence était à la fois l’apprentissage de son autonomie personnelle vis-à-vis des structures officielles, mais aussi l’apprentissage de l’interdépendance générale. Notre prière ? Heureux celui dont la liberté personnelle préfigure celle de tous les hommes et l’introduit.

Un projet de reconnaissance légale de l’objection avait été soumis aux Cortes en Espagne le 30 mai 1970. Il a été refusé. Je participe avec mon groupe au soutien de José Beunza dit pépé, né en 1947 comme moi et premier Espagnol à faire publiquement objection de conscience. Il était en prison. Pour nous, le refus de l’usage des armes est nécessairement un mouvement internationaliste ; le fait que le droit à l’objection ne soit pas reconnu dans un pays est une anomalie à combattre. Nous bloquerons un pont à la frontière entre la France et l’Espagne, nous serons dispersés à coup de matraque. Le régime de Francisco Franco n’était pas tendre avec les opposants. Mais seule est vraie la parole qui mène aux actes.

Le CSOC (comité de soutien aux objecteurs de conscience) a enfin un local. J’avais donné toute ma bibliothèque à notre groupe. Il s’agissait de démarrer une mise en commun de nos livres. Rien que des écrits sérieux, parlant d’anarchisme et d’économie politique, de sociologie et de philosophie, rien que du pousse-à-penser. Il suffisait à chacun de donner un livre à la bibliothèque pour entrer dans le monde de l’écrit qui fait prendre conscience… Mais patatras ! Un jour Alice, une jeune militante et compagne de José Bové, a demandé l’introduction de romans dans notre répertoire existentiel. Ainsi va la vie, nous ne pouvons pas rester sérieux bien longtemps, à moins d’être jugé pisse-froid et exclu des assemblées humaines. Aujourd’hui je suis toujours effaré par le nombre de titres qui encombrent nos libraires. Que choisir parmi tant de livres ? Nous ne savons plus choisir…

J’écris le 5 avril à Michel Debré : « Je vous demande de prendre en considération la situation de Harry Aht (un objecteur incarcéré à Gradignan), décrite ci-contre et par là-même demande : 1. le droit d’obtenir le statut d’objecteur à tout moment ; 2. le droit à l’information officielle de tous les jeunes sur la possibilité de faire un service civil. » En fac, pour le cours d’économie publique le même jour, je fais un exposé sur le refus de la part de l’impôt qui va aux dépenses militaires… avec la réponse du percepteur ! Je boucle enfin ma lettre de motivation pour obtenir le statut : pas de politique, uniquement du religieux et du philosophique ! Ils en veulent, ils en auront, mais je savais ce que je mettais entre les lignes :

« Etre catholique ou athée, pacifiste et non violent ! Les mots ont trop de pièges pour ne pas en être effrayé tant soit peu. Je suis seulement un individu qui essaie bon gré mal gré de discerner le bien du mal, le vrai du faux, avec les faibles moyens dont je dispose et les connaissances disparates que j’ai acquises. Je suis d’abord un admirateur et fidèle de Jésus Christ puisque j’ai été élevé en tant que catholique, baptême, messe et communion. Or le message essentiel de Christ consiste en l’amour des hommes, lui à qui on demandait : « Si tu es le Christ, dis-le-nous » et qui répondait seulement : « Si je vous le dis, vous ne croirez pas et si je vous interroge, vous ne répondrez pas.  » Oui, il m’arrive souvent de me prendre pour un disciple du Christ et dire « Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs ; car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ?  » Oui, il m’arrive aussi d’avoir mes faiblesses ! Et puis j’ai passé le bac philo où l’enseignement qui m’a le plus marqué fut celui de Socrate. De sa mort, je retiens surtout qu’il n’a pas voulu échapper à sa prison et au jugement de sa Cité ; il est un homme engagé dans la société et qui accepte la société. Mais il est aussi l’homme du dialogue, celui qui recherche inlassablement la vérité avec les autres. Enfin, depuis que je suis sensibilisé à l’objection de conscience, j’ai appris à connaître Gandhi, la non-violence et l’acceptation d’autrui. J’essaie de bâtir mon engagement d’homme sur l’exemple de ces hommes. Et ma vie, ma sincérité, ne vaut que par ce qu’en font les autres, par ce dont ils jugent mes actes. Si donc ma société veut savoir de quelle manière je conduis ma vie, qu’elle prenne deux témoins, comme à son habitude, ou 36 témoins. Ceux qui me connaissant savent combien j’essaie de respecter cet engagement à mi-chemin de la philosophie et de la religion. Cet engagement ne me permet pas de vivre à l’intérieur d’une organisation appelée pudiquement « obligations légales d’activité « , armée qui ne permet ni l’amour de l’homme, ni la discussion, ni la non-violence. Or ma société me permet de vivre selon ma conscience ; que ma société fasse son devoir ! Cordialement » ( 26 avril 1971).

Le délibéré et prononcé le 18 novembre 1971 est fait en séance publique dans l’une des salles du Conseil d’Etat : « Il ressort de l’examen des pièces du dossier une présomption suffisamment précise de la sincérité des convictions ainsi exprimées par l’intéressé pour que sa demande soit accueillie. » En juin 1971 Louis Lecoin, celui grâce à qui le statut d’objecter de conscience était devenu possible, meurt à 83 ans. Je fais passer un article dans Sud-Ouest, mais on a censuré ce passage : « C’est avec lui qu’on peut dire qu’un désarmement unilatéral donnerait à la France la meilleure place et la plus enviable dans la mémoire des hommes, de tous les hommes devenus citoyens égaux dans un monde sans frontières et à unique patrie. » Le journal a égrené le passé de Louis, mais n’a pas voulu aborder ce qui permettrait un avenir meilleur… La liberté d’exprimer ses idées est toute relative en France !

Après une expérience d’éducateur à Moumour (octobre 1971 – février 1972), je reviens à Bordeaux. Bien qu’au chômage, je travaille depuis le matin 11 heures jusqu’à… deux heures du matin. De la pédagogie sauvage, au jour le jour, au hasard des rencontres. Et puis la préparation de la semaine de la non-violence en mars 1972, sept conférenciers, Europe n° 1, des tas de problèmes organisationnels à résoudre. Un groupe anarchisant plein d’objecteurs qui prépare quelque chose de structuré… mission impossible ! Je remarque, et ce ne sera pas la dernière fois, que ce sont toujours les mêmes qui font les tâches techniques. Nous sommes vraiment mal éduqués ! Conférence de Lanza del Vasto, le pape de la non-violence. C’est pour moi plutôt un bavardage qu’un véritable discours : « La non-violence n’est pas naturelle, il faut s’y convertir. » Lanza parlait, parlait, s’écoutait parler. Au bout d’une demi-heure, demandes d’interventions dans la salle. Quelqu’un lui demande si cette forme de conférence n’était pas violente et Lanza de rétorquer que la parole était à lui, et non aux autres : « Ce n’est pas un débat, c’est un sermon ». La salle se vide, Lanza continue sa péroraison. Je lève le doigt pendant plusieurs minutes, sans prendre la parole. Je pars, quelques applaudissements dans la salle. La pédagogie de la non-violence n’est pas une préoccupation de Lanza. Ce fut Lanza del fiasco. Il était d’un autre temps, dommage. Cela n’a pas empêché qu’il joue un grand rôle, au Larzac ou ailleurs.

Le soir à l’Eglise Notre dame des anges, la salle est pleine pour une conférence de Jean-Marie Müller. Jean-Marie a renvoyé son livret militaire, trois mois de prison avec sursis, 1000 francs d’amende et cinq ans de suppression des droits civiques. Pour lui, la non-violence lie la fin et les moyens, c’est une maîtrise de son agressivité, c’est une alternative à la violence. Faire violence, c’est faire taire (je pense alors à Lanza !). Il montre que la violence peut se canaliser. Par exemple, à des gosses qui jettent des cailloux, il suffit de faire fabriquer quelques balles de son et quelques quilles, le tour est joué. Il développe l’exemple de Gandhi. Un intervenant dira qu’un athée ne pouvait être non violent puisqu’il n’avait pas la foi, parce qu’il était trop matérialiste. Jean-Marie a renversé le questionnement en montrant que la foi en un Dieu abstrait pouvait déboucher sur l’inquisition et que l’Eglise, par sa structure hiérarchisée qui impose obéissance et sacrifice est violente par sa structure même. Plus tard en conférence, Ambroise Monod sera jeune, clair et politique, Jean Toulat vieux, curé et embrouillé.

En avril 1972, je découvre lors d’un rassemblement d’objecteurs qu’il est vain d’essayer d’organiser un mouvement collectif. La majorité des objecteurs ne voient dans l’objection que le moyen de préserver sa liberté individuelle, point final. Cela n’empêche pas quelques actions comme le comité des 20 pour une demande de statut dans les mêmes termes, non personnalisée. Je découvre aussi Saul Alinski : « On juge une action révolutionnaire sur la réaction qu’elle provoque. Si votre action, loin de renforcer votre mouvement, va dans le sens de l’ennemi, alors vous êtes contre-révolutionnaire. Quand vous êtes fermement convaincus que le pouvoir appartient au peuple, on organise les gens pour qu’ils puissent l’exercer. Afin d’élargir votre champ d’action, il faut travailler sur les problèmes particuliers des gens. Partir de ses intérêts. Par exemple pour lutter contre la pollution, commencer par parler des poubelles. »

Application devant 250 bambins de 8 à 11 ans. Nous devions parler de non-violence. François a commencé par définir succinctement la non-violence, Jean-Paul a embrayé sur nos actions concrètes du CSOC, j’ai alors fait participer la salle : « Qui peut me donner un exemple de violence ? » A la question « quand j’ai mangé tous les bonbons sans en laisser pour personne, est-ce que c’est violent », je laisse répondre une fillette qui parle d’égoïsme. Puis je demande à l’assistance de citer des égoïstes… et je débouche sur la violence économique de ceux qui peuvent se payer beaucoup de bonbons au détriment des autres. Le questionnement posé par les gamins montrait combien il est vain d’exposer un schéma précontraint sur la non-violence qui passerait bien au-dessus des têtes. Il faut laisser le réalisme enfantin raconter de belles histoires… avec l’aide des adultes.

Je continue mon militantisme quotidien. J’écris au président du tribunal de grande instance : « Lundi 8 mai 1972, vous jugerez Jean Coulardeau, Odette Gaignard… pour incitation de militaires à la désobéissance, au renvoi et à la destruction de papier militaire et pour propagande en faveur du statut des objecteurs de conscience. Je proteste contre cette atteinte à la liberté d’expression car les inculpés ne font-ils pas autre chose qu’employer les mêmes « armes » que l’organisation militaire : incitation des civils à l’obéissance, incitation à l’adhésion aux buts militaires et propagande en faveur du statut de soldat. »

Cela fait toujours plaisir de s’exprimer, même si on parle à des murs…

Nous distribuons des tracts dénonçant les positions antidémocratiques de Michel Debré inscrites dans un de ses libelles : « Le nombre de citoyens qui suivent les affaires publiques avec le désir d’y prendre part est limité ; il est heureux qu’il en soit ainsi. La cité, la nation où chaque jour un grand nombre de citoyens discuteraient de politique serait proche de la ruine. Le simple citoyen qui est un véritable démocrate se fait en silence un jugement sur le gouvernement de son pays et lorsqu’il est consulté à dates régulières, pour l’élection d’un député, exprime son accord ou son désaccord. Après quoi, comme il est normal et sain, il retourne à ses préoccupations personnelles. »

Nous lui opposons une phrase de Gandhi : « La vraie démocratie ne viendra pas de la prise du pouvoir par quelques-uns, mais du pouvoir que tous auront de s’opposer aux abus de l’autorité. »

Malgré les incertitudes qui existent toujours sur les conditions de l’incorporation des objecteurs, j’écris au docteur Oury que je vais venir à sa clinique psychiatrique de La Borde fin mai-début juin 1972 : « Ainsi je pourrais sur place et avec vous décider selon les dernières informations et législations de la suite à donner. » Cette option clinique est la suite logique de plusieurs expériences d’éducateur. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Je deviens objecteur de conscience

Je ne récuse pas encore un service militaire mixte et de très courte durée qui permettrait de forger mes capacités physiques et de savoir comment me défendre. Seulement la liberté d’information et d’expression doit être aussi préservée dans ce cadre. Je m’informe sur la discipline militaire : un soldat est libre de son opinion, mais il ne peut se livrer à une activité politique à l’intérieur du domaine militaire ! Je me pose la question du pourquoi d’une coupe de cheveux qui « doit être nette et sans excentricité, les tempes et la nuque dégagée » ! J’en ai déduis qu’on rentre dans l’armée comme on rentre en religion. Très peu pour moi ! Toutes ces contraintes ne me plaisent pas, l’ordre militaire commence à m’incommoder, je revis la même expérience réflexive que lors de ma contestation de l’ordre religieux ou scolaire.

« Si tu veux la paix, prépare la guerre », me dit-on : conscription obligatoire, dissuasion nucléaire, Dassault… Où va-t-on ? L’étripement mutuel, une fois de plus ! J’estime que les conditions géopolitiques ont vraiment changé. La guerre totale, nucléaire ou biologique ? Inutile d’en parler, nous sommes tous morts ou presque après un tel hiver. Mais l’autre, la guerre conventionnelle ? Une seule chose compte pour moi à l’époque, préserver notre appareil de production comme notre liberté d’expression. Nul besoin d’une mobilisation générale, la guérilla, la guerre de rue, la résistance, passive ou non, me semblent suffire. Pas d’affrontement de corps à corps, mais la révélation de l’esprit de tout un peuple. Si l’individu par lui-même n’est pas capable de revendiquer sa liberté, c’est bien à cause de l’incohérence de notre système d’éducation collective, pas à cause d’une invasion. Un ami m’envoie en mars 1970 cet extrait de l’Almanach Vermot de 1901 : « Les grandes révolutions naissent des rêves et des visions d’un berger des collines pour qui la terre n’est pas un champ d’exploitation mais une mère vivante. » Superbe !

J’écris une lettre incendiaire à mon copain Christian Alexandre, prochainement curé : « Qu’est-ce que les cathos ont fait comme action concrète contre la guerre ? Qui colle la nuit des affiches antimilitaristes dans Bordeaux ? Qui se fait matraquer par les flics ? Certainement pas les cathos, des mauviettes suspendues aux paroles transcendantales du pape… Mourir dans un bénitier ! L’action des chrétiens se ramène à vendre des billets d’entrée au paradis… On ne déforme pas le christianisme, c’est lui qui déforme… J’ai découvert non seulement Jésus Christ, mais aussi Socrate et Gandhi, et Luther King, une certaine idéologie de l’acte, pas un dogme… Nul n’est brahmane ou paria par naissance : on devient brahmane ou paria par ses actes dit le bouddhisme… A-t-on déjà vu un pape faire une grève de la faim pour confirmer ce qu’il affirme verbalement ? La seule chose qui excuse Dieu, c’est qu’il n’existe pas… » Je participe à des manifs et à des collages, distribue des tracts et fréquente les meetings. Et puis surtout je parle, je parle, j’écris, je cherche à convaincre les autres que je suis dans le vrai alors que mon évolution personnelle est loin d’être terminée.

Pour le président Pompidou, la force de frappe (l’arme nucléaire) est un faux problème. La vraie question était de savoir si l’on doit ou non supprimer la défense nationale ! Michel Debré devient ma bête noire, lui qui peut se permettre d’écrire (Sud-Ouest, 10 avril 1970) : « Si la France a une grande industrie aéronautique, atomique, électronique, c’est uniquement – je dis bien uniquement – du à l’importance des dépenses dans le domaine de l’armement… Le coût des équipements militaires est tel qu’il n’y a rentabilité que dans la mesure où on vend des armes à l’extérieur. » Je trouve cela absurde, une défense « nationale » qui vend des armes à des pays qui, un jour ou l’autre, peuvent se retourner contre la France en utilisant des armes françaises ! Mais le PSU et l’UNEF restent inconditionnellement pour la lutte à l’intérieur de l’armée, ils dédaignent la volonté de notre comité de soutien aux objecteurs de conscience de défendre l’insoumis Daniel Brochier, arrêté à Bordeaux le 12 mai 1970 au cours d’une manifestation pour la non-violence. Eux, ils luttent pour préparer une armée « révolutionnaire » qui prendra le pouvoir et instaurera un régime qui exercera sans doute la même oppression qu’ils ont précédemment combattue !

La commission papale sur la justice et la paix vient de publier un document dans lequel elle demande à tous les pays de reconnaître l’objection de conscience et de donner le choix entre le service militaire et un service civil. Les Pères de l’Eglise comme saint Ambroise ou saint Augustin attiraient déjà l’attention de la primauté de l’amour, allant même jusqu’à déclarer que les chrétiens, en tant qu’individus, n’avaient aucun droit au principe de défense légitime. Mais saint Augustin a pourtant théorisé la guerre « juste », notion développée par saint Thomas d’Aquin et Francis Suarez (juste autorité, juste cause, justes moyens). Qui croire ?

Le 27 avril 1970, je me tourne complètement vers l’objection de conscience. C’est clair, c’est pour moi la seule méthode rationnelle possible qui puisse déboucher un jour sur une humanité non aliénée, c’est-à-dire consciente de son aliénation. Car si on n’accepte pas la solution aveugle de la guerre, on a tout intérêt à former les consciences à une prise de conscience. Pour devenir une force réelle, la non-violence commence dans nos pensées. La non-violence ne se réalise pas mécaniquement, elle s’acquiert aussi par la pratique. En juin 1970, j’approfondis ma conception via mon réflexe habituel d’accumulation de notules. John F Kennedy disait : « La guerre existera jusqu’au jour lointain où l’objecteur de conscience jouira de la même réputation et du même prestige que ceux du guerrier aujourd’hui. » J’en ai déduit que si tout le monde devenait objecteur de conscience, il n’y aurait plus de guerre.

C’est à Günter, un militariste convaincu qui s’est engagé dans l’armée, que je me confie le 14 novembre 1970 : « Comme je me refuse à la guerre, j’ai décidé de devenir objecteur de conscience et de faire mon temps (deux ans au lieu d’un seul) au Service Civil International. Je peux dire que c’est le seul moyen de combattre pour la paix entre les nations. Le mahatma Gandhi avait pour seule arme le satyagraha, la force de la vérité et de la justice… Pour moi, on ne peut chercher la paix que par le dialogue, comme Socrate par exemple. C’est en formant les jeunes à un esprit social et non plus individualiste qu’on pourra grandir l’humanité internationale. C’est en modifiant les structures qui oppressent les adultes que nous pourrons éviter tous les conflits… »

J’ai envoyé par la poste deux demandes de renseignement sur l’objection au ministère de la défense et cela sans réponse aucune… L’armée est bien la grande muette !

Le 27 novembre 1970, j’écris au ministère des armées : « Demander le statut d’objecteur n’est que le résultat d’une longue démarche de la pensée affrontant le réel. C’est difficile. Moi-même, je n’ai eu connaissance de ce statut qu’à 22 ans et par hasard. J’avais un sursis pour études, je n’étais pas ouvrier incorporé très jeune. J’avais le temps de réfléchir. Ce qui m’a frappé, c’est l’inconscience qui préside au déroulement des conflits armés. Chaque fois qu’on a laissé aux hommes le temps de réfléchir, la guerre a pu être évitée. Mais une fois enclenchée, la situation de violence collective ne peut plus être maîtrisée. Gandhi disait : « Je m’oppose à la violence parce qu’elle semble produire le bien. Mais le bien qui en résulte n’est que transitoire tandis que le mal produit est permanent.  » Le remède aux camps de concentration n’est donc pas dans l’élaboration d’un meilleur armement mais dans l’aptitude de chaque homme à envisager le monde sous l’angle du respect de la liberté d’autrui. Une liberté individuelle qui s’accompagne d’une conscience sociale. Je trouve anormal pour une démocratie de ne pas suffisamment informer les citoyens de cette possibilité de chercher la paix par la non-violence. Je demande à bénéficier du statut d’objecteur de conscience (loi 63-1255) puisque je suis déjà objecteur de conscience. Je ne veux pas être un tueur légal. »

Décembre 1970, le ministère de la défense m’envoie le statut des objecteurs. Je les interroge à nouveau : « A la lecture de cette loi, plusieurs questions se posent encore à moi et avant de m’engager à quoi que ce soit, je voudrais bien que ma conscience soit pleinement informée. Pourquoi les jeunes qui font leur service militaire n’ont pas à donner les raisons de la conviction qui les pousse dans cette voie ? Pourquoi l’armée accepte-t-elle n’importe quel conscrit sans sonder les nobles motifs qui devraient pousser à s’engager ? Pourquoi un délai de forclusion alors qu’une prise de conscience peut se faire à tout moment ? Pourquoi établir un service civil de punition en doublant le temps, l’objecteur obligé à deux ans, le troufion libéré après une seule année ? Pourquoi changer d’avis est-il possible pour un objecteur déclaré qui veut devenir militaire, et pas l’inverse ? Pourquoi la délibération d’une commission sur nos motifs doit-elle rester secrète alors qu’une démocratie ne peut exister sans transparence ? »

Le silence de l’administration est bien connu quand elle n’a pas de réponses. Je m’informe auprès des objecteurs de l’impasse Popincourt. J’aborde la question d’une demande de statut formulée de façon standard, idée qui sera mis en pratique par la suite.

Je me creuse beaucoup la tête pour élaborer les raisons de mes convictions car elles seront jugées par une commission qui à l’habitude de refuser en moyenne 10 % des (rares) demandes de statut qui lui sont adressées ! Je suis encore en recherche ; me connaître moi-même, c’est soulever une boîte d’où s’échappent toutes sortes de maléfices. Chaque mot est pour moi un carrefour de routes divergentes, toute décision est un pari sur l’avenir, seule la génération suivante pourrait dire si j’avais raison, etc. En définitive j’ai 36 000 raisons de refuser l’armée qui peuvent se résumer ainsi : je réfléchis nuit et jour au sens à donner aux relations humaines ; j’essaie de conformer ma vie à cette réflexion ; cette réflexion n’est pas stabilisée, elle est dynamique ; mes convictions éprouvent donc des contradictions ! Par exemple le développement de la science consiste à essayer de réfuter les théories scientifiques. Le corps de la science est donc composé à tout instant de théories qui n’ont pas (encore) été réfutées. Comment alors écrire ma lettre de motivation ?

Pourquoi le cacher ? Mon engagement d’objecteur a pour origine profonde les camps de concentration vécus par mon père. Il vient plus rationnellement de mon refus de la stupidité et le service militaire est une des formes les plus stupides qui soit. Ceux qui donnent des ordres nous ordonnent de nous battre contre les Allemands, puis ceux qui donnent les ordres nous ordonnent de faire l’Europe avec les Allemands ! Nous sommes dans un monde qui s’ouvre et la nation devient un concept rétrograde, dépassé. Je deviens citoyen du monde, il n’y a plus besoin d’armée. Mais cette argumentation est « politique », aucune chance pour que la commission la ratifie. Il faut avoir des raisons philosophiques ou religieuses d’objecter ! (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Non au service militaire

Quelques idées générales : Je pense que c’est l’usage collectif des armes et non l’usage personnel qui doit être combattu. Je crois à la disparition de toutes les armées. J’ai une définition générale des objecteurs de conscience, ce sont des anti-guerres. Je suis en accord avec la philosophie d’Albert Einstein:

« La pire des institutions grégaires se nomme l’armée. Je la hais. Si un homme peut éprouver quelques plaisir à défiler en rang au son d’une musique, je méprise cet homme… Il ne mérite pas un cerveau humain puisqu’une moelle épinière le satisfait. Je hais violemment l’héroïsme sur ordre, la violence gratuite et le nationalisme débile. La guerre est la chose la plus méprisable. Je préférerais me laisse assassiner que de participer à cette ignominie. Je soutiens que le moyen violent du refus du service militaire reste le meilleur moyen. Il est préconisé par des organisations qui, dans divers pays, aident moralement et matériellement les courageux objecteurs de conscience… Dans tous les pays du monde, de groupes industriels puissants fabriquent des armes ; et dans tous les pays du monde, ils s’opposent au règlement pacifique du moindre litige international. Mais contre eux les gouvernants atteindront l’objectif de la paix entre les nations quand la majorité des électeurs les appuiera énergiquement. » (Comment je vois le monde, Flammarion – 2009) 

Ce que nous sommes vient souvent de l’exemple familial donné. Mon père m’a appris la résistance active. Il voulait rejoindre l’Angleterre. Les « boches » l’ont arrêté à la frontière espagnole. Mon père a fait 26 mois de camps de concentration. Mais il avait une grande force de caractère. Il a reçu des coups de fouet. Sans gémir. Il a su vaincre même la tuberculose. Le bacille est encore encapsulé dans ses poumons. Mon père ne pesait que 46 kilos à son retour, son père ne l’a pas reconnu sur le quai de la gare. J’ai toujours vécu dans la hantise de sa mort. Il a fêté ses 91 ans le 18 décembre 2011. Il est très résistant. La question de la guerre est donc inscrite au plus profond de ma pensée. Mon père n’était pas germanophobe, il savait prendre de la distance avec les aléas de la vie. Nous avons reçu un correspondant allemand, plusieurs fois. Il passait ses journées à déterrer des obus près des blockhaus. Le meilleur souvenir de la mère de Günter ? La grande parade hitlérienne à Nuremberg. A chacun ses racines ! Tout l’essentiel est dans les racines. Je suis un réfractaire, obstiné mais lucide. Comme mon père !

Le temps du service militaire approchait, j’avais 21 ans. Le sursis pour études longues allait disparaître un jour ou l’autre ! J’ai d’abord été attiré en 1969 par le statut de coopérant. Je ne connaissais pas encore le statut d’objecteur de conscience. On ne naît pas objecteur, d’autant plus qu’entre 1964 et 1971, il y a eu seulement 1000 jeunes gens qui ont été admis au bénéfice d’un statut voté en 1963. Mais les 26 mois de camps de concentration vécus par mon père m’ont amené beaucoup plus tôt que la plupart à réfléchir sur le problème des conflits armés et l’anéantissement des personnes. Dans toutes mes notes manuscrites de l’époque, peu de choses cependant sur la question militaire, d’abord deux citations qui me parlent d’évidence : « La guerre, c’est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas » et «  La guerre, c’est tuer les uns avec ce qui pourrait faire vivre les autres ».

Je correspondais avec mon correspondant allemand qui avait complètement intériorisé l’esprit militaire : convaincu qu’il pouvait d’un coup de tête remettre un bouchon de champagne dans sa bouteille, il a gagné son pari… mais il s’est retrouvé à l’hôpital. Je lui écris en 1969 : « Günter, tu considères la politique comme répugnante et tu crois ne pas y toucher. Mais tu es dans la politique jusqu’au cou. L’armée est l’instrument essentiel de la politique (je faisais alors du Clausewitz sans le savoir). S’engager dans l’armée, c’est s’engager au service du parti politique au pouvoir. On pourra toujours se dégager de ses responsabilités en se cachant derrière Befehl ist Befehl (un ordre, c’est un ordre)… Le nationalisme est moribond, il n’a aucune chance de salut… »

Je me contentais d’être antimilitariste : un maréchal, des maraîchers… un général, des générés (Boris Vian). Vous enfermez un soldat de 1 ou 2ème classe dans une pièce tranquille en compagnie d’un costume civil et vous ouvrez la porte au bout de 45 secondes : disparition complète du militaire ! La patrie est ce qui fait que les autres se méfient de vous. Ainsi de suite…

Début 1970, c’est la mini-guerre du Tchad. Je suis quelques meetings, mais comme d’habitude toujours les mêmes têtes présentes et certains ne viennent que dans l’espoir d’une provoc des « fachos », pour la bagarre. Je découvre en fac Netchaïev et Kropotkine, Stirner et Bakounine dans le manuel Histoire des doctrines économiques. Les auteurs Gide et Rist commentent l’anarchisme: « De telles généralisations hâtives désarment l’esprit critique ! »

Pourtant j’appréciais le message central des anars : «  Nous voulons détruire tous les Etats et toutes les Eglises afin que tous ces millions de pauvres êtres humains, trompés, asservis, tourmentés, exploités, délivrés de tous leurs directeurs et bienfaiteurs officiels et officieux, respirent enfin avec une complète liberté. » J’adore même cette phrase : « être gouverné, c’est être à chaque mouvement noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, réformé, redressé, corrigé… Puis à la moindre résistance réprimé, amendé, vilipendé, traqué, houspillé, garrotté, emprisonné, fusillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi… »

Je découvre chez Adam Smith, n’oubliez pas que je suis toujours en fac de sciences éco, cette même méfiance anti-étatique : « Le gouvernement civil est institué pour la défense de ceux qui possèdent quelque chose contre ceux qui n’ont rien. » Comme quoi le socialisme utopique et le libéralisme échevelé ont parfois des points communs ! J’achète mon hebdo vénéré, Hara-Kiri, je m’abonne, c’est moins cher, je leur écris, des conneries. Je progresse puisque je me pose des questions !

Le 11 février 1970, j’écris au pape de la non-violence, Lanza Del Vasto : « Je voudrais obtenir quelques renseignements sur votre communauté de l’Arche ; exigez-vous une règle de conduite ; y a-t-il encore des échanges économiques avec notre putain de société ; si vous avez des enfants, de quelle façon faites-vous leur éducation… » Je ne me rappelle pas avoir eu de réponse, mais j’ai séjourné plus tard une semaine dans la communauté de l’Arche : sympa.

Mi-février, Michel Debré m’apprend sans le vouloir l’existence des objecteurs de conscience lors d’un débat sur la patrie avec le communiste Duclos : « La patrie apporte la liberté par le suffrage universel : la liberté de la minorité de se plier aux exigences de la majorité (…) Les objecteurs de conscience ont de la chance qu’il y ait des patriotes. » Duclos penche pour l’internationalisme des marseillaises, non pour le cosmopolitisme. J’en déduis que Duclos est pour une patrie rattaché à l’URSS et Debré pour la patrie du grand capital. Ma réflexion s’affirme, je ne suis plus patriote. Je voudrais propager l’état d’esprit pacifique et cosmopolite, chercher à résoudre les problèmes du tiers-monde plutôt qu’à défendre notre peau.

J’écris : « Je me fous que la France soit écrasée si du moins l’esprit vraiment humain arrive à se propager. » Je ne suis pas vraiment extrémiste, je suis encore disposé à faire le service militaire si mon pouvoir de contestation n’est pas bêtement annihilé par un tribunal militaire. Dans mes notules, ces questions : « Doit-on se battre pour trouver la paix ? … Ne devient-on pas brutal par faiblesse ? … Je m’en fous d’être occupé par un autre peuple parce que mon pays est déjà occupé par des étrangers : les gouvernants, les capitalistes… »

Et puis je commence à participer à un groupe de soutien des objecteurs de conscience. Je distribue des brochures sur le statut des objecteurs de conscience. Je milite en faveur des insoumis. Mais je reste encore « militariste » en ce sens que je n’aime pas me faire taper sur la gueule par un con et qu’il trouvera à qui parler. Or le statut des objecteurs exige de se déclarer « opposé en toutes circonstances à l’usage personnel des armes ». Je conteste. Si en tant qu’individu on estime la violence nécessaire, comme cela a une répercussion très limitée, alors oui cette violence peut être fondée, par exemple par la légitime défense. Par contre la violence de groupe devient par son amplitude trop aveugle et empêche l’individu de conserver son libre arbitre. Pour moi dès cette époque la violence ne doit pas être institutionnalisée, par exemple dans une armée. Elle doit rester le choix de chacun et non un jouet aux mains de quelques-uns.

Notre comportement découle d’une prise de conscience individuelle, pas d’un ordre social. Nous n’avons pas à suivre les moutons conduits à l’abattoir, nous ne devons pas devenir des morts pour rien comme l’ont été toutes les victimes des guerres. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Premiers contacts  avec l’écologie (fin)

Fin juin 1971, je me déclare solidaire des objectifs du CSFR (Comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, à savoir :

  • opposition par tous les moyens légaux au projet de construction, à la construction ou au fonctionnement de la centrale nucléaire de Fessenheim ;

  • création d’un courant populaire en faveur de la sauvegarde de la santé publique pour la non implantation de centrales nucléaire dans la plaine du Rhin.

J’ai maintenant ma licence de sciences économiques, je commence ma vie active… en tant qu’éducateur ! Mais je continue ma réflexion écologique sans être encore écologiste. Tout autour de moi on ne jure que par la croissance, je commence vraiment à penser qu’on a été trop loin. Je lis en mars 1972 le livre de Jean Dorst « Avant que nature meure » (1965). Tout est déjà dit :

« Si l’on envisage l’histoire du globe, l’apparition de l’homme prend aux yeux des biologistes la même signification que les grands cataclysmes à l’échelle du temps géologique… A l’époque contemporaine la situation atteint un niveau de gravité inégalé… Tous les phénomènes auxquels l’homme est mêlé se déroulent à une vitesse accélérée et à un rythme qui les rend presque incontrôlables… L’homme dilapide d’un cœur léger les ressources non renouvelables, ce qui risque de provoquer la ruine de la civilisation actuelle. »

Je découvre cette vérité profonde : il est facile en théorie d’abattre la société moderne, il suffit de ne pas consommer. Vivre à la campagne, devenir végétarien et artisan, se vêtir, se nourrir, se loger par l’auto-production artisanale. Tout le reste devient inutile ville, usine, cinéma, auto, télé… Or cela apparaît impossible, parce que nous sommes coupés de la campagne, parce que les gens se nourrissent en échange de métiers inutiles, parce que les gens sont habitués au « confort »… Grothendieck s’est retiré du monde à cette époque, c’est une attitude que je comprends tout à fait. Il me faudra personnellement attendre 2011 pour que j’agisse en faveur des communautés de transition (dite aussi de résilience) pour une autonomie locale, alimentaire et énergétique.

Avril 1972, j’assiste à une conférence sur la pollution atomique. 20 000 instituteurs girondins étaient invités, il n’y en a qu’une vingtaine à peine qui s’est déplacée. Sans commentaire ! Hier je discutais avec un presque médecin. Pour guérir une angine, pas besoin de médicaments. Un peu de jeûne et 15 jours de lit suffisent. Le médecin sait cela, mais l’ouvrier qu’il soigne doit vite reprendre son travail. Alors on le dope et il est remis sur pied en deux jours !

Mai 1972, je suis visionnaire : « Le mode de satisfaction des besoins dans les pays dits développés ne peut pas être appliqué à la population du monde entier car les ressources naturelles sont trop limitées ; l’équilibre écologique devient trop difficile à maintenir puisque l’industrialisation technicienne a acquis une supériorité inaccessible à la critique. » Je cite Ivan Illich : « Davantage de marchandises peut signifier moins d’avantages… Plus grande est la vitesse à laquelle un homme se déplace aujourd’hui, plus important est le temps qu’il met pour se rendre d’un endroit à un autre… Une politique de limites supérieures donnerait à l’individu un pouvoir maximal pour déterminer quels outils sont adaptés à son existence, pour les produire et les utiliser à sa manière et pour ses propres buts, au service de sa vie et de celle des autres. »

Je crois que la pollution nous donne un délai de trente ans seulement pour abandonner notre consensus de croissance économique au profit d’un consensus « angélique », où notre entourage n’est plus fait d’objets, mais d’amour et de sentiments, d’un attachement palpable à la terre et à notre planète. Quarante ans après, nous ne sommes toujours qu’une poignée à tenir ce discours. La planète a encore l’air de tenir le coup en 2012 … Notre chute n’en sera que plus brutale.

15 Juin 1972, je découpe un entrefilet sur la conférence des Nations unies sur l’environnement qui se tient à Stockholm. La France a eu le mauvais goût de faire un essai nucléaire dans l’atmosphère à la veille de cette conférence… certains pays voudraient condamner ce genre d’exploit. La France montre qu’elle se fout complètement de ce qui se passe à Stockholm. Même jour, un article sur le nouveau cri d’alarme de Sicco Mansholt, président de la commission du Marché commun :

« La race humaine, menacée par la pollution, l’accroissement démographique et la consommation désordonnée de l’énergie, doit modifier son comportement, si elle veut tout simplement ne pas disparaître… La grande crise devrait culminer autour de l’an 2020. »

Cette déclaration se base sur l’enquête effectuée par le Massachusetts Institut of Technologie (le rapport du club de Rome sur les limites de la croissance), publié en juillet 1971, évoqué en février 1972 par une lettre de Mansholt. La planète est déjà peuplée de 3,7 milliards de personnes. Que faut-il faire ? Mansholt répond :

« Il faut réduire notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance, celle de la culture, du bonheur, du bien-être. C’est pourquoi j’ai proposé de substituer au PNB « l’Utilité nationale brute » ou, comme on le dit plus poétiquement en français, le Bonheur national brut. »

Même jour, un autre article où s’exprime Philippe Saint Marc : « Nous sommes dans un train qui roule à 150 km/h vers un pont coupé. Le monde court à la catastrophe écologique s’il ne procède pas rapidement à une réorientation fondamentale de la croissance économique. »

Je lis Le choc du futur de Toffler. Angoissant. « L’expérience individuelle dans le futur sera modelée et programmée par des psychotrusts, comme déjà n’importe quel bien de consommation courante est surchargé d’un pouvoir affectif par la publicité. Le jour naîtra où les consommateurs ne réussiront plus à faire une nette distinction entre le réel et le simulé… Le jour où des pans entiers de la vie seront programmés commercialement, nous nous serons fourrés dans un guêpier de problèmes psychologiques d’une complexité effarante. Jusqu’à maintenance, la santé mentale était caractérisée entre autres par l’aptitude à discerner le réel de l’irréel. Nous faudra-t-il inventer une nouvelle définition ? »

Mais Toffler, lui, n’est pas angoissé. Il considère que les drop out contestataires n’ont pas pu s’adapter au rythme du changement et que ce n’est nullement une dénonciation du système. Jacques Ellul est plus critique. Il considère que l’homme de demain sera sans doute réduit à l’état d’appareil enregistreur. Il vivra dans un Etat totalitaire dirigé par une gestapo aux gants de velours.

Un peu de science fiction , j’imagine le monde à venir dans mon petit carnet le 16 septembre 1972 :

– Trouvé à l’angle de la 78e avenue et de la 496e rue un mégot de cigarette. L’inconscient qui a laissé cette ordure est prié de se présenter au commissariat pour verser la taxe forfaitaire afférente à cet acte anti-social…

– Les vapeurs toxiques commencent à diminuer d’intensité. Les foyers peuvent dès à présent ouvrir l’électricité, mais pas plus de 3mn et 45 secondes…

– Nous apprenons que nous avons enfin pu reconstituer un spécimen d’une espèce de poisson jadis appelée sardine. Nos prévisions de repeuplement permettent d’anticiper la pêche des sardines dans environ 350 années…

– Deux fusées intergalactiques viennent de se percuter près de l’astre 91. Heureusement nous n’avons à déplorer que 37 485 victimes. Par contre les dégâts en capital sont si importants que les familles des disparus sont priées d’apportées leur contribution à sa reconstitution.

Nous sommes en 1972, je n’ai encore aucune idée de l’importance que prendra l’écologie politique. Les partis de l’époque non plus ! Faudra attendre 1974 avec René Dumont… Il est vrai qu’à l’époque mon engagement d’objecteur de conscience occupe mes pensées et mes actions. (à suivre, demain)

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04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Premiers contacts avec l’écologie (suite)

En mars 1971, je réalise que l’agriculture est vraiment le secteur primaire, au sens de fondamental, absolument nécessaire à notre subsistance, ce sans quoi il n’est rien d’autre possible. Or d’une part il y a destruction de la terre nourricière, d’autre part il y a coupure de plus en plus radicale de l’homme envers la terre. Le circuit de distribution est de plus en plus complexe, donc de plus en plus fragile ; une désorganisation pourrait entraîner panique et peut-être même famine. Je commence à maîtriser les rudiments de l’agriculture biologique. Les produits chimiques s’adressent directement aux végétaux auxquels ils amènent des produits synthétiques qui donne des produits fragiles. On augmente les doses d’engrais pour aboutir finalement à des rendements décroissants. De plus toute possibilité d’autodéfense de la terre contre les destructeurs disparaît.

Par contre la culture biologique favorise le développement des microorganismes qui peuvent alors apporter aux végétaux un aliment complet. Il y a rendement optimum et continu puisque le tissu nutritif du sol peut se reconstituer naturellement. Je pense que la culture maraîchère sur de petites surfaces est plus avantageuse que la culture intensive. Il est d’ailleurs bien clair pour moi que les ressources entières de la terre ne suffiraient pas aujourd’hui à procurer à tous les habitants de notre planète le niveau de vie de messieurs les Américains…

Ce n’est pas mes cours de fac qui peuvent m’amener à de telles idées ! Les physiocrates peut-être, qui considèrent que seule l’agriculture est productive ?

Le 8 avril 1971, je note grâce à Historia que le CO2 est en principe inoffensif. Il ne constitue que 0,5 pour mille de l’atmosphère. Mais l’humanité en déverse 100 millions de tonnes supplémentaires chaque année. Or le CO2 est opaque à l’infrarouge, rayonnement par lequel la terre renvoie une grande partie de l’énergie solaire qu’elle reçoit. Une trop grande croissance du CO2 dans l’atmosphère pourrait faire en sorte que la température du globe s’élève ; les glaces polaires pourraient fondre. Je savais donc déjà cela en 1971, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne sera fondé qu’en novembre 1988 et les climato-sceptiques se sont déchaînés au début des années 2000 !

Je note aussi en 1971 qu’une fusée comme Saturne abandonne 200 tonnes d’hydrogène dans la haute atmosphère. Or cet atome détruit l’ozone qui enveloppe le globe et nous protège des radiations ultraviolettes du soleil. On ne parlera que bien plus tard du trou dans la couche d’ozone ! Le comité pour l’environnement du sénat américain a calculé que la chaleur qui serait diffusée dans l’atmosphère en l’an 2000 si chaque citoyen du monde en venait à dépenser la même quantité d’énergie que l’Américain moyen en 1970, alors les glaces du pôle fondraient. Je prends vraiment conscience que c’est un suicide collectif que de vouloir rattraper le niveau de vie américain.

Une autre de mes notules à l’époque: « Pourquoi la croissance, pourquoi consommer, pourquoi toujours plus, pourquoi faire des enfants ? Pourquoi se déplacer, pourquoi ne pas trouver le bonheur avec sa voisine de palier ? A quoi sert-il de consacrer des millions de francs pour découvrir un nouveau produit pharmaceutique quand on sait par ailleurs que le cancer est causé en grande partie par la multiplication des substances carcinogènes ! La solution, remplacer le plus avoir par le plus être. Jusqu’ici les médias diffusent les mythes de la société moderne, la richesse, le développement, l’exhibitionnisme et le gaspillage. Des savants proposent la régression industrielle systématique. Je considère même personnellement la décroissance possible, si ce n’est nécessaire. »

Je pense en 1971 qu’une inquiétude plus profonde est en train de naître au cœur des hommes ; notre actuelle course à l’argent peut faire sans tarder place à autre chose. Je perçois aussi que les pays industriels sont plus vulnérables que les pays du tiers-monde à une désorganisation structurelle.

Le 13 avril 1971, j’écris à Pierre Fournier, l’écolo de service à Hara-Kiri : « Avec l’urbanisation de la campagne, la vie s’accorde de moins en moins directement aux rythmes biologiques et naturels. L’obligation faite de se mouvoir dans un espace plus restreint et artificiellement construit amèneront progressivement l’individu à perdre son autonomie individuelle. Quant à ton régime végétarien, c’est une profession de foi. Tu n’as pas expliqué en quoi ce serait une rationalisation de la conduite individuelle. Pour moi, un brin d’herbe est aussi respectable qu’un agneau, et il faut bien marcher et bouffer… Mais j’aime bien ce que tu écris… »

J’estime avec Fournier que l’équilibre écologique de notre planète est définitivement rompu. Je pense dorénavant que la paysannerie est le fondement biologique de l’humanité, l’urbanisation trop poussé pourrait devenir un génocide différé.

Dans LE MONDE du 18-19 avril 1971, le ministre de l’environnement Poujade : « On a dit que les pollueurs seront les payeurs. C’est une bonne formule qui n’est pas à écarter, mais il faut comprendre que les pollueurs paient aussi les ouvriers. Si on les étrangle économiquement, ils risquent de ne plus pouvoir payer ni le coût de la lutte contre la pollution, ni leurs investissements, ni leurs ouvriers. »

Déjà l’économie joue politiquement gagnant face à l’écologie, déjà un ministre oppose l’emploi et le respect des écosystèmes. Qui donc nous protégera contre les ministres de l’environnement ? Je me pose des questions du genre « Pourquoi développer constamment la production d’énergie ? » Je trouve que la demande d’électricité ne correspond plus à des besoins véritables. Je constate que la consommation ne peut plus fonder le nébuleux concept de « niveau de vie » ; elle correspond plutôt à la production de déchets et à la dégradation de la qualité de l’environnement. Il est difficile de suivre les effets d’un polluant dans le temps et il y a aussi une synergie des différents polluants. J’en déduis qu’il faut maintenant maîtriser les phénomènes de la vie (les écosystèmes) et non plus seulement ceux de la matière.

Je découvre donc en cette fin de quatrième année de sciences économiques (l’équivalent d’une maîtrise) que l’écologie va se dresser contre l’économie. Ce sera la recherche de l’optimum contre le culte du maximum. L’économie demande des réponses à brèves échéances, l’écologie envisage le long terme. Peut-être que quand on réalisera cette contraction, il sera trop tard pour agir. En économétrie, on préfère encore étudier le modèle fifi (physico-financier). L’information sur la pollution donnée par les mass media est en général présentée de façon déformée, inspirée par de puissants intérêts économiques ou par l’ignorance des fondamentaux par les journalistes.

En mai 1971, je m’abonne à « Survivre » de Grothendieck, par le biais duquel j’ai des contacts personnels à Bordeaux avec le fils Mendes-France, Michel. Il a une belle petite Volkswagen, peinturlurée façon hippie. Mais pas un grand sens de l’organisation. Le 14 juin 1971, je découpe des coupures de presse, sur les actions de la SEPANSO (« La nature, elle, n’attend pas »), sur « Alerte à l’accroissement du bruit dans les villes », sur « L’incinération d’une bouteille en matière plastique qui pollue 30 m3 d’air »… Le 15 juin 1971, j’écris à Grothendieck, de « Survivre journal ». Grothendieck, un mathématicien célèbre qui a tout compris de l’inanité des études scientifiques sans conscience et des menaces qui pèsent sur notre survie. Ma lettre n’était pas à sa hauteur !

Bientôt le PNB va s’accroître parce que l’eau et l’air seront des bien rares et donc monétarisés. Déjà le PNB commence à signifier Pollution nationale brute. Je questionne les emballages plastiques qu’on retrouve partout, l’évacuation des produits dangereux dans la nature, les nappes de mazout, les containers éclatés contenant des déchets radioactifs, la diffusion du DDT… Je questionne l’atomisation de l’habitat où la vie n’est saisie que dans sa matérialité, l’embouteillage qu’on subit patiemment seul à son volant…

Il faudrait intégrer les déséconomies externes dans le tableau de Leontief ! Mais l’analyse coût-avantage n’en est qu’à ses premiers balbutiements. On peut d’ailleurs douter qu’elle dépassera jamais ce stade. Car il me paraît impossible d’évaluer objectivement les déséconomies externes ou de formaliser des seuils de sécurité. Je rêve cependant d’une planification pour la sauvegarde de l’environnement. Je consulte le bulletin interministériel sur la RCB (rationalisation des choix budgétaires) qui s’interroge doctement sur la valeur de l’environnement. Par exemple comment cerner la valeur des forêts suburbaines ? Mais on fait seulement référence à leur valeur récréative en envisageant des études de fréquentation et des enquêtes de motivation ! (à suivre demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Une pensée en avance sur son temps

Le bureau de la société des agrégés (Sud-Ouest du 8 mars 1971) dénonce publiquement l’ouvrage : « Le petit livre rouge des écoliers et lycéens ». C’était à les en croire une œuvre ni littéraire ni idéologique mais de destruction et de démoralisation qui, de plus, « porte une grave atteinte à l’immense majorité des élèves et des maîtres ». Je me suis empressé de me procurer ce livre rouge. On y trouve des choses très intéressantes : « Suivant les directives ministérielles, les professeurs doivent faire participer activement leurs élèves à l’enseignement. Vous (les lycéens) devez donc être actifs, c’est-à-dire agir et parler pendant la classe. Si vous ne faites qu’écouter le professeur et si vous vous ennuyez, vous ne respectez donc pas les directives ministérielles. Essayez d’expliquer tout cela à votre prof. ».

Le Petit Livre Rouge a été interdit par le ministre de l’intérieur Marcellin, « Raymond la matraque » ! Je fournis à qui veut la bonne adresse pour se le procurer illégalement (Etienne Bolo, Paris 15ème). J’en achète en nombre, je diffuse.

Un assistant de fac me trouve inclassable, échappant totalement à la grille de notation ordinaire. Dans les devoirs que je lui remets, j’exprime mon approche personnelle des choses et non l’idéologie théorisée d’Hicks ou d’Untel. Quand je fais un exposé oral, j’instaure tout de suite débat et non-directivité. Quand je ne suis pas d’accord, je le dis, même dans un amphi de 200 étudiants ! Avril 1971, je pose publiquement la question à mon professeur Merigot : « La majorité de l’auditoire, me semble-t-il, trouve votre cours profondément ennuyeux. Que pensez-vous de votre propre cours ? » A l’économètre Lagoueyte : « Que pensez-vous de la phrase de Sauvy : la poussée actuelle d’économétrie est une fuite devant la réalité de notre temps. » A Robine : « Que faut-il faire devant la non prise en compte par les entreprises privées de la détérioration de l’environnement ? ».

L’enseignement ne fait que perpétuer un ordre établi sur des bases fausses. Petit Livre Rouge p.12 : « Quand on n’a qu’un droit, celui d’obéir, on apprend inévitablement à ne jamais chercher à savoir pourquoi on fait ce qu’on fait. On apprend à ne jamais se poser de questions, on apprend à ne plus penser. » Face à cela, notre esprit critique ne vient pas spontanément, il faut le cultiver, il faut s’entraîner, il faut changer de comportement.

La mode est alors au short pour les filles. Très peu en portent dans ma fac. Faut pas nous confondre avec la fac de socio ! J’ai mis plusieurs mois à me convaincre à partir en short à la fac, j’y vais souvent en vélo. Le 8 juin 1971, c’est fait : un garçon en short à la fac de sciences éco, un seul, c’est moi ! En fin d’année estudiantine, un assistant de fac m’a asséné : « On peut te prendre pour le meilleur élève d’une classe Freinet, mais tu n’as strictement rien à faire en fac d’éco ». Ainsi donc dans notre société policée, la pédagogie s’arrêterait à 10-11 ans, toute participation active à son enseignement étant interdite au-delà ? Mais le blocage ne vient pas seulement des instances officielles. Ceux qui distribuent Rouge et LO ne comprennent pas plus les avantages de l’apprentissage permanent, celui qu’on apprend en marchant de ses propres jambes. Notre liberté d’agir ne vient pas spontanément, il faut résister, il faut s’entraîner. C’est à ce prix qu’on obtient son autonomie.

10 juin 1971. Je loupe la première session de l’examen de fin d’année. Normal, vu mon état d’esprit. J’ai acquis un tempérament si critique que je suis en perpétuel déphasage avec ce qui m’est scolairement demandé. J’ai pu me débrouiller en TP parce que les assistants pouvaient tester mon niveau de sincérité ; il ne peut en être de même dans une copie d’examen. Mais je réussis la deuxième session de rentrée. Il suffit d’apprendre par cœur et de réciter : le prof est content. Ce n’est plus l’économie qui va motiver mon existence, c’est l’écologie et l’enseignement. (à suivre demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Une pensée se forme progressivement

En février 1970, je commence avec Einstein  à percevoir ce que relativiser veut dire:

« Si ma théorie de la relativité est prouvée, l’Allemagne me revendiquera comme Allemand et la France déclarera que je suis citoyen du monde. Mais si ma théorie est fausse, la France dira que je suis Allemand et l’Allemagne déclarera que je suis juif. »

Je m’informe toujours et encore. A cette époque, Nixon remplace par l’armée les postiers en grève au nom de l’intérêt général, le directeur de la Cause du peuple, Jean-Pierre Le Dantec, est arrêté pour apologie de meurtre, les gardes mobiles chargent les honnêtes commerçants qui soutiennent Nicoud. La paix est assurée par l’Etat et les marchés. Je suis les cours de la fac de sciences économiques avec un chapeau haut de forme. Les études universitaires m’ennuient, je ne peux plus supporter les profs, je passe le permis poids lourds en mars 1970. Ma décision est prise, je veux faire chauffeur routier. Mon père m’en a dissuadé, disant très justement que s’il avait payé mes études jusque là, ce n’était pas pour que j’abandonne en route. J’ai trouvé cela logique, va pour la maîtrise en quatre ans.

Je note : « On oublie trop souvent le long terme pour le court terme, on oublie trop souvent de placer l’intérêt de l’espèce avant celui de la nation, d’une classe, de l’individu. Le fonctionnement réel de l’économie étouffe la clairvoyance sociale. » Je progresse dans ma réflexion. Je m’insurge contre les connaissances théoriques, la concurrence « pure et parfaite », le noumène opposé au phénomène quand des gens crèvent de faim, quand le canon sert encore à rectifier les frontières. Je m’insurge contre les courbes sans fondement statistique, pour des équations sans rime ni raison. Poser I = S (Investissement = épargne), c’est par exemple attribuer sa raison d’être à la distinction épargnant-entrepreneur, c’est justifier la préférence pour la liquidité des classes pauvres et les encaisses monétaires du gratin financier. La bourse me semble un marché de dupes, le taux d’intérêt n’a pas de fondement autre que le coût de transaction.

Octobre 1970, je commence ma quatrième année de sciences économiques, option économétrie. Planification indicative à la française, planification impérative à la soviétique, autogestion yougoslave, tout est possible. Les pratiques gouvernementales testent toutes les options. Que choisir ? Je distribue en TP un hebdo qui vient d’être interdit par le ministre Marcellin (Hara-Kiri du 16 novembre 1970 avec en couverture « Bal tragique à Colombey : 1 mort »… De Gaulle vient de mourir). Chaque membre du groupe en a un exemplaire, je soutiens Hara-Kiri à fonds perdu. De là je débouche sur une critique de la planification : parler de planification est un acte politique… Or à l’heure actuelle les politiciens ne savent plus où aller… La preuve, Hara-Kiri qui est interdit. Plutôt que d’interdire une revue, ne vaut-il pas mieux interdire par exemple la discrimination des salaires ?  Avant de parler de planification économique, ne vaudrait-il pas mieux aborder la planification de la pensée, etc. J’invente la dynamique de groupe sans en avoir les rudiments. N’importe quoi sans doute, mais au moins je m’implique collectivement.

L’idiotie de la croissance économique n’est encore perceptible par personne. Pourtant Pierre Massé, du commissariat au plan, nous explique que si la production continue de progresser à son rythme actuel, elle conduirait à doter en 2070 chaque Français d’une centaine d’automobiles et à fabriquer avant l’an 3000 un volume de produits manufacturés dépassant celui de la Terre, de la Lune et de Vénus réunis. Sur le taux d’intérêt, ma conviction est faite. Dans notre manuel d’économie de Raymond Barre, « L’économiste n’a pas pour sa part à résoudre le problème de la moralité de l’intérêt : il constate l’existence de l’intérêt et sa tâche est d’en fournir l’explication ». Qu’en termes immoraux ces choses-là sont dites ! Car j’ai une explication non conventionnelle, mais qui me semble irréfutable. Le taux d’intérêt ne représente que le coût qu’implique le fonctionnement centralisé du système monétaire. Il se résume aux coûts bancaires de paiement de la main d’œuvre nécessaire et du matériel utilisé. Pas besoin de l’argent des rentiers, la banque peut créer de l’argent ex nihilo, c’est d’ailleurs son rôle principal. Pas besoins de prime de risques, les contrevenants peuvent être repérés facilement. Quant au fait de rémunérer celui qui renonce temporairement par le prêt à l’usage de son propre argent, laissez-moi rigoler. Toute accumulation de fric résulte de l’exploitation d’autres personnes dont on a retiré des subsides illégitimes. L’appropriation privée du capital financier est une absurdité, il n’y a aucune explication raisonnable au fait de retirer un bénéfice de la monnaie : l’argent ne peut pas faire de petits (c’est du catholicisme sans le savoir). Tout cela pour dire qu’à la fac, je ne fais plus grand chose à part expliquer que l’inflation résulte de la lutte des classes et de la taille de mes WC. En termes clairs, il y a spirale salaire-prix à cause des revendications syndicales et pression à la hausse sur le prix à cause de l’expansion de la demande.

Mes lectures annexes sont toujours très loin de ce que j’apprends en cours ! Début 1971, j’étudie Hegel et Marcuse. Hegel avait écrit que « le pouvoir du négatif est le principe qui préside au développement des concepts : la contradiction est la qualité distinctive de la raison. C’est seulement à travers une rationalité qui admet la contradiction que se constitue vraiment le mouvement du réel et même le concept de réel ». Il s’agit d’un mouvement dialectique, thèse, anti-thèse, synthèse. Hegel explicite ma conviction, il faut savoir intégrer dans sa pensée un raisonnement contraire au sien. De son côté Marcuse oppose deux argumentations : « Ce qui est ne peut pas être vrai » d’une part, « Ce qui est réel et rationnel » d’autre part. Marcuse estime que « la logique mathématique et symbolique contemporaine s’oppose radicalement à la logique dialectique par élimination du négatif. La tension entre ce qui est et ce qui devrait être disparaît. De cette manière on prétend à la pensée objective, exacte et scientifique alors qu’on a éliminé tout jugement qui puisse condamner la réalité établie. On peut conclure que le fait que l’opposition négative se soit transformé en opposition positive empêche tout changement qualitatif ».

J’ai un cousin matheux qui m’avait dit bien plus simplement que la nature était mathématisable mais n’était pas mathématique. Je comprends Marcuse, il n’y a pas de lois économiques immuables mais seulement une organisation afférente à un état de conscience donné. Or l’enseignement de sciences économiques nous transformait en lignes géométriques reproduisant la parole des soi-disant grands maîtres. Notre rôle d’économiste sera de maintenir l’ordre, devenir expert-comptable ou économètre d’Etat, matricule untel au poste numéro tant. Contre cette police facultérale de la pensée, tout est bon pour moi pour contester, discuter, agiter.

Février 1971, je me fâche avec mon groupe de travaux pratiques. Je voulais faire la simulation d’une prise de décision : le transport domicile-travail et ses améliorations possibles vues par la municipalité d’une grande ville. Mes camarades préfèrent un exposé magistral sur les critères de rationalité en Union soviétique : ils veulent exploiter leur travail réalisé depuis deux mois, « tel théoricien pense, tel autre croit… » Ils pouvaient très bien suivre à l’oral mon projet et rendre par écrit leur synthèse. Ils ne veulent pas ! Ils restent des techniciens de l’économie, pas des sociologues engagés. Et quand on sait ce qu’est devenue depuis la « rationalité soviétique » ! J’ai quand même réussi à organiser quelques débats, mais je me suis aperçu que les membres de mon TP d’analyse économique étaient inaptes à une participation active. Je discutais plutôt avec les assistants qui dirigeaient nos travaux. J’en conclus que notre enseignement nous rendait incapable de discuter des problèmes contemporains. Nous avons été enfermés dans des querelles de concepts sans intérêt et les étudiants ont perdu leur sens de l’autonomie intellectuelle. L’idéal de l’enseignement supérieur semble être de formater de parfaits abrutis qui ne pensent qu’à une chose, avoir leur examen pour gagner plus de fric que d’autres. Peu leur importe leur utilité sociale du moment qu’ils pourront fréquenter leur cercle de bridge. Triste.

Mars 1971, je note : Le loyer d’habitation est au sens économique une somme qui est affectée à l’amortissement de l’appartement occupé et à l’investissement nécessaire à loger l’augmentation de la population ou aux désirs d’accroître les m2 disponibles. Or cette somme va la plupart du temps à un propriétaire qui l’affecte à une résidence secondaire d’utilité sociale inexistante ou à un fonds de placement qui servira à l’enrichir encore plus. Une véritable rationalité ne sera atteinte que si tous les membres d’une collectivité ont pleinement conscience des répercussions globales des inégalités sociales et de leur injustice. (à suivre)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

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Sur les bancs de l’école,

prolégomènes de mes engagements futurs

Quelques idées générales : Ainsi parlait Ivan Illich. Avec la scolarisation, il s’agit d’enfermer les enfants entre les quatre murs d’un établissement scolaire, il s’agit de passer des centaines d’heures à entrer avec toute une classe d’âge dans la routine d’un programme pour recevoir un diplôme en fonction de sa capacité à se soumettre. Selon le même modèle que la formation des scribes autrefois, on croit que le passage par plusieurs stades d’apprentissage théoriques et livresques, l’école élémentaire, puis le collège, le lycée, la faculté (ou ses équivalents ) permet de progresser continûment dans une chaîne du savoir. Mais qu’apprend-on vraiment à l’école ? On y apprend que plus on y passe d’heures, plus on vaut cher sur le marché. Penser librement, c’est aussi de débarrasser de cette fabrique à institutionnaliser les inégalités.

Il y a la vie en classe…

plus de vingt ans de vie assise pour les plus malchanceux.

J’ai eu la chance de rester jusqu’à cinq ans à la maison, ma mère s’occupant de mon frère cadet et moi. Fondements d’une vie plus active quand le milieu familial est favorable, merci maman. Je ne me rappelle rien de ma scolarité primaire. Oubli volontaire ou amnésie générale ? Nous apprenions par cœur. La première interrogation écrite a porté sur les tables de multiplication. Je les connais toujours ! Quel intérêt de calculer ? Ah, oui, pour subir le marché et sa comptabilité !

Je me demande encore comment j’ai survécu aux années de lycée (Michel Montaigne à Bordeaux) : salle de classe fermée, tableau noir et saleté, grillage aux fenêtres, pas de nature, bureau surélevé comme preuve d’autorité. Comment oser encore se rebeller ! Un jour j’étais dans la cour avec des copains. Niveau première je crois. Le censeur nous demande ce que nous faisions là. Moi, serviable, de répondre qu’Untel (nom du prof) est absent. Le kapo me fait répéter, je m’exécute : « Untel est absent. » Je reçois une gifle ! Je n’avais pas dit « Monsieur » Untel. Autorité au lycée, autorité à la maison, société autoritaire. Mais j’essayais de comprendre. Je faisais de la philo en première, j’ai occulté tout le reste. Comme il n’y avait pas encore de philo cette année-là au bac, j’ai redoublé ma première. L’année suivante un prof de philo sympa. On ne prenait par écrit que quand on le jugeait nécessaire, nous dit-il. Avec sa permission, j’ai donc croisé les bras, au premier rang, définitivement. Au bout d’une semaine, le prof de philo s’est fâché, j’avais respecté ses consignes à la lettre. La philo est tombée de son piédestal, définitivement. Où donc était la vérité ? Entre le ça, le moi et le surmoi nous expliquait un professeur stagiaire. Ah bon ! Freud faisait une entrée dans ma vie.

En mai 1968, je terminais ma première année de sciences économiques en fac. Je n’ai rien compris à la révolte étudiante. J’étais plongé dans le droit, le marginalisme et les exercices de math, je n’avais pas du tout la tête révolutionnaire. J’étais presque d’accord avec Sanguinetti : « La jeunesse n’existe pas, c’est une invention des adultes. Mai 1968, c’est la condamnation du monde moderne, mais c’est surtout une crise d’infantilisme. La jeunesse veut les droits de l’adulte et les privilèges de l’enfance. Le pouvoir étudiant, c’est une farce ! » Des phrases sur les murs bordelais m’ont cependant marqué, par exemple «  l’ennui suinte de ces murs où le cadavre du militantisme se putréfie », « la cohérence du mythe bolchevique a fait place au mythe de la cohérence bolchevique. » Je suis resté pendant les grandes vacances discuter avec les enseignants de la réforme de l’enseignement universitaire. La presque totalité des manifestants était aux abonnés absents. Manifester, c’est bien, discuter et construire, c’est pas leur truc, aux agitateurs. Mai 68 fut une fête qui arracha ses participants à la quotidienneté, leur donna l’illusion d’une liberté absolue et d’une totale communion. Une illusion. Les mouvements de masse n’ont pas de prise sur une réalité complexe.

On ne naît pas avec des courbes d’offre et de demande dans la tête. Tout s’apprend, même l’incompréhensible. Je recherchais la réalité dans les détails de mes cours. Ricardo était « un esprit puissant mais obscur qui, il en fait d’ailleurs l’aveu, ne s’est pas toujours compris lui-même ». Stuart Mill a écrit des choses sublimes, genre : « L’appréciation comparative du moraliste n’a rien à faire en économie politique. Mais s’il n’y avait pas d’autre alternative, on choisirait le communisme avec tous ses risques plutôt que l’état présent où le produit du travail est distribué en raison inverse de la peine prise (…) La concurrence est pour le présent une nécessité indispensable au progrès, mais la coopération est le plus noble idéal, l’émulation fraternelle pour la poursuite du bien de tous. » La concurrence qui s’effectue entre entreprises privées serait-elle une aberration ? Le libéralisme économique serait-il un mensonge ? J’apprends que l’union des hommes fait toujours plus que leurs rivalités, que ce soit pour dresser l’obélisque à Paris ou pour aller sur la Lune. Pourtant nous rivalisons de plus belle, compétitivité exige. Il me faut ingérer la loi de la rente foncière et celle des avantages comparatifs, le prix naturel du travail et autres fadaises ! Les concepts que nous utilisons en fac de sciences éco me semblent frelatés, contradictoires, indécis.

Il m’a fallu pourtant longtemps pour commencer à contester les enseignants. Il me fallait une volonté anti-autoritaire, acquise par réaction dans mon milieu familial, nourrie par ma critique de la religion. Mon premier exploit ? Il fut symbolique. En décembre 1969, troisième année de fac, le professeur Ghestin s’attendait à ce qu’on se lève à son entrée. C’était dans un amphi de sciences po., je suis resté assis, tout l’amphi était debout. J’étais tout seul au milieu d’un cercle vide, aucun de mes copains n’avait voulu s’asseoir à côté de moi. Ils savaient ce que je voulais faire, ils n’étaient pas solidaires. Les étudiants attendent, moi assis, eux debout. Une minute, deux minutes, trois… Le prof s’interroge, il m’interpelle. Je lui explique que nous nous levions seulement devant lui, pas avec les autres profs… donc ! Il s’est assis, les étudiants se sont assis, le rituel du salut debout a été définitivement abandonné. Je contestais une autorité de droit divin pour laquelle il n’y a pas lieu de comprendre, mais d’obéir. Mon acte a été individuel et solitaire, mais il me remettait en harmonie avec moi-même. Ce fut ma première révolte publique.

C’est à partir de 1970 que je me forge mes propres convictions économiques. Comment les suppôts de l’utilité marginale pourraient-ils justifier l’unicité du prix final sur le marché pour différentes personnes qui sont dans des conditions tout à fait dissemblables, par exemple l’affamé et le rassasié ? Quelle est la valeur de ces néoclassiques extrémistes qui refusent à l’autorité publique le droit de décider si la circulation automobile doit se tenir à droite ou à gauche ? Il est presque tragique que Walras s’imagine qu’il avait découvert la preuve rigoureuse qui manquait aux défenseurs contemporains du dogme du libre-échange : en revêtait de formules mathématiques les arguments même qu’il considérait comme insuffisants quand ils étaient exprimés en langage ordinaire ! Même la célèbre phrase d’Adam Smith me paraît contestable : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de leur propre intérêt. Nous nous adressons non pas à leur humanité, mais à leur égoïsme et ne leur parlons jamais de nos propres besoins, mais de leur avantage. » Pourtant une relation interpersonnelle ne peut pas s’analyser seulement du point de vue des individus impliqués dans cette relation, toute la société est concernée par ce que fait le moindre de ses membres. Un boucher ou un charcutier est sous contrôle social. Je pense qu’un véritable entrepreneur se serait depuis longtemps barré de la fac !

Je n’avais pas l’esprit d’entreprise et l’économisme me révulsait…,

je ne savais pas encore quelle serait ma voie. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Une pensée en marge

Le lendemain de ma sortie de prison, je reprenais comme si de rien n’était à la faculté de sciences économiques l’étude de Lord Beveridge présentant le budget de la nation : du plein emploi pour tous dans une société plus libre ! Je finissais ma troisième année de licence, j’allais commencer ma « maîtrise » d’économétrie (à l’époque c’était la licence en quatre ans). Mes notules de novembre 1970 continuent de montrer la multiplicité de mes centres d’intérêt.

Je suis aussi bien pour une langue universelle que contre le tourisme de masse. J’estime absurde d’apprendre à l’école des langues secondaires et non un langage unique de type espéranto : à quoi bon s’encombrer l’esprit des méfaits d’une concurrence linguistique entre nations ? Pour moi, le voyage n’est pas un déplacement du corps le long des kilomètres de l’espace, mais un voyage de l’esprit dans le flux des informations qui lui arrive. Faire du tourisme, c’est une démarche individualiste qui ne recherche que le plaisir personnel d’une sensation exotique, l’artefact d’un dépaysement. Ce n’est pas l’affirmation d’une volonté de changer l’ordre aberrant des choses. Mieux vaudrait agir sur son proche environnement. Le voyage immobile devient alors ouverture sur le réel concret. Fin 1970, je fais 400 kilomètres pour une session dite communautaire. Les garçons ont couché d’un côté et les filles je ne sais où ! On a bien lu Charlie/Fournier au début, et alors ? Nous étions un énorme groupuscule de 85 personnes qui totalisaient 17000 km pour cette rencontre. Quel gaspillage d’essence et de temps ! J’aurais préféré vivre la fraternité dans mon immeuble, dans ma rue. Mais elle n’existe pas. Alors ? Ce n’est que bien plus tard que je vais apprendre à fréquenter mes voisins, la fraternité se construit. Je tâtonne, je tâtonne… tâtonnement expérimental dirait Célestin Freinet !

Janvier 1971, j’ai vraiment compris qu’il fallait sortir de l’aliénation qui pèse sur moi, sur nous tous. Dans la Revue des revues (l’URSS et les pays de l’Est, 1968) : « L’idée centrale de Pavlov, plutôt qu’une mécanique simpliste du réflexe conditionné, est le déterminisme d’une structure cérébrale dominée par des processus d’analyse et de synthèse des excitations, ce qui rejoint l’indéterminisme neurophysiologique… Après 50 ans de littérature soviétique on a vu, pour la première fois de l’histoire des hommes, des individualités développées ne pas s’opposer à la société mais se fondre en elle. » Dans Partisans n° 46 : « Le capitalisme moderne ne saurait tenir longtemps par le seul jeu d’un esclavage pur et simple de la classe ouvrière ; il est nécessaire que, d’une certaine manière, l’exploité soit consentant, c’est-à-dire qu’il reprenne à son compte, au niveau de sa propre organisation mentale, les structures économiques qui l’aliènent. Cette prise en compte s’effectue, comme toute opération psychique, sur un registre symbolique. Par exemple la notion de patrie n’a par essence aucune réalité pour le psychisme individuel. Mais elle devient la mère-patrie, liée à des images communes, partagées par d’autres… Plus tu arrives à te départir de ton conformisme et plus tu deviens à même de comprendre, et donc de te rééduquer. »

J’estime aussi que la société n’est qu’un agrégat d’individus, et qu’elle ne peut rien faire d’efficace sans la bonne volonté de ces individus. Si ma propre influence est petite, mesquine, éphémère, d’autres « moi » peuvent agir dans le même sens chacun à leur petite échelle. Ce sont tous ces petits riens qui forment finalement la conscience de tout un peuple en mouvement ; nous sommes personnellement à la fois le nombril et la poussière. Si la société va mal, nous en sommes à la fois responsables et coupables. J’élabore mes propres dix Commandements :

  1. Chacun de nous est Dieu qui nous tire de l’inconscience ;

  2. Notre conscience ne peut accepter d’autre conscience que la sienne ;

  3. Vous n’érigerez pas en pierre ou en image rigide votre propre conscience ;

  4. Le septième jour au culte de votre conscience sera consacré ;

  5. Tuez votre père et mère afin de libérer votre conscience ;

  6. Conscience d’autrui ne prendra ni ne retiendra injustement ;

  7. Vous ne tuerez point d’autres consciences ;   la suite est encore plus indigeste

En février 1971, je participe à un WE sur violence/non-violence. Pas grand chose à retenir. Je préfère me polariser sur le statut de l’enfant, à l’insatiable curiosité. Pour moi, c’est évident, la révolution ne peut éclore qu’à la maternelle, c’est la révolution du jardin d’enfant de Vera Schmidt juste après la « révolution » bolchevique. L’enfant est ouvert au monde, malheureusement les influences sont bonnes au mauvaises. Là est le drame, car en même temps que l’épanouissement possible, il y a tout ce que les adultes montrent : frustration, ignorance, possessivité, racisme, violence, passivité… Moi j’ai passé l’âge de l’enfance. Je n’ai plus de spontanéité, j’analyse tous les mécanismes répressifs qui bloquent mon libre arbitre, la société de consommation comme je l’apprendrai plus tard. Je n’aime pas aller au cinéma pour voir un spectacle-qui-fait-passer-un-bon-moment, m’amuser pour m’amuser. Je n’aime pas bouffer en cœur pour boire en peu plus. Je réfléchis trop. J’ai déjà conscience de ne pouvoir appartenir à aucune chapelle. Il n’y a pas plus grand châtiment que d’habiter tout seul le paradis des idées !

J’ai l’impression que l’humanité s’engage dans une impasse, mais il n’y a encore personne pour le dire clairement. Robert Prehoda montrait en 1967 (Designing, the future, the role of technological forecasting) que la prolongation des courbes indique que la quantité d’énergie sur terre dépassera en 1994 celle rayonnée par le soleil, que les vaisseaux spatiaux atteindront le vitesse de la lumière en 1998 et que l’espérance de vie approchera l’immortalité en l’an 2000 ; en l’an 3900, la population humaine formera une masse se propageant par sa propre croissance aussi vite que la lumière ! Notre monde est absurde, mais nous ne le savons pas encore.

Fin 1971, j’acquiers un peu plus de confiance en moi. J’ai même une fâcheuse tendance à croire que j’ai toujours raison quand on discute de problèmes existentiels. Je pense avoir le dernier mot à cause des études prolongées auxquelles je me suis astreint, philosophie, droit, économie, connaissance de tous les mouvements politiques, communiste, anarchiste, UDR, PSU, SDS, Black Panthers… En réalité je deviens super-chiant aux yeux de mes copains-copines. Et mes recherches tout azimut ne m’empêchent pas de me tromper. En novembre, j’estime que la tribu amazonienne ou la communauté de l’Arche sont des anachronismes voués à disparaître car non intégrés au mouvement général de l’humanité vers la mondialisation et le cosmopolitisme. Mon état d’esprit cosmopolite et global m’empêchait de voir la force du local et de la diversité culturelle.

En 1971, la condamnation du catastrophisme nous fait oublier la réalité de la catastrophe ! Ainsi Louis Pauwells, dans sa Lettre ouverte aux gens heureux et qui ont bien raison de l’être (Albin Michel, 1971) : « Aliénation, pollution, surpopulation, sont des mythes. La grande injustice faite au Tiers Monde est aussi un mythe ». L’idée générale, « On n’arrête pas le progrès matériel ». Par exemple cette anecdote relatée par Pauwells : « Au début du XIXe siècle, Stephenson eut l’idée de mettre la locomotive à vapeur sur des rails. Un banquier, réticent, demanda : Et si une vache se met sur les rails ? Si une vache se met sur les rails, eh bien tant pis pour la vache ! » Pauwells prend un autre exemple : « Un bébé américain apporte plus de pollution dans le monde que 1000 bébés asiatiques. Il conviendrait donc d’arrêter l’industrie et de ne plus faire d’enfants. C’est la thèse de la croissance zéro. Mais les chefs syndicalistes en Amérique estiment qu’avec 5 millions de chômeurs, 12 millions d’assistés sociaux et 28 millions de logements à construire, les USA ont autre chose à faire que des grèves anti-progrès… Je crois que la vraie menace est l’invasion des élites occidentales par la sinistrose. »

Quarante ans plus tard, les discours resteront malheureusement les mêmes. Mais je suis devenu un expert de la pédagogie de la catastrophe !

Je me documente toujours et encore. Une enquête d’Himmelweit, Oppenheim et Vince en GB (Television in the lives of our children – 1961) montre déjà que regarder la télévision est une activité mentale passive. Elle « sollicite les facultés sensorielles de l’affectivité plutôt que l’intelligence… La télé provoque chez l’enfant une perte d’initiative, rend blasé et émousse l’imagination… L’idéologie des moyens de communication de masse tendrait à décourager les activités militantes, surtout celles qui tendent à modifier l’état actuel de la société… La puissance de la communication de masse procède de sa mollesse même… Il y a massage plus que message. »

Un numéro d’Historia enfonce le clou. Selon une enquête faite en Tarn et Garonne dans un groupe scolaire, les enfants de 9 à 16 ans passent près de 1000 heures par an devant l’écran alors qu’ils n’ont que 800 heures de cours. L’attention des élèves est de plus en plus difficile à fixer. Ils ont de moins en moins le goût de l’effort. Ils attendent du professeur un spectacle !  L’objet technique n’est pas neutre sur la conscience des gens. Si nous restons simple consommateur, impossible de s’apercevoir de notre aliénation par l’objet. Dire qu’en 2012, les écrans ont envahi toutes les existences ou presque !

Il faudrait pouvoir organiser des contre-institutions, ce que conçoit dans les années 1970 l’anti-pédagogie, l’anti-psychiatrie, la contre-culture. Il faudrait une déscolarisation de la société, une démilitarisation, une désindustrialisation, une dépopulation, une désurbanisation (notule du 23 avril 1972). Je découvre Ivan Illich : « Notre langage de tous les jours, notre conception du monde ne révèlent que trop combien nous ne séparons plus la nature de l’homme de celle des institutions modernes. Il est grand temps de conduire une recherche à contre-courant sur la possibilité d’utiliser la technologie au service des interactions personnelles, créatrices et autonomes et de permettre l’apparition de valeurs qui ne puissent pas être soumises aux règles des technocrates. »

J’en sors renforcé dans mes convictions. Une des caractéristiques des sociétés modernes est la dépendance institutionnalisée, c’est à-dire un mode de vie organisé par d’autres, on naît à l’hôpital, on est soigné par un médecin, on se nourrit du labeur des paysans, on meurt aux mains des pompes funèbres. Cette dépendance institutionnalisée se double d’un éclatement du pouvoir ; les centres de décision sont partout et nulle part, le pouvoir n’appartient plus aux hommes mais à une forme d’organisation, l’obéissance découle des règles qui protègent les institutions.

Je pense avoir fini ma maturation socio-psychologique pendant cette année 1972, j’ai 24-25 ans. Je sais maintenant de façon théorique qu’il faudrait changer la société, mais je sais aussi par expérience que changer les gens n’est pas gagné par avance. Pourquoi ? Chacun joue un rôle social, il se comporte par rapport à ce que les autres attendent de lui. Il ne pratique pas l’acte juste, il respecte le jeu social. Plus tard je mettrai un mot sur ce déterminisme, l’interaction spéculaire : je fais parce que tu fais ainsi parce que nous faisons tous de même. Cette explication sociologique permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu ou de la société. L’un et l’autre se renforcent mutuellement car je me représente la manière dont les autres se représentent les choses et moi-même. « Je donne le bon exemple » n’est un message positif que si un grand nombre de personnes font ainsi. Sinon on va croire que c’est un mauvais exemple !

La boucle est bouclée. La dépendance matérielle est corroborée par l’obligation qui est faite aux individus d’intérioriser ou d’admettre le bien fondé de nos structures socio-économiques. L’institution provoque une coupure entre l’idée que se fait l’individu de l’acte juste et ce qu’impose à l’individu la préservation de l’institution. L’homme est dans un corset très serré, division extrême du travail, distinction poussée entre ville et campagne, transport individualisé et polluant, exploitation de l’ouvrier dans la fabrication d’automobiles. Chacun de nous est compromis… Difficile alors de trouver les moyens de sa liberté. Tout dépend de notre attitude dans les différentes institutions que nous traversons. L’action qui déclenche l’effet domino a besoin que chacun de nous se positionne dans la bonne ligne pour que la réaction en chaîne se produise dans le bon sens.

Le plus important se trouverait donc dans l’éducation. Mais il ne s’agit pas d’apprendre à lire, écrire et compter. Ces « fondamentaux » sont presque anodin par rapport à la possibilité de former sa propre pensée pour acquérir son autonomie et le sens collectif. Or cela, on ne l’apprend ni à l’école, ni en fac. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Mes principes de base sont bien établis maintenant,

ils resteront les mêmes pendant mon existence

  • La propriété, c’est le vol. L’homme ne travaille pas pour lui-même mais pour la collectivité. Il n’a aucun droit personnel sur « sa » femme, « sa » maison, « son » capital. C’est un locataire perpétuel.

  • A travail égal, salaire égal. Il n’y a pas d’inégalité de valeur entre le travail d’un éboueur et celui d’un PDG. Ils sont aussi utiles à la société l’un que l’autre, ils dépendent autant l’un de l’autre. Pourquoi alors un salaire différent ? L’unité monétaire devrait être définie par l’heure de travail.

  • Le même enseignement pour tous. Les injustices, les fausses valeurs, viennent le plus souvent de l’ignorance de la masse. C’est par l’éducation permanente et égalitaire qu’on arrivera à éliminer disparités et résistances aux réformes nécessaires.

Note du 18 novembre 1969, le sens de l’utopie, ça permet d’avancer, le moral revient, la preuve : « On ne peut montrer son cul, mais on doit sortir son carnet de chèque ! …Je ne sais pas ce que signifie intelligence et diplôme, souveraineté nationale et patriotisme, morale et religion. …Je refuse ma nationalité française. ….Je suis né dans ce qu’on appelle Bordeaux par inadvertance, je pourrais aussi bien être hindou et crever de faim. …Je refuse mon baptême parce que je ne peux serrer la main de Jésus Christ. …Les paroles teintées d’eau bénite ne me transportent pas au septième ciel. …Je refuse la langue que je parle parce qu’elle ne me permet pas de comprendre l’hébreu ou le zoulou. …Je refuse l’enseignement qui conduit à diviser la société en castes. …Je refuse un gouvernement qui ne sert qu’à m’engluer dans les papiers de sa bureaucratie. …Je vis dans une région de rêve qui a éliminé ses rancœurs et ses heurts. …Je voudrais transformer le droit de la propriété : les biens à la mort de leurs soi-disant propriétaires reviennent à la collectivité. Les biens immeubles perçoivent un loyer qui est versé à une caisse de construction et d’amélioration. …Les capitaux ne portent plus intérêt. D’ailleurs le capital disparaît, on ne reconnaît que le facteur travail. ….Les revenus sont fondés sur l’heure de travail. »

J’ai quelques discussions animées avec des copains-copines. Le 20 février 1970, Daniel me soutenait que l’homme est doué de naissance, moi au contraire que c’est le milieu qui faisait tout : on ne naît pas bête ou intelligent, on le devient. D’après son point de vue, un crétin restera un crétin. Pour moi, il suffit de s’en occuper attentivement, de le rééduquer s’il n’est pas déjà trop tard. Daniel soutient l’inégalité sans chercher à établir l’égalité. Plus tard mes études de sociologie me montreront à quel point j’avais raison. La plasticité cérébrale est très grande, le conditionnement culturel une réalité. « On ne naît pas femme, on le devient » (Simone de Beauvoir), et tout le reste à l’avenant.

Je recopie quelques citations du dictionnaire du diable en mars 1970 : « Air : substance nutritive fournie par une généreuse providence pour engraisser les pauvres ; Cadavre : produit fini dont nous sommes la matière brute. La tâche la plus stupide que puisse prendre un être humain est, sans aucun doute, l’édification d’un tombeau à son usage. La solennité du moyen en accentue la futilité du but connu à l’avance ; Charrue : instrument qui réclame à grands cris des mains habituées au porte-plume ; Commerce : transaction dans laquelle A vole à B les marchandises de C ; etc. » Une lecture que je recommande pour se décrasser le cerveau. Il faut se méfier des stéréotypes qui sont dans nos têtes, c’est la mise à distance qui nous libère. Je note : « Nous avons tendance à coller des étiquettes sur ce que nous ne connaissons qu’imparfaitement ou pas du tout. Pour les étudiants de Princeton, les Allemands ont l’esprit scientifique, les Italiens sont impulsifs, les Noirs paresseux, les Chinois superstitieux alors que les Américains sont intelligents et ambitieux. Ce que nous voyons est déterminé à l’avance par ce que nous nous attendons à voir. Le tort des gens, c’est quand on leur apporte quelque chose de nouveau, de ne pas y croire. De ne pas avoir un esprit ouvert. »

Je cultive mon ouverture. Je proclame l’utopie

« Je ne suis pas un anarchiste, ni nihiliste ni cynique, je ne suis ni communiste ou trotskiste, maoïste ou castriste. Je suis quelque chose en constante formation ouvert à autre chose. Quelque chose de mouvant comme la pensée, quelque chose d’universel comme la non-violence, quelque chose d’immuable comme nos actes. Je suis. Je suis pour une humanité meilleure. Cela suffit. »

Je lis aussi bien l’Idiot International, Hara-Kiri ou Politique aujourd’hui. Je me forme moi-même. On ne reste intelligent que tant qu’on peut éliminer de la mémoire ce qui est contredit par un fait nouveau. En d’autres termes, la bêtise élimine le fait nouveau qui pourrait contredire une mémoire paresseuse ! Pour progresser mentalement, il faut accepter une certaine dislocation mentale, abandonner ses a priori pour retrouver le sens de l’intérêt commun. Je recopie le testament d’un mort vivant, écrit pas un certain Gérard Robin : « Je suis né en 1939, mort en 1969. Ma vie n’a été qu’un grand rêve, vivre. Je lègue à l’État ma vieille bicyclette, témoin de mes vagabondages. Je demande que ma bibliothèque personnelle soit enfouie dans la terre et qu’à son emplacement on plante un grand sapin. Comme je n’ai rien écrit, il suffira de regarder vivre et d’écouter les vivants… »

Ma révolte contre l’autoritarisme socio-familial prenait des contours plus précis, plus engagés, plus apparents pour tout dire. Barbe et cheveux longs, très longs. Toujours le même anorak noir sur le dos, toujours ou presque le même pantalon. Mon père me disait bien que je changerai, car « quand j’aurai moi aussi femme, enfants et beaucoup d’emmerdements, je n’aurais plus le temps de penser ». Je n’attache pas d’importance à la voiture et à la retraite, je me suis appris à ne pas fumer, à ne pas boire, à ne pas regarder la télé. Je peux me passer de musique et de voiture. Le préfet Grimaud disait que la voiture individuelle est incompatible avec la vie urbaine contemporaine, Cartier déclarait qu’interdire à l’homme d’utiliser son véhicule personnel était une atteinte à la vie moderne et à la liberté… Déjà les contradictions de la vie moderne. Dans ces années 1970 se profilait les débats des années 2000, j’avais choisi mon camp.

Le 23 mai 1970, je sors de tôle. On devrait plutôt dire mise au secret : pas de ceinture ou de lacet, ni montre ni bague, aucun papier personnel. Seul dans une cellule, la tinette dans un coin. La chasse d’eau actionnée de l’extérieur, ainsi que la lumière, presque permanente. J’ai demandé un crayon, sans rétribution. On me l’a promis, je l’attends toujours. Faut dire qu’on m’accusait d’avoir attaqué un commissariat de police, d’en avoir cassé les carreaux. J’avais malencontreusement participé à une manif de la Gauche prolétarienne. Un copain avait abusé de mon militantisme, il m’avait entraîné dans cette action sans m’en donner les modalités ! Tout le groupe est parti d’un côté, je me suis désolidarisé en partant de l’autre, lentement. Un policier a tiré sur moi, son pistolet s’est enrayé. J’ai de la chance. Un inspecteur me bourre de coups après mon arrestation ; trop énervé pour me faire mal. Il s’apercevra plus tard qu’il connaissait mon père. Il viendra la nuit me voir dans ma cellule, affirmant que « la société, je n’y comprenais rien ». Je réponds que personne n’y comprends plus rien. Il s’est écrasé. Mais j’aurais du dire que je ne la comprenais que trop. Que la société est devenue un monstre envahissant, un monstre à têtes multiformes où l’individualité se perd de plus en plus. Nous sommes trop nombreux pour pouvoir nous aimer vraiment. La société ne laisse pas l’individu s’exprimer, le règlement remplace la libre parole, la répression se substitue à l’empathie.

On a perquisitionné chez mes parents la chambre que j’habitais, on a saisi le dazibao affiché au mur, très grande feuille banderole avec les citations que je collecte car elles me parlent  : « La méchanceté tient lieu d’esprit aux imbéciles… Il n’y a jamais eu qu’un seul chrétien et il est mort sur la croix… Qui donc me prendra dans ses bras pour me faire comprendre que j’existe… Une âme morte est une âme complètement habituée… Caressez un cercle, il deviendra vicieux… Décence, un mot qu’il serait trop difficile de justifier… Nous n’étions que la hache, fait-on le procès à une hache ? … L’EGALITE ou la MORT… La conscience règne mais ne gouverne pas… Je ne suis pas assez fou pour être raisonnable… La bêtise, c’est de conclure… » Cela me résumait très bien ! Le gouvernement voulait dissoudre la Gauche Prolétarienne, qui sera officiellement interdite le 27 mai 1970 ; quatre jours après ma sortie du tribunal. Le ministre de l’intérieur avait téléphoné pour que je sois sévèrement sanctionné. Mon idéalisme a sans doute été une circonstance atténuante pour la justice. Et surtout j’étais déjà connu comme membre actif d’un mouvement anarchiste pour la non-violence, entre autres comité de soutien aux objecteurs de conscience (CSOC).

La justice fera preuve cette fois-là de son indépendance. Je suis passé devant le petit parquet, en comparution immédiate et sans avocat, après 48 heures de garde à vue. J’ai récolté un mois de prison avec sursis et 300 francs d’amende : destruction en partie d’immeuble public ! Des camarades s’étaient cotisés pour m’aider à payer l’amende. L’un d’entre eux a volé la caisse. Ainsi va la vie. (à suivre demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Une pensée en formation,

avec des hauts et des bas

Quelques idées générales : Il ne suffit pas de se délivrer de l’empreinte religieuse pour que tout devienne possible. Bien d’autres déterminants pèsent sur nos choix et notre comportement, la famille, les copains, l’école, les livres, les médias, etc. Notre liberté intellectuelle résulte d’un apprentissage toujours recommencé, entre acceptation d’un ordre social établi et recherche de la meilleure voie possible. Cet apprentissage demande un effort sans lequel rien n’est possible.

Racontez-moi votre enfance, je vous dirai qui vous êtes.

Je suis né en 1947. La société de l’après-guerre était patriarcale. Mon père était le chef de famille. La loi à l’époque disait la même chose. Ma mère obéissait. J’obéissais. Mon petit frère obéissait. La majorité n’était qu’à 21 ans à l’époque. Donc je ne me posais pas de question sur ce que je croyais ou non, je prenais l’existence comme elle venait. On me disait d’apprendre mes leçons, j’apprenais mes leçons, on me disait de faire la prière du soir, je faisais ma prière du soir, on me disait de m’habiller comme ceci ou comme cela et je m’habillais comme ceci ou comme cela. La vie n’était qu’habitude, en ce temps-là on ne décidait pas, on suivait le sens du courant, la visite régulière aux grands-parents, les repas de famille, quelques camps scouts avec salut au drapeau et la messe en latin bien entendu. Je crois que ma première réflexion a seulement eu lieu vers quinze ans, après qu’un chef scout m’ait demandé quelles questions je me posais. « Aucune, chef ! » C’est vrai, je ne me posais aucune question, j’avais déjà toutes les réponses. Ce n’était pas normal. J’ai commencé vraiment à réfléchir ce jour-là. Depuis, ma vie apparemment sans histoire m’a apporté bien des questions et fabriqué bien des révoltes.

J’étais bien habillé. Veston, petit gilet, pantalon bien coupé. Mon père était tailleur. A 16 ans mon père m’a autorisé à choisir un tissu, mon premier choix personnel. « Jaune voyant » ai-je répondu. J’ai obtenu du vert moutarde. Mon père savait aussi négocier, et je commençais à déterminer mes propres choix. Bientôt je n’ai plus rien porté… ni veston ni petit gilet ni pantalon bien coupé. Mais pour le reste je faisais glouglou, je faisais miammiam, je ne défilais même pas criant « paix au Vietnam ». Ma famille ne m’a pas du tout préparé au militantisme politique. De la guerre d’Algérie, je n’ai retenu que les klaxons scandant dans un embouteillage bordelais « Algérie fran-çaise, Algérie fran-çaise… » Ce n’est qu’à 21 ans que j’ai connu ma crise d’adolescence, tardive, mais mieux vaut tard que jamais. Une crise d’adolescence, c’est le moment où nous pouvons (peut-être) accéder à l’autonomie contre les faux-semblants qu’on a voulu nous imposer.

J’ai commencé à tenir régulièrement un petit carnet de notules en juin 1969 qui m’a servi de guide pour ma pensée balbutiante. Je finissais ma deuxième année de fac de sciences économiques, un bourrage de crâne universitaire qui prolonge le formatage par la famille. J’ai commencé une cure de désintoxication. Dans mes notules, je parlais de la main invisible d’Adam Smith comme d’un scandale, la justification théorique d’un inégalitarisme éhonté. Je recopiais la Déclaration des droits de l’homme, j’enchaînais aussitôt sur le profit qui devrait être attribué à la collectivité et non à « des entrepreneurs privés qui risquent fort d’en faire uniquement un usage personnel ». J’estimais déjà que le salaire n’est pas fixé automatiquement et rationnellement. Il n’est que le fruit des préjugés de la société et non la nécessité inéluctable qu’en font les théoriciens par l’intermédiaire des mots magiques du marché : l’offre et la demande. Je pensais que les humains viennent d’abord… ensuite seulement le commerce, la production et la finance.

J’ai un accident terrible en solex début août 1969. Je monte sur le capot d’une bagnole qui arrivait en sens inverse, je suis projeté dans les airs, visage ensanglanté, blanc des yeux devenu entièrement rouge, traumatisme crânien, plusieurs heures de coma… Certains ont pensé dans ma famille, et ils n’ont peut-être pas tort, que cela a servi d’électrochoc. Mon cerveau a été très très secoué, et il se serait replacé dans une autre configuration. On m’a dit que dans un état d’inconscience total, je suis allé pisser derrière les rideaux de ma chambre d’hôpital, arguant que c’était mon droit le plus absolu… Quelques jours seulement après ma sortie de l’hôpital, j’écrivais : « La fac, quelle ineptie, quel tas de crétins, quel non-sens. A quoi bon former des chefs d’entreprises quand l’héritage est notre loi, pourquoi des juristes si ce n’est pour soutenir l’ordre établi, pourquoi enseigner le consensualisme des contrats quand tout contrat ne peut être que léonin. Il faut supprimer l’inutile dans l’enseignement, il faut supprimer la concurrence qui admet la loi du plus fort, il faut une éducation technique commune, une langue universelle… » Mon cerveau fonctionnait maintenant à merveille. Je continuais à lire les Sciences et Vie auquel était abonné mon père, le dictionnaire des citations (l’âge d’or était l’âge où l’or ne régnait pas), toutes sortes de lectures qui me sortaient de l’univers universitaire.

Pendant ma convalescence, j’ai eu le temps d’écrire, de faire le point. Je conteste dans mes notules les profs de fac que j’ai eus pendant l’année, l’institution du mariage, le fric qui fait avancer les soldats : « On dépense le fric insolemment, on gaspille l’argent des pauvres et les pauvres s’émerveillent. Si je possède une usine, des capitaux, ce n’est pas à moi seul que je le dois mais à tous les ouvriers qui y ont participé, aux consommateurs qui achètent mes produits, à la collectivité tout entière. L’argent réparti inéquitablement est un vol … » Je condamne tabous et préjugés, l’infaillibilité du pape et la place de la fourchette. Je prône déjà les transports collectifs en ville et l’usage des deux roues pour éviter embouteillages et gaspillage de matières premières. Je m’interroge : « Pourquoi produire des voitures Renault quand cela met la SNCF est en déficit ? » J’estime que l’action individuelle et la cohérence collective sont indissolublement liés. Je pense me mettre à poil sur n’importe quelle plage pour mettre en pratique ma liberté alors que les naturistes sont parqués dans des camps. Je me vois demander à un prof qui veut qu’on se lève à son entrée si la politesse se situe au niveau du cul. Je me vois déjà faire le tout fou dans un camp militaire.

Début septembre 1969, je constate avec Arthur Koestler (le Yogi et le commissaire) que notre conscience semble se rétrécir en raison directe du développement de nos communications. Je ressens que tous les « ismes » perdent leur sens et que le monde ressemble à une allée plantée de points d’interrogation. Je découvre que la technique rend l’espèce humaine capable de dominer les forces de la nature, la rendant plus consciente de sa puissance que de sa dépendance. J’observe que nous nous conduisons comme les caricatures anachroniques de la personne que nous pourrions être. Résultat ? Je ne sais plus où j’en suis, quelle vérité, quelle raison de vivre me donner… Qu’est-ce qui est contingent et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Je juge ma mémoire encombrée d’une quantité démesurée de connaissances inutiles pour les 9/10ème et falsifiée pour le reste. Tout me semble faux, mesquin et inutile, la fac et les discussions, les filles ou la société. Mais je cherche, je cherche, sans guide spirituel ni boussole.

Je lis beaucoup, par exemple la 25ème heure de Virgil Gheorgiu, un livre sur les camps de concentration. Sans connaître encore les analyses d’Ellul, elles sont là, présentes : « L’homme est obligé de s’adapter à la machine… Il devient une minorité brimée par la technique. Les esclaves techniques tiennent en main les points cardinaux de l’organisation sociale. Ils agissent selon des lois spécifiques, automatisme, uniformité, anonymat… Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations, des distractions automatiques. » Je me renseigne sur la révolte des étudiants allemands, Rudi Dutschke. J’en conclus que la violence ne peut aboutir.

Nous sommes en octobre 1969. Je fais un stage chez un expert comptable, je fais des exercices de retenue sur salaire pour les cotisations sociale, je planche sur le traitement mécanographique de la comptabilité. Je cultive mes propres références : « L’argent ne fait pas de petit (le taux d’intérêt ne correspond à rien) », « C’est posséder le bien d’autrui que de posséder le superflu (Saint Augustin). » Je vis une réelle contradiction entre mes aspirations et la réalité. J’ai un moment de blues. Je ne cherche plus à me passionner pour l’athéisme ou pour la politique, pour la faim du monde ou le dernier match de foot. J’écris comme notule : « Aucune passion, aucune aspiration.

Ma vie n’est même pas triste, elle est pleine d’indifférence. Agir, à quoi bon ? On se retrouve sans réponses, ou impuissant devant l’inertie d’autrui et l’hébétude du monde. Le mieux est d’occuper mes heures, m’appliquer à ne plus sentir ma vie s’écouler (s’écrouler), jouer à s’aimer et faire semblant de jouer, pour arriver sans doute un jour à ce regard de petit vieux penché sur ces petits riens, qui ne regrette rien, qui n’a même plus le désir de vivre mais seulement celui de survivre. » Je me réfugie dans les études et mon entraînement journalier au piano. (la suite demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (à suivre)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août. Ce livre est dédiée à toutes les formes de vie, obsédée par une idée, nous pouvons faire un monde meilleur. Une parution papier aurait correspondu au choix de Michel, mais les maisons d’édition n’éditent que ceux dont on a déjà entendu parler. Mieux vaut donc cette  version électronique qui peut au moins circuler gratuitement et être lue par qui le veut. Profitons-en avant les grandes pannes d’électricité qui ne vont pas manquer de traverser le monde de demain.

fragments préalables

Je suis un enfant d’après-guerre, je suis animal parmi les animaux, androgyne, athée écolo, cosmopolite et localiste, philosophe et militant, politique et associatif, fragments de vie et fragment de Terre. Je suis, je serai. Assemblage temporaire de molécules qui se dissoudront en atomes. Conscience partielle et fugitive de la vie de l’univers.

Racontez-moi vos ancêtres, je vous dirai qui vous êtes. Je suis né en 1947, et même bien avant. Certains croient faire de gros progrès en reconstituant leur généalogie familiale grâce à quelques archives usées : attitude purement anthropocentrique qui balbutie sur un siècle ou deux. Ce n’est pas là un exercice très captivant, mieux vaut le long souvenir de notre histoire commune. Remonte dans le temps, bien avant l’automobile, le téléphone et l’électricité… tu arriveras il y a 400 générations, quand tes ancêtres commençaient à cultiver la terre et à se croire séparés de l’univers. En remontant encore, il y a 10 000 générations environ, tu trouveras ton premier ancêtre homo sapiens. Mais ton origine est encore antérieure ; il y a 100 000 générations, ceux par qui tu es arrivé étaient des hominidés. Si tu continues à remonter la chaîne du vivant qui mène jusqu’à toi, tu arrives aux unicellulaires, à la formation de la Terre, à la naissance de l’univers. Cet exercice mental bien documenté par la science te permet alors d’agir selon ton âge véritable de quinze milliards d’années. Avec une conscience ainsi élargie, tu pourras prendre part au changement de cap vers une société qui soutient la vie, qui respecte tous les êtres vivants. Au contraire, valoriser la conscience subjective d’une existence rattachée seulement à tes derniers ancêtres t’empêche de percevoir que toutes les autres espèces vivantes forme ta parentèle, que la biodiversité est aussi une composante de ta famille. Les humains appartiennent à l’ordre de la vie. Nous ne sommes que fragment de Terre, lié à son destin.

J’ai été heureux de naître et de ressentir, je ne suis pas malheureux de ma mort prochaine qui offrira mon corps au recyclage de la matière. L’essentiel n’est pas là. Je suis un passeur. Je ne fais que transmettre les connaissances que j’ai acquises. Je suis ou j’ai été moniteur de colonies de vacances et instructeur CEMEA1, éducateur puis professeur de SES2, animateur pour jeu d’échecs et formateur d’animateurs, arbitre national FFE3 et formateur d’arbitres, animateur du pôle écologique du PS et formateur EELV4, très actif sur Internet pour diffuser mes analyses, journaliste-écrivain pour la Nature et l’écologie, toujours prêt à aller plus loin en discutant avec mes proches et mon prochain. Chacun de nous apprend aux autres, consciemment ou inconsciemment, de façon maladroite ou pertinente. Car chacun de nos actes ou presque est jugé par d’autres, servant de modèle ou de repoussoir.

Les fragments de mon enfance expliquent ce que je suis devenu. J’ai de la chance. J’ai bientôt 65 ans et je n’ai jamais connu de guerre, de famine, de crise économique aiguë. La France où j’habite est la cinquième puissance mondiale. Mon niveau de vie, qui doit correspondre à la moyenne nationale, a atteint le plus haut sommet qu’il pouvait atteindre dans l’histoire humaine depuis son origine. Dans mon cocon familial, j’ai toujours été heureux. Ma mère était au foyer, nous avons toujours eu une atmosphère de sérénité. Mon père n’avait qu’un idéal, fonder une famille heureuse. Il a réussi. Mon idéal à moi ? Fonder une société heureuse. C’est pourquoi je suis un passeur.

Mais la société française en particulier, et la biosphère en général, sont au bord de l’abîme. Notre abondance matérielle, notre mobilité exacerbée, notre espérance de vie qui s’allonge, tout cela découle de l’énergie facile, de l’énergie fossile. L’effondrement est inéluctable, nous avons dépassé la capacité de charge de la planète. La croissance dans un monde fini est impossible, tous les indicateurs sont au rouge, écologiques (perte de biodiversité, stress hydrique, stérilisation des sols, épuisement des ressources non renouvelables, non recyclage des ressources renouvelables, réchauffement climatique…), économiques (crise de surendettement des ménages et des Etats, chômage de masse, inflation qui va reprendre…) ou sociaux (militarisation de la société, exacerbation des individualismes, éclatement des structures institutionnelles, dérapages de la société du spectacle, radicalisations identitaires…). D’ici à 2050, la synergie des crises alimentaires, énergétiques, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du niveau de vie à l’occidentale. Face à la catastrophe annoncée, les humains vont réagir à leur manière, selon deux modalités contradictoires. Pour une part, les violences se multiplieront, qu’elles s’exercent entre les humains ou pour piller les dernières ressources accessibles. Nous ferons aussi appel à la raison, à la coopération, au sentiment d’interdépendance. Nous ne pouvons pas déterminer à l’avance ce qui l’emportera entre la face sombre de l’individu ou l’intelligence des situations. Je fais mon possible pour éviter le pire.

Personnellement, mon idéal de former une société heureuse ne disparaît pas avec la montée des difficultés, au contraire. Toute mon existence a été vouée à (in)former après m’être (in)formé, et peu importe de ne pas obtenir immédiatement un résultat probant. Aucun individu ne peut seul changer la société, c’est notre comportement commun qui fait le sens de l’évolution. Il me suffit d’avoir fait ce que j’estimais devoir faire, la part du colibri5.

J’arrive à la fin de ma vie, la retraite professionnelle ne m’empêche pas d’agir. Je passe plus d’heures au service de l’espèce humaine et de notre biosphère que si je travaillais à plein temps. Ce livre est l’aboutissement de mes pensées, de ma vocation d’éduquer. Je veux essayer de montrer que nous sommes déterminés par notre milieu social, mais que nous pouvons choisir notre propre chemin. Il n’y a de liberté véritable que dans la mesure où nous savons mesurer les contraintes. Je suis arrivé peu après mai 1968 aux années de mon éclosion, de ma renaissance. Elevé dans une société autoritaire, imbibée de religiosité et d’économisme, il me fallait penser autrement. Dans mon carnet de notules que je tenais depuis 1969, j’attribuais à Tchekhov cette phrase que je fais mienne : « Tout homme a en lui-même un esclave qu’il tente de libérer. » Je me suis libéré. Pour mieux réfléchir… Pour aider à améliorer le monde… J’ai soutenu et propagé tout ce qui à mon avis allait dans ce sens, la non-violence, l’objection de conscience, le féminisme, le naturisme, le biocentrisme, le sens de l’écologie, le sens des limites de la planète, l’objection de croissance, le malthusianisme, la simplicité volontaire…

Voici donc un compte-rendu des fragments de mon existence au service des générations futures et des non-humains. En espérant que cela pourra vous aider à cheminer de votre côté…

Michel Sourrouille, février 2012

Si tu ne veux pas attendre la suite sur ce blog biosphere, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

1 CEMEA, Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active

2 SES, sciences économiques et sociales

3 FFE, Fédération Française des Echecs

4 EELV, Europe Ecologie – Les Verts

5 Dans La part du colibri, l’espèce humaine face à son devenir, Pierre Rabhi rappelle l’enseignement de la légende amérindienne du colibri : « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. »

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Michel Sourrouille, gestionnaire de ce blog

Pour mieux me connaître

Qui suis-je ? Il y a bien des nombres pour me caractériser, mon numéro d’inscription à la sécurité sociale, des chiffres pour téléphoner, un numéro sur ma porte d’entrée, un indicatif postal, une plaque minéralogique, un code bancaire, des chiffres, encore des chiffres. Et moi je ne suis qu’une simple unité parmi des milliards d’habitants qui réduisent d’autant mon espace vital, celui des autres espèces et la beauté de la nature qui m’entoure. Une fraction infime, sur les 8 milliards que nous sommes depuis novembre 2022, soit 1/0,00000000025. Désespérant d’être un minuscule rouage d’une énorme machinerie numérisée qui écrase tout sur son passage.

Désespérant ? C’est aussi une motivation pour réagir ! Dans mon carnet de notules que je tenais depuis 1969, j’attribuais à Tchekhov cette phrase que j’ai fait mienne : « Tout homme a en lui-même un esclave qu’il tente de libérer. »

Voici quelques moments où le blog biosphere parle directement de ma petite personne :

Le malthusien M. Sourrouille chez les Verts (01.2023)

extraits : L’« emmerdeur », c’est Michel Sourrouille, la soixantaine en 2014, chauve et barbu en short et t-shirt, directeur d’un essai collectif au titre explicite. « Moins nombreux, plus heureux », écolo depuis 1974 et son premier vote pour René Dumont. Avec ses faux airs de Philippulus le prophète, Sourrouille, malthusien depuis 1969 et la lecture de La bombe P  de Paul R. Ehrlich, il se réfère constamment à son maître Thomas Malthus, célèbre pasteur anglican qui a prophétisé notre sombre avenir dans l’Essai sur le principe de population (1798), dont la thèse explosive tient en deux courbes. Ancien prof de lycée Sourrouille l’expose simplement : la population mondiale progressant beaucoup plus vite que la production alimentaire, on ne pourra bientôt plus nourrir tout le monde…

Michel Sourrouille, malthusien par nécessité (11.2022)

extraits : Pour fêter mes 75 ans aujourd’hui 4 novembre 2022, voici quelques éléments qui peuvent vous permettre de mieux cerner ma conception personnelle sur la question démographique. L’année de ma naissance, la population mondiale était de 2,325 milliards, les statistiques pour 2047 prévoient 9,275 milliards d’êtres humains, soit une multiplication par 4 en un siècle. Insupportable. Comment nourrir suffisamment et faire vivre décemment 7 milliards de personnes de plus entre 1947 et 2047 ? Comment préserver la vie sauvage et les forêts primaires ? Impossible. C’est pour cela que je n’ai eu qu’un seul enfant biologiquement parlant, que j’ai propagé la pensée malthusienne au niveau politique et médiatique… et que je me suis engagé au sein de l’association Démographie Responsable. Une action individuelle n’est presque rien si elle ne s’accompagne pas d’un engagement collectif…

Sourrouille Michel, « On ne naît pas écolo, on le devient » (08.22)

extraits : Ma bibliothèque est déjà plus que pleine de ces livres sur l’effondrement en cours de notre civilisation thermo-industrielle sans qu’on sache quoi que ce soit de l’engagement personnel de l’auteur. J’ai essayé de mettre de la chair autour des idées. Cela me semblait plus porteur qu’un énième livre sur la crise écologique. C’est pourquoi dans chaque partie de ce livre je raconte ma propre expérience pour essayer d’en tirer des enseignements profitables à tous. Je voudrais te convaincre que tu es toi aussi un écologiste qui sommeille, qui s’éveille, qui peut agir. On ne naît pas écolo, on le devient. J’ai essayé de montrer que nous sommes à la fois déterminés par notre milieu social et libre de choisir notre destinée. Il n’y a de liberté véritable que dans la mesure où nous savons mesurer les contraintes qui pèsent sur nous.

Michel Sourrouille, « Moins nombreux, plus heureux » (05.2022)

extraits : La mondialisation est devenue inséparable d’une très forte mobilité des populations, qu’elle soit professionnelle, touristique ou forcée, pour des raisons économiques, politiques ou environnementales. Dans le même temps, sur une planète saturée d’hommes, de femmes et d’enfants, le chômage devient structurel dans tous les pays, les difficultés socio-politiques s’accroissent ; les frontières se ferment progressivement aux mouvements migratoires. L’ère de La planète migratoire3 touche à sa fin. Les lois contre les étrangers se durcissent un peu partout, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, aucun espace géographique n’est à l’abri de la construction d’un mur à ses frontières. Des conflits d’espace vital et de ressources découleront encore plus, dans les décennies à venir, la non-acceptation des migrants. La limitation des migrations ne touchera pas seulement les migrants économiques, mais aussi le tourisme de masse. Le plus difficile sera le statut à donner aux éco-réfugiés, nombre qui sera fortement accru par les effets du réchauffement climatique. Cela posera demain un problème peut-être insoluble à l’idée de solidarité humaine. Telle que fonctionne la société actuelle, nous n’anticipons pas politiquement les problèmes, nous les subissons. Là est le vrai scandale…

Enseigner, point de vue de Michel Sourrouille (03.2022)

extraits : Selon le cardinal de Richelieu, apprendre à lire, écrire et compter « remplit le pays de chicaneurs propres à ruiner les familles et troubler l’ordre public, plutôt qu’à procurer aucun bien ». Les jeunes ont pourtant appris à lire, écrire ou compter, mais ce fut pour se mettre au service de la révolution industrielle. Avant la révolution des mœurs de mai 1968, les entreprises n’avaient pas besoin de jeunes entraînés à comprendre, donc à contester. Il suffisait d’avoir de bons scribes et de bons comptables… Les sciences économiques et sociales, matière scolaire qui permet la compréhension du fonctionnement de notre société, devient un nouvel enseignement presque au moment même où débute ma carrière professionnelle, en 1974. Je choisis d’enseigner les SES avec plaisir…

Michel SOURROUILLE : Arrêtons de faire des gosses (10.2020)

extraits : Autant le livre d’Eve Libera, « Arrêtez de faire des gosses », relève d’une conception très égoïste, « un môme c’est encombrant », autant le livre de Michel Sourrouille publié en 2019, « Arrêtons de faire des gosses ! Comment la surpopulation nous mène à notre perte » démontre qu’il faut devenir malthusien car il en va de notre salut collectif. Déjà coordinateur en 2014 du livre collectif « Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie)», l’auteur fait à la fois une synthèse des oppositions au malthusianisme et de la montée en puissance de l’idée de surpopulation. Un monde trop peuplé d’humains devient une réalité incontournable à l’heure de l’épuisement des ressources et de la chute de la biodiversité…

Michel Sourrouille, gestionnaire de ce blog Lire la suite »

analyses marquantes en juin 2023

Liste de tous nos articles publiés en juin 2023 sur ce blog biosphere…

Bonne lecture !

le changement d’imaginaire

Mansholt 1972, un malthusien convaincu

Rupture écologique par l’égalitarisme

la question militante

Violence, contre-violence et dissolution

Dissolution SLT en conseil des ministres

L’échec avéré de la non-violence

Détruire les biens nuisibles à la planète

Malm et la destruction de biens nuisibles

Th. Kaczynski, adepte de la contre-violence

Tout savoir sur Ted Kaczynski, un précurseur

La question climatique

Climat, la difficulté de se faire comprendre

climatocrétinisme, la triste loi de Brandolini

+4°C en perspective, le commencement de la fin

Bientôt une Terre inhabitable pour nous tous (GIEC)

+ 4°C, rupture civilisationnelle en vue

CLIMAT. S’adapter, c’est déjà trop tard !

Un réfugié climatique, ça n’existe pas

la question de la sobriété

Plus on est nombreux, plus on se déplace

Macron, un technolâtre de l’aviation

Décroissance suppression des vols en avion

Inutilité de la conquête des sommets

la question écolonomique

Tout savoir sur les mécanismes inflationnistes

Bientôt un diplôme de « savoirs verts » !

la question de la surpopulation

Surpopulation généralisée dans tous les pays (synthèse)

Kenya, fardeau de la dette et surpopulation

Ouganda, une surpopulation structurelle

Sri Lanka, surpopulation et agro-industrie

TCHAD, une surpopulation en voie d’explosion

la question démographique

Blocage palliatif sur la fin de vie

une Démographie Responsable sur wikipedia

L’immigration, une obligation pour certains

Le modèle danois en matière de non-immigration

la question techno-scientifique

Darwin mis à l’index en Inde

Poulet de synthèse, innovation inutile

la question politique

Des chefs d’État bien d’accord pour le déni (de la crise écologique)

La France commet des crimes anti-écolos

La faillite en cours des relations Nord Sud

Dette monétaire et dette écologique, BOUM

L’héritage de Silvio Berlusconi, désastreux

Rassemblement national, écologisme superficiel

la question sociétale

Parents, l’écologie se bricole comme on peut

Le wokisme engloutit nos références

Woke ou pas, y’a rien à comprendre !

Un avenir incertain pour la Sécurité sociale

Prostitution, un cas de discrimination

Mouvement trans-sexuel, grotesque et vain

analyses marquantes en juin 2023 Lire la suite »

Notre biosphère… malmenée en mai 2023

A chacun d’ouvrir selon ses besoins une ou plusieurs des problématiques traitées sur ce blog biosphere au mois de mai 2023

56 liens classés par thème

le changement d’imaginaire

Le message actualisé du rapport Meadows (1972)

Mansholt 1972…2023, cinquante ans de perdus

La crise écologique absente de l’enseignement

La science économique sommée de se réinventer

La Société francophone d’économie écologique

Le verdissement du développement durable

la question militante

Montrer sa colère pour éviter l’écoanxiété

Urgence écologique de la contre-violence

Action (non-)violente pour la décroissance !?

Écologie, la tentation du sabotage

Camille Etienne pour un soulèvement écologique

« Cinéma uni pour la transition », du vent

la question malthusienne

Dernières limites en librairie, sans Malthus  !

Tournant malthusien chez les décroissants ?

Trois théories de la décroissance malthusienne

Meadows prévoit la décroissance démographique

la question de la décroissance

Tout savoir sur les limites de la croissance

Post-croissance, l’idée fait son chemin…

Réduisons la production et la consommation !

Décroissance, sobriété, donc renoncements !

Désinfluenceur, pour dire déconsommation ?

La Décroissance dans les colonnes du MONDE

à lire absolument, « Mondes en décroissance »

Portraits croisés de Décroissants

la question de la surpopulation

Le Bénin, en état de surpopulation avancée

Burkina Faso, une surpopulation à 23 millions

Ghana, le cauchemar de la surpopulation

Italie, une surpopulation en voie d’extinction

Pakistan, tous les maux de la surpopulation

La famine, qui la cherche la trouve

la question des ressources

Est-ce le début de la fin de l’âge fossile ?

GAZ, le « point de vue des écologistes »

la question écologique

Le long-termisme écologique contre la myopie

En couple, l’écologie se bricole à deux

Eco-anxiété, les jeunes à la peine (de mort)

Les rites funéraires deviennent écolos

Hugo Clément, une voix écolo qui compte ?

Hugo Clément ne mange pas de lapins

la question démographique

Etienne-Emile Baulieu et la pilule RU 486

IVG, la démocratie impose des contraintes

IVV, le Portugal dépénalise l’euthanasie

Le Planning familial devient « genré » !!!

la question socio-économique

Quota de 4 vols par avion dans toute une vie

Aide alimentaire, aide à l’agro-industrie !!!

Le don de nourriture, point trop n’en faut

la question techno-scientifique

Arrêtons le numérique, retour au papier

Cassons tous les écrans pour notre bien

F1, société du spectacle à Miami et CO2

la question politique

Un politique se doit d’incarner ce dont il est porteur

La France doit agir comme un colibri

Planification impérative écolo, notre destin

help, bientôt le grand krach de l’endettement

la question philosophique

Pacifisme, mot inapplicable aux humains

Le « point de vue des écologistes » sur ce blog

Les humains préfèrent bêtement les méduses

De l’inutilité absolue de l’espèce humaine

Quoicoubeh ! De l’inutilité du langage humain

Merci de votre attention,

et faites connaître notre blog biosphere

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Le « point de vue des écologistes » sur ce blog

Il y a plusieurs façons de regarder un fait quel qu’il soit. Tout dépend de son point de vue. Tout dépend donc de sa socialisation primaire, de ses propres lectures et de ses différentes rencontres, de son milieu professionnel, du courage ou non d’exprimer ses idées, de ses engagement associatifs et/ou politiques, de ses lunettes plus ou moins « théoriques » acquises le plus souvent sans s’en rendre compte. Donner des points d’appui pour mieux critiquer notre société croissanciste, gaspilleuse, anthropocentrée et mercantile, c’est l’objectif de notre blog biosphere : aller au delà du sens commun et des apparences pour comprendre et agir.

Nous exprimons quotidiennement le point de vue des écologistes, un point de vue multiforme, complexe, souvent contradictoire. Il suffit de rappeler l’opposition qui existe entre entre idéalistes et pragmatiques, entre écologie superficielle et écologie profonde, entre végétaliens et flexivores, entre écoterrorisme et non-violence… Il ne s’agit pas d’imposer un point de vue, mais de fournir des éléments de réflexion.

Que signifie « penser vrai » ? Relativiser ! (juin 2021)

Le contenu de ce blog, 7070 articles à ce jour, est au service du peuple écolo en formation, il peut être amélioré par la participation de chacun. Un désaccord ponctuel peut s’exprimer par ton commentaire d’un article. Tu peux aussi t’abonner à notre mensuel, un récapitulatif de chaque mois passé. Un consensus peut toujours être trouvé, mais à certaines conditions :

  • ne pas être prisonnier de sa fonction sociale (son métier, ses responsabilités familiales ou politiques…)
  • rechercher la maîtrise de ses affects, de ses sentiments personnels, de ses préjugés et a priori
  • acquérir la capacité de se remettre en cause, ce qui nécessite une prise de distance avec soi-même
  • avoir une écoute de l’autre, être ouvert à une argumentation différente de la sienne
  • prendre le temps de la réflexion
  • adopter une démarche scientifique : c’est vrai, mais uniquement tant qu’on ne m’a pas démontré le contraire
  • posséder des connaissances de base en matière de philosophie, de sciences économiques, de sociologie, d’histoire…
  • chercher à approfondir ses connaissances par le choix de ses lecture et des médias consultés.

Nous essayons de correspondre à cette grille d’analyse dans nos écrits. Mais la société du spectacle nous détourne des réalité biophysiques et de la pensée du long terme, la société de consommation nous rend complices du pillage de la planète, la société croissanciste ne jure que par le PIB et certainement pas par le bonheur des peuples, la société du profit fait passer la liberté des entreprises bien avant l’intérêt général, la société de compétition annihile nos tendances à la coopération et à la synergie, la société marchande défigure par un prix à payer le vrai sens des êtres et des choses.

Alors que nos activités humaines rentrent en interférence avec les cycles vitaux de la biosphère et engagent aussi la survie des générations futures, nous faisons comme si seul l’instant présent avait de la valeur. Comme l’animal qui se contente de son environnement immédiat, nous préférons la plupart du temps nous satisfaire d’un absolu dans un espace restreint, avec un état d’esprit limité par nos sens abusés et conditionné par la société du moment. Contrairement aux autres animaux cependant, nous pouvons percevoir que notre vision humaine n’est que construction sociale, que tout est relatif et compliqué, que l’apparence n’est pas gage de réalité. Dans chacun de nos cortex réside de multiples certitudes qui ne sont que les apparences de notre réalité immédiate et nos désaccords résultent trop souvent d’une perception trop simpliste de la réalité. Mais nous pouvons tous ensemble essayer de déchiffrer ces apparences pour changer la réalité ; grâce à des lunettes conceptuelles plus performantes, peut-être pourrions-nous percevoir le monde tel qu’il faudrait le voir (s’améliorer)…

Nous avons tous besoin de chausser des lunettes car la réalité ne peut se comprendre au fond qu’en utilisant un système symbolique. Il ne suffit pas de voir pour croire, les réalités fondamentales nous sont la plupart du temps caché par notre point de vue préalable. La première fois qu’on a chaussé des lunettes théoriques pour aller au delà d’une vision superficielle de notre système stellaire date de 1543. Copernic provoque alors une révolution en exposant les fondements d’un système héliocentrique où le soleil – et non plus la terre – est au centre de notre univers. L’astronome ébranle ainsi l’interprétation des Écritures sacralisées et son œuvre, bien que de pure supposition à l’époque, fut mise à l’index. Mais la contestation des apparences poursuivit son chemin pour aller au-delà de cet interdit ecclésiastique. Galilée (né en 1564) utilisa une lunette astronomique, récemment découverte, pour admirer le relief de la lune et surtout les satellites de Jupiter, démontrant par la même occasion un héliocentrisme beaucoup plus pertinent que le traditionnel anthropocentrisme. Un tribunal de l’Inquisition l’obligea pourtant à se rétracter en 1633.

Cet exemple historique montre que sur la voie de la vérité, il faut souvent aller contre le consensus ambiant et même savoir résister… parfois au péril de son gagne-pain ou parfois de sa vie.

En définitive que signifie « penser vrai » dans la société thermo-industrielle d’aujourd’hui ? Sans aucun doute, dans une socio-politique engagée à tout allure dans une impasse évolutive, aller au-delà des apparences et tout reprendre souvent dans l’autre sens.

De notre point de vue, il faudrait que se diffuse dans la population un langage commun dont on pourrait poser les termes de façon suivante : Acteurs absents (démocratie), agriculture biologique (production), communautés résilientes (relocalisation), conférences de consensus (décisionnel), décroissance maîtrisée (économie), Descente énergétique (énergie), écologie profonde (éthique), écocentrisme (valeur), fécondité raisonnée (démographie), Migration limitée (déplacements), Monnaie locale (échange), Non-violence (relationnel), Revenu maximum (revenu), Sobriété partagée (consommation), Techniques douces (organisation), liste à compléter bien entendu….

Un livre de référence parmi bien d’autres,

« On ne naît pas écolo, on le devient »

Le « point de vue des écologistes » sur ce blog Lire la suite »

Notre biosphère malmenée en avril 2023

Voici les liens vers l’ensemble des thèmes traités le mois d’avril 2023

La question militante (après Sainte-Soline)

Nous sommes la Terre qui se soulève

« Nous sommes les Soulèvements de la terre »

Urgence écologique, le rôle de la violence

Andreas Malm, le Karl Marx de l’écologie

Noël Mamère prend partie pour la castagne

Pour résister à l’agression publicitaire

Le point judiciaire sur la désobéissance écolo

La question climatique

Allons plus loin que « La Fresque du climat »

Bonne nouvelle, l’essence va augmenter !

Quota de carbone par personne, l’inéluctable

La charte Climat & Environnement du « MONDE »

La question démographique

Néo-malthusianisme contre écofascisme

La pensée d’avant-garde du « no kid »

Normal de ne pas vouloir d’enfant

Stérilisation, tout savoir sur la vasectomie

Malthusien, ni droite, ni gauche, ni extrême

Les anti-malthusiens ont encore frappé

Earth4all, une autre tromperie démographique

8 milliards, une poignée de patrons en trop

Convention sur la fin de vie, le manifeste

« Démographie Responsable » en actes

La question de la surpopulation

La difficile gestion de l’immigration

Surpopulation au Soudan, donc guerres civiles

Tout savoir sur la famine et même plus

L’Inde au bord du chaos démographique

L’Inde, puissance démogr. aux pieds d’argile

Madagascar, en route vers l’enfer

Une Démographie Responsable en Charente

La question de la décroissance

Meadows, Mondes en décroissance

Meadows, rien n’a changé depuis 1972, la cata

Les journées mondiales pour changer le monde ?

Vincent Cheynet, la décroissance démographique

Tout savoir sur Vincent Cheynet, l’écotartuffe

La question politique

Démocratie grâce à des conventions citoyennes

Français, vous devez 3 000 milliards d’euros

Endettement exorbitant => faillite de l’État

L’écologie, impensé du Rassemblement National

Projet de l’écologiste Marine Le Pen

« Darmanin au service du vieux monde »

Pays-Bas, encore un pays écolo-sceptique

La question socio-écologique

Télescopages de l’information quotidienne

GPT, intelligence artificielle et/ou collective

Vincent Bolloré, le diable déguisé en CNews

La conversion écologique en question

Eva Illouz, les émotions contre la démocratie

La vie sauvage n’a plus sa place en France

De la difficulté de manger des œufs écolo

Tout savoir sur tout ce qui est important

La question technologique

Tout savoir sur chatGPT et ses limites

Encore une méga-chose qui s’éclate ! (SpaceX)

A chacun de consulter les problématiques de son choix…

Merci de votre attention,

et faites connaître notre blog…

NB : au 7 avril 2023, notre blog biosphere comptait

7000 articles (depuis 2005)

Pour nous écrire, biosphere@ouvaton.org

Notre biosphère malmenée en avril 2023 Lire la suite »

Tout savoir sur tout ce qui est important

Sur notre blog biosphere, ces tentatives de synthèse

L’écologie du vivant

Tout savoir sur les COP « biodiversité » (juin 2022)

Tout savoir sur une agriculture durable (janvier 2021)

BIOSPHERE-INFO, tout savoir sur l’Écologie profonde (juin 2017)

Tout savoir sur l’écologie et les spiritualités (décembre 2019)

Tout savoir sur le coronavirus (mars 2020)

Une question démographique complexe

Tout savoir sur la question démographique (octobre 2021)

Tout savoir sur le terme malthusien (août 2021)

Tout savoir sur les anti-malthusiens (août 2021)

Tout savoir sur la surpopulation humaine (août 2021)

Tout savoir sur l’avortement, l’IVG (janvier 2021)

Tout savoir sur la sobriété démographique (janvier 2023)

L’énergie, facteur de croissance démesurée

Tout savoir sur le Code minier (février 2021)

Tout savoir sur la Convention Citoyenne pour le climat (février 2021)

tout savoir sur le pic pétrolier (décembre 2010)

BIOSPHERE-INFO, tout savoir sur le nucléaire (avril 2019)

Tout savoir sur les anti-éoliens… et même plus (mai 2018)

Tout savoir sur la voiture électrique (octobre 2021)

2003-2022, tout savoir sur la taxe carbone (mars 2022)

Une technologie à la dérive

Tout savoir sur la perversité des pro-OGM (juillet 2020)

Tout savoir sur la conquête spatiale (février 2021)

La question politique en question

Tout savoir sur la société spectacle et bien plus (décembre 2019)

Tout savoir sur la publicité qui nous dévore (septembre 2020)

Tout savoir sur la dissonance cognitive (janvier 2020)

Tout savoir sur la liberté d’expression (juillet 2021)

Tout savoir sur la désobéissance civile (février 2021)

Tout savoir sur l’aide au développement (février 2021)

Quelques personnages de notoriété publique

Tout savoir sur le président François HOLLANDE (mai 2012)

Tout savoir sur Jean-Marc Jancovici (mars 2022)

Tout savoir sur Jean-Luc Mélenchon (mai 2022)

Tout savoir sur… Sandrine Rousseau (octobre 2022)

L’avenir à la décroissance

Tout savoir sur la décroissance démographique (octobre 2021)

Tout savoir sur l’apocalypse (mars 2022)

Tout savoir sur Extinction Rebellion (octobre 2019)

Tout savoir sur la « Sobriété » obligée (mars 2022)

Tout savoir sur tout ce qui est important Lire la suite »