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Si vous consultez un des articles, n’importe lequel, vous aurez cette annonce en surimpression :

Nous pourrions vous parler d’autre chose que d’écologie, mais la gravité et l’urgence de la situation nous obligent.

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A la fin de l’article consulté, vous aurez systématiquement ce texte, un peu plus long

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Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront des avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif, et ne sera jamais à vendre. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir.

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Ce blog, offert gratuitement à votre attention

En cette période de fin d’année,

les associations se démènent

pour avoir des adhérents supplémentaires :

« Donnez votre argent avant fin 2023,

vous bénéficiez d’une aide de l’État par déduction fiscale… »

Ce n’est pas notre cas. L’association biosphere déclarée en préfecture n’a que deux membres depuis son origine, il n’est pas ouvert à adhésion. Ce blog biosphere qui en est l’émanation ne demande pas de sous, il est offert gratuitement à votre attention. Sa création sur Internet, le paiement d’un webmaster qui veille à la sécurité du site, le coût d’usage du serveur ouvaton.org, tout cela est sponsorisé par un généreux donateur. Nos contributeurs, pas très nombreux, vous présentent chaque jour au moins un article soumis à votre réflexion. Ce blog est en effet ouvert à vos prestations, nous relayons ce qui nous paraît utile pour promouvoir l’intelligence collective et préparer une société qu’on voudrait écologisée.

Nous rappelons les caractéristiques de ce blog biosphere, clairement exposées sur la page d’accueil.

https://biosphere.ouvaton.org/blog/presentation-du-blog/

Ce blog existe depuis le 13 janvier 2005, il propose une analyse quotidienne du « point de vue des écologistes ». L’écologie est multiple, chaque article est soumis à vos commentaires. Vous pouvez aussi proposer un texte, il suffit de l’envoyer à biosphere@ouvaton.org.

L’intelligence collective se constitue par la complémentarité des approches.

Il faudrait que se diffuse dans la population un langage commun dont on pourrait poser les termes de façon suivante : Acteurs absents (démocratie), agriculture biologique (production), communautés résilientes (relocalisation), conférences de consensus (décisionnel), décroissance maîtrisée (économie), Descente énergétique (énergie), écologie profonde (éthique), écocentrisme (valeur), fécondité raisonnée (démographie), migration limitée (déplacements), Monnaie locale (échange), Non-violence (relationnel), Revenu maximum (revenu), Sobriété partagée (consommation), Techniques douces (organisation), etc.

Ce sont des thématiques qui sous-tendent le contenu de ce blog biosphere. A nos lecteurs d’en faire bon usage…

Biosphere est une association loi 1901 ayant pour raison d’être de défendre les intérêts de la biosphère, un espace-temps dans lequel chacun de nous n’est qu’une maille dans la trame du vivant. Son président et fondateur, Michel SOURROUILLE.

NB : pour connaître les règles de modération des commentaires sur ce blog :

https://biosphere.ouvaton.org/blog/regles-de-moderation-des-commentaires/

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Biosphere-info, récapitulatif novembre 2023

Chaque jour de novembre un article

sur ce blog biosphere

à vous de cliquer sur votre centre d’intérêt

Perspectives de long terme

Ministère du futur, bientôt une réalité ?

L’intelligence collective, impossibilité majeure

Limites planétaires franchies => décroissance

L’habituel déni du mot « décroissance »

L’activisme écologique

A69, quand le futur combat le passé

CLIMAT, attaque au marteau d’un tableau

Le Conseil d’État et la détérioration des biens

Dévendeur, déconsommation… Béchu Christophe !

FNE pour la multiplication des Dévendeurs

Hommage à Michèle Rivasi

La question climatique

COP28, blocage du G17 à Dubaï ?

Les bombes carbones vont exploser, BOUM

CLIMAT : Atténuation ou adaptation ?

COP28, le moment d’une vérité édulcorée

Climatosceptiques ? Plutôt climatonégationnistes

La question énergétique

L«or noir », en réalité la merde du diable

Pétrole et charbon, des lobbies très sales

Nous boirons du pétrole jusqu’à la lie

Le constat de surpopulation

SURPOPULATION… Mythe ou réalité ?

Un démographe qui pense « surpopulation »

Surpopulation en Argentine => Javier Milei !

Zimbabwe, surpopulation et choléra

Eric Zemmour, surpopulation et climat

Pour une démographie responsable

Eurasp à Paris le 25 novembre

Amicale associative des Malthusiens

No kid, faire des enfants c’est fou à lier

Elon Musk, un tout fou très nataliste

La question migratoire

Les nationalismes contre l’urgence écologique

Immigration, démagogie ou rationalité ?

Le sénat ne veut pas des immigrés

FMI. L’allié démoniaque de la mondialisation

Regards sur l’actualité

Crime de guerre, la guerre est un crime

Les coûts cachés de la croissance agricole

Matraquage publicitaire et malbouffe

Questions sociétales

Libre d’accoucher comme on veut, où on veut ?

Suicide mode d’emploi, de 1982 à 2023

Fin de vie. Les élucubrations d’une juriste

Compost. Comment recycler l’essentiel 

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Biosphere-Info octobre 2023

Voici nos articles publiés ce mois d’octobre 2023

avec classement par thèmes

à vous de cliquer sur votre centre d’intérêt

Perspectives de long terme

Toute mégastructure implique l’effondrement

Six risques catastrophiques pour l’humanité

L’activisme écologique

Sociologie des jeunes militants écolos

autoroute A69, inutile et imposée

A69, la logorrhée des imbéciles aveugles

Nous sommes tous des (éco)terroristes (l’A69)

La dissolution de SLT devant le Conseil d’État

Greenpeace, une multinationale comme les autres

Greta Thunberg, fière d’être mise à l’amende

L’indispensable VADE-MECUM de l’écologiste

L’impuissance politique

Reach, riche en produits chimiques

Le loto de la biodiversité, arnaque

L’UE, addict aux ressources fossiles

En Inde, l’échec de la révolution verte

Écologisme, ni gauche, ni droite, ni extrême

EELV, un parti écolo en quête de notoriété

La tentation écofasciste selon Pierre Madelin

Energie et climat, l’impasse

La sobriété énergétique, c’est tabou !

L’énergie doit être pensée avant le climat

Les déchets nucléaires à Bure, validé ?

COP28 et AIE, sobriété énergétique tabou !

Boycott de la COP28, la seule option ?

Industrie automobile, une crise mortifère

CLIMAT : des négationnistes criminels

Une spiritualité émergente

Laudate Deum contre les climatosceptiques

Laudato Si, lettre encyclique du pape François

Pour une démographie responsable

Avoir un enfant, c’est un choix politique !

stages de responsabilité parentale ?

L’Afrique affamée par sa démographie délirante

Gaza, une surpopulation carcérale

Questions sociétales

L’avortement, réalité et législations de l’IVG

Manifeste pour une santé commune

Un composteur pour tous et toutes

Le ver vert est dans la tombe

Hubert Reeves est mort, écoutons son message

Apocalypse Now… ou ménager la chèvre et le chou

Que lire ? Ce blog biosphere…

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Fabrice Nicolino, personne n’est parfait

Attentat contre les journalistes de Charlie hebdo : le 7 janvier 2015, Fabrice Nicolino reçoit trois balles de la kalachnikov de Chérif Kouachi : une dans chaque jambe, une dans l’abdomen. De graves séquelles qui ne l’empêchent pas d’écrire. Mais autant nous aimons son dernier ouvrage de 2023, autant celui de 2011 était contre-productif en termes de militance. Personne n’est parfait.


2023. « Le Grand Sabotage climatique »
Révélations sur un système corrompu : ONU, multinationales, gouvernements… », de Fabrice Nicolino
recension de Stéphane Foucart : Les populations occidentales étaient déjà très sensibilisées aux enjeux environnementaux dans les années 1970, alors même qu’aucun consensus n’existait sur la question climatique. Ainsi, le 22 avril 1970, pour la première « Journée de la Terre », vingt millions d’Américains descendent dans les rues pour exiger des mesures de protection de l’environnement. Il ne reste aujourd’hui plus grand-chose de ces grandes mobilisations populaires en faveur de l’écologie ! C’est sans doute, dit Fabrice Nicolino, que ces grands organismes internationaux ont produit un discours anesthésiant, validant et relayant une diversité de concepts et d’expressions-valises dont l’objectif est de promouvoir l’idée que la poursuite du « business as usual » pouvait être compatible avec la défense de l’environnement : « développement durable », « croissance verte », « responsabilité sociale et environnementale des entreprises », « éco-efficacité », etc.

Les rapports, traités, résolutions et discours générés par une intense activité diplomatique laisse, de fait, le sentiment d’avoir été floué : ce sont les mêmes mots, les mêmes déclarations vibrantes, les mêmes engagements qui reviennent, sans que rien du fonctionnement de l’économie ne change. Le livre exhume ainsi des déclarations saisissantes, comme celle de Margaret Thatcher, le 27 septembre 1988 – année de la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ! –, alertant sur les graves dangers du réchauffement, et qui pourrait être prononcée aujourd’hui presque à l’identique.

2011. Qui a  tué l’écologie de Fabrice Nicolino (Les liens qui libèrent, 2011)

extraits : Qui a tué l’écologie ? Fabrice Nicolino ! Son dernier livre s’attaque à tout ce qui veut faire quelque chose en matière écologique, Greenpeace, WWF, Fondation Nicolas Hulot, France nature Environnement, NKM, etc… Le procédé constant de Nicolino est de valoriser un événement infinitésimal d’une personne ou d’une association pour essayer de la discréditer complètement…

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Biosphere-Info septembre 2023

Cher passant et passante,

voici les articles classés par thèmes

publiés ce mois de septembre 2023 sur ce blog

Perspectives de long terme

L’heure est à la déconsommation

« L’Avenir confisqué » de Nicolas Duvoux

Nous colonisons l’avenir (David Van Reybrouck)

L’impuissance politique

La sobriété, ignorée de nos dirigeants

Macron aime la bagnole, pas l’écologie !

Macron, « l’écologie à la française » !!!!

Victimes de la structuration socio-économique

Une spiritualité émergente

Les penseurs de l’écologie en quelques mots

Pour reverdir l’être, le SOI ouvert au monde

Toile de la vie et Travail qui relie

Église verte et écopsychologie

Nos amis les loups en ligne de mire

énergie et climat

Énergie et climat, le triangle de l’inaction

L’essence à deux euros le litre, c’est donné

Moi vouloir rouler à l’œil dans mon SUV !

Provoc. Nous sommes tous climatosceptiques

Pour une démographie responsable

Démographie Responsable en actes

Sarkozy, adhérent de Démographie Responsable

Jacques Lecomte dit du mal de Malthus !

Fécondité des loups, fécondité des hommes

L’avortement mis à mal au Chili

Surpopulation, mythe ou réalité ?

Bibliographie sur le constat de surpopulation

Un panorama des pays surpeuplés

Surpopulation, le pour et le contre

Surpopulation, tout ce qu’il faut en dire

Surpopulation en Chine, une idée tabou ?

Le Nigeria mis en coupes réglées

Population et climatisation, l’Égypte est mal partie

La question migratoire

Régime migratoire du XXIe siècle

Le grand remplacement… en Australie

Le grand remplacement, constante historique

Migration, la violence est au bout du chemin

Le pape a dit : « Les migrants au Vatican »

Réfugié climatique, mais pour aller où ?

Questions sociétales

Notre période de lâchetés et d’obscurantisme

Fin de vie, Emmanuel Macron procrastine

Je préfère mon chien à mon homme

La fin de l’utopie « cul nu » ?

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Biosphere-Info du mois d’août 2023

classement par thèmes

L’activisme écologique

Premiers contacts avec l’écologie

Le film de Daniel Goldhaber, Sabotage

Pour ou contre la dégradation d’un golf ?

Nous sommes tous des écoterroristes !

Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

Vers la décroissance, subir ou choisir ?

La communauté de résilience, un idéal à atteindre

William Rees, ses idées sont les nôtres

L’impuissance politique

Soulèvements de la Terre / Darmanin… 1 / 0

L’écologie à la mode du Rassemblement national

Il n’y aura pas de parti social-écologiste

Compensation carbone, une mystification

Absence de WC en Afrique, à qui la faute ?

Une planète à bout de souffle

2 août 2023, le jour du dépassement

8 milliards, stress hydrique extrêmement élevé

Cigarettes, bombes écotoxiques pour la planète

JO 2024 à Paris, une idiotie de plus

Optimisme, pessimisme et énergies fossiles

Une humanité aliénée

Nous sommes des moutons et fiers de l’être

Milgram et la soumission à l’autorité

Tout savoir sur la manipulation mentale

La religion, un obstacle à notre liberté

Psychologie cognitive et souvenirs recomposés

Nudité, naturisme et conventions sociales

Une espèce inutile et nuisible, homo sapiens

Des déplacements inutiles

Les écolos, pour ou contre le tourisme ?

(sur)tourisme, une activité sans fondement

Un voyageur, ça va, des touristes, ça casse

L’option démographique

Avoir ou ne pas avoir des enfants

Surpeuplement carcéral, surpopulation humaine

Scénario d’extinction de la race humaine

Mortalité humaine, quelle importance ?

Liberté de mourir, contraintes pour vivre

La vie de famille

Educateur, un rite de passage obligé

Quelques conseils de parentalité heureuse

Parentalité, un métier qui s’apprend

Du féminisme à l’antispécisme

Sexe, genre, nature humaine et effet de mode

Androgynie, cad totale égalité des sexes

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Mémoire d’un écolo, Michel SOURROUILLE

Les Mémoires d’un écolo, « Fragments de vie, fragment de Terre  », ont été éditées chaque jour sur le blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août 2023. Ce livre de Michel SOURROUILLE était dédié à toutes les formes de vie et obsédé par une idée, nous pouvons faire un monde meilleur. En voici le contenu.

01.07.2023, Pour mieux connaître Michel Sourrouille

02.07.2023, Fragments de vie, fragment de Terre (introduction)

Dieu n’est rien, la matière se suffit à elle-même

03.07.2023, Un préalable, la question religieuse

04.07.2023, La religion, un obstacle à notre liberté

L’évolution de ma pensée, avec des hauts et des bas

05.07.2023, Une pensée en formation

06.07.2023, Mes principes de base sont bien établis maintenant

07.07.2023, Une pensée en marge

En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

08.07.2023, Sur les bancs de l’école, prolégomènes de mes engagements futurs

09.07.2023, Une pensée se forme progressivement

10.07.2023, Une pensée en avance sur son temps

On ne naît pas écolo, on le devient

11.07.2023, Premiers contacts avec l’écologie

12.07.2023, Premiers contacts avec l’écologie (suite)

13.07.2023, Premiers contacts  avec l’écologie (fin)

Objecteur de conscience, refuser la violence d’Etat

14.07.2023, Non au service militaire

15.07.2023, Je deviens objecteur de conscience

16.07.2023, Agir en tant qu’objecteur de conscience

Éduquer, un rite de passage obligé pour un jeune

17.07.2023, éducateur, un rite de passage obligé

18.07.2023, éducateur, une tâche difficile

19.07.2023, vacataire en clinique psychiatrique

Objecteur, insoumis… puis militaire !

20.07.2023, Objecteur de conscience… puis insoumis

21.07.2023, Insoumis… puis militaire !

Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

22.07.2023, Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

23.07.2023, Les sciences économiques et sociales, indispensables

24.07.2023, le programme de sciences économiques et sociales

25.07.2023, Les sciences économiques et sociales en Terminale

26.07.2023, Une discipline contestée, les SES

27.07.2023, Les SES face à la déconnexion des lycéens

Pour un féminisme universaliste

28.07.2023, Du féminisme à l’antispécisme

29.07.2023, Le féminisme enseigné en cours

La parentalité n’est pas une nécessité

30.07.2023, Avoir ou ne pas avoir des enfants

31.07.2023, Malthusiens contre anti-malthusiens

Un trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

01.08.2023, Une passion particulariste, les échecs

Ma vaine tentative d’écologiser la politique

02.08.2023, Ma tentative d’écologiser la politique

03.08.2023, encarté au parti socialiste !

04.08.2023, Les partis, nécessaires et inadaptés

05.08.2023, Il n’y aura pas de parti social-écologiste

Militer par Internet interposé !

06.08.2023, L’écologisme passe aussi par l’électronique

07.08.2023, Mon blog, un engagement de chaque jour

L’association, une possibilité d’aller plus loin ensemble

08.08.2023, Mon engagement associatif au service de la nature

09.08.2023, Le bénévolat associatif, une nécessité absolue

10.08.2023, Vivre écolo, au-delà des institutions

11.08.2023, Parti et associations en symbiose ?

Notre avenir, les communautés de résilience

12.08.2023, La communauté de résilience, un idéal à atteindre

13.08.2023, la difficulté de la résilience locale

Ma pratique de la simplicité volontaire

14.08.2023, Ma pratique de la simplicité volontaire

15.08.2023, L’océan n’existe que par ses gouttes d’eau

Objecteur de croissance, la voie du salut

16.08.2023, Quelques recettes de décroissance

17.08.2023, Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

Techniques douces à l’homme et à la nature

18.08.2023, Techniques douces contre techniques dures

19.08.2023, Contre la technolâtrie

20.08.2023, Antagonisme absolu sur les OGM

Journaliste, mon rêve enfin réalisé

21.08.2023, Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

22.08.2023, l’ignorance de la question écologique par LE MONDE (1945-2023)

L’objectif, l’utopie enfin réalité

23.08.2023, Une UTOPIE pour 2050

24.08.2023, Utopie, ce qui n’est pas encore réalisé !

Une valeur intrinsèque à toutes les formes de vie

25.08.2023, Ma philosophie : l’écologie profonde

26.08.2023, Les anthropocentriques contre l’écologie profonde

27.08.2023, Désacraliser l’humanité

Fragments de mort, fragment de vie

28.08.2023, Désacraliser la mort

29.08.2023, Euthanasie et suicide assisté

30.08.2023, Modèle de testament de fin de vie

Conclusion

31.08.2023, Sous le signe de mon père

Mémoire d’un écolo, Michel SOURROUILLE Lire la suite »

juillet 2023, nos articles biosphèriques

juillet 2023, nos articles biosphèriques Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Malthusiens contre anti-malthusiens

Malgré les tensions objectivement croissantes entre population et production alimentaire, le message malthusien a encore du mal à passer en France, même du côté de ceux qui produisent le mensuel « La Décroissance ». A la question, La décroissance est-elle malthusienne ?, leur organisme de théorisation, l’IEEDS (institut d’études économiques et sociales pour la décroissance soutenable) répond ainsi : « La décroissance pense qu’il n’y a pas trop d’êtres humains sur terre, mais trop d’automobilistes. » (décembre 2006, supplément inséré dans La décroissance n° 35). Voici mon dialogue en 2008-2009 avec l’administrateur du journal Bruno Clémentin, humaniste convaincu. Bruno va toujours se placer du côté de l’inquisiteur sans jamais développer sa propre conception de l’optimum de population :

Bruno Clémentin : « Comment envisager d’assurer la décroissance rapide de la population humaine ? »

Michel Sourrouille : Je précise d’abord que je n’ai jamais envisagé une décroissance « rapide » de la population parce que c’est impossible. Avec les guerres, les pertes humaines peuvent être très nombreuses. Mais ces événements conjoncturels sont suivis le plus souvent par un boom démographique, il n’y a donc pas globalement décroissance. Pour moi personnellement la « rapidité » n’est pas un enjeu car je ne vis pas dans l’attente de résultats ; il me suffit de vivre de façon intègre et en harmonie avec ce que je crois.

Bruno Clémentin : mais aucun des débatteurs ou « théoricien » de la dénatalité ne répond à deux questions fondamentales :

1 – par qui on commence ?

2 – comment on fait ?

Michel Sourrouille :

1) par qui on commence apporte beaucoup trop de réponses possibles ! En effet les humains ont tellement de façon de s’entretuer après s’être trouvé un ennemi que l’humain à abattre n’est pas désigné par avance. En tant qu’objecteur de conscience, je ne me sens pas concerné par ce type de solution militarisée (la guerre comme infanticide différé). Il faudrait donc commencer par soi, devenir objecteur de croissance : notre sens des limites devrait porter aussi bien sur nos consommations personnelles (simplicité volontaire) que sur notre fécondité.

2) comment on fait la dénatalité ? Par la limitation volontaire des naissances, on a tellement de moyens techniques pour cela. Ainsi les néomalthusiens actuels se sont exprimés en France et ailleurs de façon indirecte, par la création du planning familial, du MLAC et du MLF. Aujourd’hui le préservatif n’est pas d’abord un moyen de lutte contre le SIDA, mais un moyen de limiter sa fécondité naturelle. Albert Jacquart a répondu à l’aspect limitation des libertés : « Devant les dangers d’une Terre saturée d’hommes, la tentation est grande de renoncer peu à peu à ce luxe inutile qu’est la liberté. Dans quelques siècles, la fécondité leur sera peut-être imposée, la gestion de leur effectif résultera des calculs de quelques ordinateurs. Le seul espoir est que les pays riches mettent une part de leurs ressources surabondantes à la disposition des systèmes éducatifs des pays pauvres ». (l’Explosion démographique d’Albert Jacquard – éd. Le Pommier, 2006).

L’éducation est une réponse nécessaire pour une gouvernance démographique non autoritaire, elle commence par l’éducation des femmes : par exemple le taux de scolarisation entre garçons et filles est encore trop inégal dans les pays moins développés. Or les études montrent que des femmes mieux éduquées limitent le pouvoir des hommes et contrôlent davantage leur fécondité. Même dans les pays riches, le statut de « mère » est encore trop valorisé malgré les discours de Simone de Beauvoir. Le point de vue d’Yves Cochet d’allocations familiales inversées se comprend face à un État français ouvertement repopulateur. Mais si l’État était vraiment neutre en matière démographique comme je le voudrais, il n’imposerait aux couples voulant des enfants aucune bonification ou sanction.

Bruno Clémentin : une « politique » ne peut se satisfaire du « on commence d’abord par soi », elle est la somme des actions en vue d’un but appliqué, avec ou sans leur consentement, à des collectifs : pour ceux qui veulent faire de la démographie une politique, il faut exprimer clairement le but : quelle quantité d’être humains, à quelle échéance, le reste est vraiment une perte de temps.

Michel Sourrouille : La politique ne consiste pas seulement à faire du chiffre. Le gouvernement chinois ne dit pas qu’il désire atteindre 1 milliard ou 600 millions de Chinois dans 5 ans ou dans trois générations. Il se contente d’appliquer l’article 25 de leur constitution : « L’État encourage la planification familiale pour assurer l’harmonie entre la croissance démographique et les plans de développement économique et social. » Comme la population chinoise a été jugée trop importante, la Chine a mis en place une politique de l’enfant unique, assorti de règles et de sanctions si on n’applique pas la norme.

Si j’avais à présenter un programme politique en France, je dirais que l’empreinte écologique des Français est telle que nous ne pouvons pas généraliser notre mode de vie et multiplier nos enfants. Que nos concitoyens comprennent enfin que n’avons pas trois ou quatre planètes à notre disposition ! Il faut donc construire à la fois une décroissance économique par la limitation de nos besoins et une décroissance démographique grâce à la neutralité de l’Etat en matière d’allocations familiales et de quotient familial (qui seraient donc supprimés) : pas de prime à des enfants surnuméraires. Dans l’éducation nationale, il sera mis en place une éducation posant le problème d’être ou non futurs parents. L’éducation sexuelle ne sera pas limitée à la présentation des moyens de contraception, mais à la responsabilité des couples par rapport aux limites de la planète. Face à une crise systémique, écologique et financière, il nous faut une éducation systémique.

Bruno Clémentin : Le « contrôle de la population » n’est PAS le contrôle des naissances.

Michel Sourrouille : Revenons à la base, ce que disait Malthus. Il constatait une rupture inéluctable entre notre ponction sur les ressources agricoles, soumise à la loi des rendements décroissants, et un accroissement exponentiel de la population dans les conditions naturelles de notre fécondité. Loin de lui l’idée de « contrôler la population », depuis le contrôle aux frontières jusqu’au fichage des autochtones ! Il suffirait de contrôler la natalité. Mais comme Malthus ressemblait aux papes actuels, il refusait les moyens de contraception pour ne retenir que la limitation de l’exercice de notre sexualité : pas de sexe hors mariage, etc.. Selon Malthus, si nous ne contrôlons pas notre natalité, alors il y aura contrôle de la population par augmentation de la mortalité (famine, épidémies et guerres).

Bruno Clémentin : Le contrôle des naissances n’est pas réduit à l’éducation et la liberté des femmes mais autant par la liberté et l’éducation des hommes, c’est pour avoir méconnu (et méconnaître) cette évidence que les « malthusiens » tourne en rond.

Michel Sourrouille : il s’agit bien sûr d’éduquer à la fois les hommes et les femmes. Pour Malthus, cela passait par l’intériorisation des couples du nécessaire retard à l’âge du mariage et à l’acceptation d’une abstinence prolongée. Tu ne peux pas reprocher au discours de Malthus, ponctuel et daté historiquement, d’être incomplet.

Bruno Clémentin : L’éducation et la liberté des hommes et des femmes n’est pas « négociable » et ne doit pas être assujetti à des demandes annexes, sauf à se conduire comme les colons et les missionnaires religieux.

Michel Sourrouille : je ne comprends pas à quoi tu fais implicitement référence dans cette phrase…

Bruno Clémentin : pour illustrer mes propos montrant que se focaliser sur le contrôle des naissances est inopérant, lorsque René Dumont visite la Chine (en 1975), il sort cette énormité (vu d’aujourd’hui) et Dumont n’était pas un plaisantin et connaissait le sujet : « … cette baisse du taux de croissance [de la population], mais il ne parle que de la baisse contrôlée de la natalité… va se poursuivre sans doute de plus en plus rapidement ; la Chine  ne dépassera  peut-être pas le chiffre fatidique d’un milliard d’habitants… » ; il ne s’est trompé que de 500 millions… sur moins de deux générations ; c’est là une démonstration s’il en fallait une de l’échec absolu du contrôle de la population par le contrôle des naissances.

Michel Sourrouille : La Chine grâce à sa politique de l’enfant unique a économisé 400 millions de naissance. Cela ne veut pas dire que c’est un succès, cela ne veut pas dire non plus que c’est un échec. Une gouvernance démographique est très difficile à mettre en place. En Chine il y a la préférence pour les garçons, le travail de la terre, l’absence de régime retraite… et même la volonté des riches chinois de faire autant d’enfants qu’ils le veulent puisqu’ils peuvent assumer les amendes. En France, les résistances seraient aussi fortes pour d’autres raisons : il y a le lobby des démographes, le soutien d’une grande partie des intellectuels…

Bruno Clémentin : Enfin il y a un préambule, si on parle de contrôle de la population dans un « cadre » écologique ou de soutenabilité ou de « capacité de charge », c’est la limite posée du nombre optimal d’être humains sur terre. Sauf à parler dans le vide, tu dois donc donner le nombre que tu juges optimal.

Michel Sourrouille : en 1970, une étude des Nations unies répondait à la question suivante : « Étant donné la capacité agricole et industrielle mondiale, le développement technologique et l’exploitation des ressources, combien de personnes pourrait-on faire vivre sur Terre avec le niveau de vie actuel de l’Américain moyen ? La réponse était : 500 millions tout juste. » Actualisons. Selon Yves Cochet, « Il existe une corrélation historique entre la quantité totale d’énergie dans le monde et, d’un autre, le niveau démographique et le niveau de vie. Cette corrélation est si forte qu’on peut émettre l’hypothèse d’une causalité : moins il y aura d’énergie disponible, moins la planète pourra accueillir d’individus à un certain niveau de vie. Si cette hypothèse est vraie, comme je le crois, le nombre maximal d’humains sur terre, au niveau de vie moyen actuel, déclinera d’environ 7 milliards vers 2025 à environ 5 milliards en 2050, puis 2 à 3 milliards en 2100. En résumant dans l’expression « niveau de vie moyen » de la Terre le rapport entre la consommation d’énergie par personne et le nombre de la population, on pourrait énoncer que plus le niveau de vie est élevé, moins la planète peut accueillir de personnes. »

A part le blocage énergétique, il y a bien d’autres signes qui montrent que la capacité de charge de notre planète ne peut suffire à notre population actuelle : stress hydrique, désertification des sols, déforestation, épuisement des ressources halieutiques, perte de biodiversité, etc. De toute façon, je ne peux pas à donner un nombre optimal si ce n’est qu’indicatif car la réalité est la résultante de déterminants innombrables, y compris des jugements de valeur. Pour résumer, il faut à la fois parler du nombre d’habitants à un moment donné sur un territoire donné, de leur taux de croissance démographique, des échanges durables ou non avec les autres territoires, de leur volonté de puiser plus ou moins fortement dans les ressources de la planète (niveau de vie), c’est-à-dire de l’évolution des besoins économiques qui dépendent aussi de considérations sociologiques, etc.

Le problème avec les humains, c’est qu’ils adaptent le milieu et qu’ils savent s’adapter. Des rats dans une cage, même bien nourris, ne supportent pas une densité trop forte ; on peut entasser des humains dans des trains vers l’holocauste à cause de l’idéologie du lebensraum allemand, les déportés ne diront rien ou presque. Le problème essentiel reste entier, nous avons restreint dans de fortes proportions notre espace vital et nous subissons tous les désagréments d’une surpopulation absolue pour ne spa avoir agi à temps sur notre fécondité. Cela est d’autant plus dangereux que la méthode ancestrale de migration à cause de la surpopulation relative d’un territoire ne peut plus servir de soupape de sécurité.

Bruno Clémentin : quand tu confronteras ces deux données physiques (le nombre actuel et celui à obtenir), il te faudra alors choisir par qui tu commences.

Michel Sourrouille : Tu te répètes ! Comme je me situe dans une perspective de contrôle de la natalité librement choisi par les individus et les communautés, je t’ai déjà expliqué par quoi on commence : on agit d’abord sur soi-même et sur sa propre fécondité, on fait aussi de l’éducation, c’est-à-dire l’apprentissage des contraintes (empreinte écologique, réchauffement climatique, pic énergétique, capacité de charge, problème migratoire…). Si les humains préfèrent la famine, la guerre ou les épidémies pour contrôler leur population de façon non choisie (par la mortalité), moi cela ne me concerne plus.

Mais au moment où l’homme met en péril les conditions de sa propre survie, le souvenir de Malthus nous rappelle la nécessité absolue d’une pensée des limites. Je pense raisonner juste. Le problème, c’est qu’il y a un monde entre la théorie et mon propre vécu personnel. Avoir aucun, un seul ou plusieurs enfants découle d’un tas de paramètres que nous maîtrisons mal. Personnellement mon idéal serait « un seul enfant par couple ». Mais je me suis mis en ménage avec une femme qui en avait déjà deux d’un premier mariage. Nous en avons fait un autre, le seul enfant biologique que j’ai eu. Comment on compte, trois enfants pour trois personnes, déjà deux pour deux ? Mais l’autre père s’est remarié, il a eu d’autres enfants : comment on compte ? J’ai adopté un enfant, comment on compte ? A l’heure de la fugacité des sentiments et de la croyance en sa liberté toute puissante, le modèle chinois d’un enfant « par couple » semble donc difficile à généraliser. Pourtant cela reste mon modèle. J’ai passé mon existence à éduquer les enfants des autres comme si c’était les miens. Cela seul compte dans la vie vécue de façon humaine.

Je veux ajouter une réflexion importante pour qui veut défendre les intérêts de la Biosphère. Jusqu’à présent nous n’avons envisagé que la taille de la population humaine face aux ressources limitées de la planète. Il ne faudrait pas oublier que l’expansionnisme humain (démographique et économique) réduit l’espace vital de toutes les autres espèces, d’où la dramatique perte de biodiversité que nous connaissons à l’heure actuelle. C’est aussi pour cela que la philosophie de l’écologie profonde est devenue pour moi incontournable. Ainsi ce point de la plate-forme formulée par Arne Naess : « L’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. »

Sur mon blog biosphere.ouvaton.org, j’ai reçu en novembre 2009 le commentaire suivant : « Ne pensez-vous pas que l’homme fait partie de la nature et que sa population s’autorégulera (comme toute population animale) ». Le problème, c’est que l’animal humain sait modifier son milieu pour l’épuiser au maximum et donc proliférer sans commune mesure avec les possibilités durables de son écosystème. La régulation naturelle intervient bien sûr à un moment ou à un autre, mais trop tard, pas de façon raisonnée (guerre, épidémies, famine…). La nature ne raisonne pas, la nature ne négocie pas… Plus nous attendrons pour maîtriser notre croissance démographique, plus la réponse de la biosphère sera violente. Les microbes et les virus commencent à se révolter contre l’élevage en batterie des animaux et des pauvres .

Malthus est toujours d’actualité. (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Avoir ou ne pas avoir des enfants

Quelques idées générales : Le choix malthusien, c’est-à-dire le contrôle volontaire de la fécondité pour rendre compatible la population humaine et la capacité de charge de la planète, se heurte à tous ceux qui valorisent le « droit à la vie ». Par exemple le pape Jean Paul II s’exprimait ainsi : « Il n’y a pas de respect pour les lois dans un État (la Pologne en l’occurrence) qui laisse tuer les innocents. Un peuple qui tue ses propres enfants [par l’avortement] est un peuple sans avenir. » Mais la religion ne peut dicter sa loi à une société démocratique, l’avortement ne devrait pas être conditionné par une considération éthique, mais par les nécessités socio-économiques ou environnementales. Bien que l’avortement soit le signe d’un échec de la contraception, c’est un droit à autoriser dans un monde surpeuplé. Il y a le droit à la vie, il y a aussi le droit de l’enfant à s’insérer de façon harmonieuse dans une vie familiale, dans un biotope équilibré, donc dans une existence durable. En France, les chutes les plus brutales de la natalité ont été enregistrées en 1975 et en 1983, deux périodes qui correspondent à une récession économique.

Trop d’enfants, c’est un frein à l’amélioration de la société. Les néo-malthusiens associent systématiquement la limitation des naissances à la révolution sociale. Le néo-malthusianisme, mouvement d’émancipation très proche des féministes, s’est développé en France à la fin du 20ème siècle. Paul Robin fonde en 1896 la ligue de la régénération humaine qui se propose de faire connaître la loi de Malthus, ainsi que « les procédés anticonceptionnels qui permettent d’en faire une arme contre le malheur ». Mais en 1920, la majorité nationaliste issue de la Première guerre mondiale vote une loi condamnant « la propagande contre la natalité ou anti-conceptionnelle ». Cette loi criminalise aussi l’avortement, Marie Latour sera exécutée en 1943 sur ce motif. Les néo-malthusiens sont contraints de fermer leurs journaux et à cesser leur action. Dans ce contexte, on ne pouvait plus réfléchir. Pour ou contre l’avortement ? Ma mère était contre, comme sa génération née en 1925. Cela ne l’a pas empêché d’avorter trois fois. La loi n’est pas toujours en accord avec les consciences. Je suis né en 1947, j’ai aussi vécu au temps de la répression, l’absence d’éducation à la sexualité, je me suis auto-formé plus ou moins bien sur la question de la contraception.

En janvier 1971 je trouve dans Partisans un dossier, Libération des femmes, année zéro. Je prends en note : « Du point de vue du danger, mieux vaudrait vendre les pilules dans des distributeurs automatiques et ne délivrer les cigarettes que sur ordonnance… L’utérus des femmes est la propriété de l’Etat… Actuellement en France à la suite d’avortements, il meurt tous les ans 5 000 femmes, 10 000 à 15 000 demeurent stériles à vie et 200 000 souffrent de maladies infectieuses. En Hongrie où l’avortement est considéré comme une intervention chirurgicale normale, on ne compte que six cas mortels pour 100 000 avortements…» C’était l’époque du MLF (mouvement de libération de la femme) : « Qui est le plus apte à décider du nombre de nos enfants ? Le pape qui n’en a jamais eu ? Le président qui a de quoi élever les siens ? Votre mari qui leur fait guili guili le soir en rentrant ? Ou bien vous qui les portez et les élevez ! »

Mais la question démographique est bien plus complexe, il y a le droit de la femme à disposer de son corps et le droit de la planète à ne pas être envahie par les bébés. Il faut un compromis entre les libertés de l’individu et les contraintes écologiques. J’ai toujours pensé que la population humaine était trop nombreuse. Le 4 décembre 1970, j’écrivais dans mon carnet de notules comment je vois le monde tel qu’il va :

Un jour les gouvernements seront obligés de supprimer les voitures

Ils seront obligés de tuer des nouveau-nés bien portant

Il y aura pourtant des guerres civiles et internationales en même temps

Des gens mourront parce que l’eau potable manquera

Le ciel sera obscurci de bruits et de fumées

La terre sera sillonnée de bandes armées déchaînées

Notre vie ne tiendra qu’à un fil, la raison du plus fort

Les villes seront pillées et l’armée deviendra brigands

Car les gens ne sont pas préparés intellectuellement

A agir rationnellement contre surpopulation et pollution.

Ce sont mes études de fac au début des années 1970 qui m’ont fait découvrir Thomas Malthus. Cet économiste et néanmoins pasteur, a mis en évidence à la fin du XVIIIe siècle une sorte de loi démographique quand on laisse faire la nature : en l’absence d’obstacles, les couples peuvent en moyenne faire 4 enfants par génération, ce qui fait doubler la population tous les 25 ans. Par contre l’agriculture est contrainte par les rendements décroissants : « On n’obtiendra pas avec la même facilité la nourriture nécessaire pour faire face au doublement de la population. Lorsque tous les arpents ont été ajoutés les uns aux autres jusqu’à ce que toute la terre fertile soit utilisée, l’accroissement de nourriture ne dépendra plus que de l’amélioration des terres mises en valeur. Or cette amélioration ne peut faire des progrès toujours croissants, bien au contraire. ». En conséquence, la population croit selon une progression géométrique très rapide et l’alimentation seulement comme une progression arithmétique bien plus lente. Comme la population augmente bien plus vite que les ressources alimentaires, il y a un déséquilibre qui se résout par des obstacles naturels, famine et épidémies au niveau territorial, ou quand il y a migration, des invasions et des guerres. Une seule solution rationnelle, limiter les naissances.

En mars 1972 j’adhère de cœur et de conviction raisonnable au mouvement américain « Zero Population Growth ». Ne plus faire d’enfant, puisqu’il y a trop de personnes qui n’adhèrent pas au mouvement malthusien ! Je suis conscient qu’un enfant supplémentaire est une charge pour la famille (nourriture, éducation…) et pour la société (gonflement possible du chômage, boursouflure du secteur tertiaire…). Pour la planète aussi (surpopulation / ressources naturelles). Il me paraît donc convenable de supprimer les allocations familiales. Je trouve que le tourisme est un impérialisme des riches, la population doit être stabilisée dans l’espace, dans des cellules géographiquement circonscrites qui s’auto-suffisent. Le gouvernement impose bien à un homme de n’avoir qu’une seule femme, ne peut-il lui imposer de ne pas avoir plus de deux enfants ?

En 1972 je lis aussi le rapport du Club de Rome (The limits to growth) : « Si les tendances à la croissance de la population du monde, l’industrialisation, la pollution, la production de nourriture et l’épuisement des ressources restent inchangés, les limites à la croissance sur cette planète seront atteintes un jour ou l’autre dans les cent prochaines années. Le résultat le plus probable sera une baisse plutôt soudaine et incontrôlable tant de la population que de la capacité industrielle. » J’avais même été subjugué par le titre d’un libelle : « Lettre à l’enfant que je n’aurai jamais ». C’est pour moi le signe d’une inconscience totale que de faire un enfant sans penser à son avenir. Mais il y a un gouffre entre la théorie malthusienne et la réalité du rapprochement des corps.

Fin 1973, je suis éducateur à Ambarès. Je rencontre une autre éducatrice que j’avais déjà rencontrée en fac de sciences de l’éducation. Nous étions logés dans deux chambres proches. Nous nous sommes retrouvés dans le même lit, écoutant de la musique. Elle s’est endormie sur moi, nous n’avions rien conclu. Le matin, c’est elle qui a eu pitié de moi, elle a pris l’initiative. Nous étions devenus plus qu’ami, mais nous ne prenions aucune précaution. Je suis con. Je n’ai pas assez d’expérience. La loi Neuwirth qui autorisa la contraception orale était trop récente. Cette loi a été votée en 1967, elle ne sera appliquée qu’en 1972 à cause des freinages de l’administration ! Je ne savais même pas comment était fait un préservatif, à 25 ans ! Marie-Thérèse est tombée enceinte, j’avais été viré de mon boulot, elle a avorté. Non, plutôt, nous avons avorté ensemble. J’avais si on peut dire de la chance, et mon amie aussi, le MLAC (mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) était actif depuis avril 1973 et agissait pour changer la loi en pratiquant illégalement des avortements. Pas besoin d’aiguille à tricoter pour avorter, nous avons donc testé la méthode par aspiration. Je dis « nous » car toute une bande d’apprentis médecins et de membres du MLAC sont arrivés et ma présence était jugée indispensable, pour eux comme pour moi. Le mec est aussi responsable que la femme d’une naissance non désirée. L’intervention a eu des séquelles, mon amie a fait une hémorragie. Elle s’est retrouvée à l’hôpital. Que fait le gouvernement ?

Quelques mois après, le 26 décembre 1974, s’ouvrent à l’Assemblée nationale des débats sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse). Simone Veil, ministre de la santé, conduit les débats devant une assemblée d’hommes. Les détracteurs se succèdent : « Une nouvelle religion est née, son dieu s’appelle le Sexe ! Pour Satan, contraception et avortement sont les deux chapitres du même grand livre de la sexualité ! » ; « Le temps n’est pas loin où nous connaîtrons des avortoirs, des abattoirs parfaitement contraires à la mission la plus naturelle et la plus indispensable de la femme : donner la vie et non la mort. » Le Conseil de l’ordre des médecins exhorte à voter contre la loi, heureusement un médecin s’insurge : « Mille avortements clandestins sont pratiqués par jour, et chaque jour une femme en meurt. » La loi sur l’IVG sera adoptée par 277 voix contre 192, donnant aux femmes le droit de disposer de leur corps. Si l’avortement est bien l’échec de la contraception, la faute d’un couple, c’est aussi la responsabilité de la société ; on ne peut être malthusien que dans une société non répressive, ouverte à la contraception et à la réflexion.

En 1974 s’est tenu la première conférence mondiale sur la population (The World Population Conference) réunissant les gouvernements. On a mesuré l’impossible dialogue entre personnes concernées par les limites de l’œkoumène et personnes enrégimentées par leurs propres croyances. Dès le début de la conférence, de vives réactions se sont manifestées contre l’idée maîtresse de diminuer le nombre de naissances pour réduire les difficultés économiques. Ce débat renouvelait, presque de façon identique, celui qui a opposé Malthus, un siècle et demi plus tôt, à des économistes chrétiens et à tous les socialistes, d’Owen à Marx ; il n’y a pas de problème démographique, il y a seulement un problème de répartition des richesses disaient-ils. Les pays les plus pauvres ont pris à partie les pays riches en invoquant le souci d’équité mondiale sans considérer leur état de surpopulation. Certes les pays riches ainsi que les groupes sociaux favorisés devraient réduire leur consommation excessive pour un monde plus juste, plus égalitaire. Mais on ne peut raisonnablement séparer la question démographique des questions éthiques et des problèmes de « développement ».

La deuxième conférence mondiale sur la démographie à Mexico en 1984 n’a laissé aucune trace, et la troisième en 1994, au Caire, est devenu « Conférence internationale sur la population ET le développement ». Les 179 pays signataires ont admis que la population et le développement sont inextricablement liés, qu’il est nécessaire d’autonomiser les femmes et de répondre aux besoins des couples et des individus en matière d’éducation et de santé. La conférence a adopté un Programme d’action sur vingt ans, axé sur les besoins et les droits des individus plutôt que sur la réalisation d’objectifs démographiques. Quand on sait qu’on prévoyait un passage de la population mondiale de 5,6 milliards en 1994 à 7,3 milliards en 2015 pour une stabilisation à 7,8 milliards en 2050, nous mesurons l’échec de cette troisième conférence. En fait nous sommes déjà passés à 8 milliards en novembre 2022, une augmentation de 1 milliard en onze années seulement ! Les dernières statistiques projettent 10 milliards d’humains minimum pour bientôt…

Au XXIe siècle, la détérioration brutale des ressources de la planète ne peut que confirmer le diagnostic de Malthus. Après des décennies d’agriculture intensive, l’analyse de Malthus des rendements décroissants en agriculture se vérifie aujourd’hui. Et la population mondiale s’accroît de 1 milliard de personnes tous les douze ans en moyenne ! Notre nombre a dépassé la capacité de la biosphère, d’autant plus qu’un bébé occidental va vouloir entrer dans la société de surconsommation et de gaspillage et « naturellement » les classes émergentes des pays pauvres ne veulent qu’une chose, imiter le standard de vie occidental. De cette problématique démographique cruciale, nulle trace dans les programmes de SES : l’étude de Malthus a été supprimée, que ce soit dans l’ensemble du programme ou même dans la spécialisation en terminale. (À suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Du féminisme à l’antispécisme

Quelques idées générales : L’inventeur des jeux olympiques, Pierre de Coubertin, pensait qu’une olympiade femelle serait impraticable, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Une branche du féminisme croit encore qu’il y a une différence naturelle de comportement entre l’homme et la femme… Le sens de l’égalité entre l’homme et la femme n’est pas une donnée de nature, c’est un long combat qui devrait rapprocher les hommes et les femmes de bonne volonté. Il n’y a pas d’inégalité entre les sexes, il n’y a pas d’inégalité entre les différentes branches ethnique de l’espèce humaine, il n’y a pas d’inégalités entre les humains et les non-humains. Le féminisme est un préalable à une meilleure considération des relations entre tous les êtres vivants.

J’aurais aimé être hermaphrodite, un temps mâle et un temps femelle, goûter aux plaisirs des deux sexes. Mais ce n’est pas la peine puisque je suis féministe. Il n’y a pas d’inégalité entre les sexes, il y a seulement quelques différences physiques secondaires. Aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours été féministe, en faveur de l’égalité totale des hommes et des femmes. Pourquoi ? Difficile à dire. D’autant plus que mon contexte familial et social ne s’y prêtait guère. Ma mère, née en 1925, ne pouvait rien faire sans l’aval de mon père. J’étais entouré par des garçons, mon frère et tous mes cousins germains étaient des garçons, sauf l’unique Fabienne. J’ai toujours vécu des classes non mixtes. Jusqu’à la terminale. C’était ainsi, à l’époque, dans les grandes villes : école de garçon, école de fille, lycée de garçons, lycée de filles. Après le bac, j’ai choisi une classe préparatoire uniquement parce qu’elle était mixte, ainsi va-t-il de l’orientation professionnelle, mélange de hasard et de déterminisme, croisement des frustrations et des envies.

Depuis plus de 2000 ans la Bible n’autorisait ni n’interdisait à une femme d’être pasteur. Mais c’est seulement en 1949 qu’Elisabeth Schmidt a été la première femme consacrée pasteur dans l’Église réformée de France. Ni dieu, ni la nature ne disent rien du statut des femmes, et on ne peut même pas faire confiance à la démocratie quand il n’y a que des hommes qui la fréquentent. Il est de bon ton aujourd’hui de se moquer de la sourate du Coran qui affirme que « les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordé sur elles ». Mais la patrie des droits de l’homme est restée bien longtemps sur cette ligne sexiste. En 1793, la loi interdit aux femmes françaises de faire partie d’un club, donc d’acquérir une conscience politique. En 1804, le code civil de Napoléon fait des femmes des mineures à vie, sans droit sur elles-mêmes et leurs biens. En 1848, le suffrage universel n’est accordé qu’aux hommes. En 1902, Marie Curie est le premier docteur en sciences physiques, elle obtient le prix Nobel de physique en 1903, mais l’Académie des sciences refusera de lui ouvrir ses portes. En 1922, le sénat refuse le droit de vote aux femmes, pourtant accepté par les députés en 1919. En 1946, la Constitution française proclame l’égalité des droits des hommes et des femmes dans tous les domaines, mais ce n’est qu’en 1965 que la femme pourra exercer une profession et ouvrir un compte en banque sans autorisation de son mari et seulement en 1970 que l’autorité parentale se substituera à la notion du père comme chef de famille. Je ne l’ai su que beaucoup plus tard, merci à la sociologie politique de m’avoir ouvert les yeux  !

C’est avec Jean Rostand à 22 ans que je découvre en 1970 la diversité sociologique du statut de la femme. Chez les Arapesh, il n’existe qu’un seul type sexuel de comportement social, qui correspond au stéréotype féminin des nations occidentales. Chez les Mundugumors, c’est le type masculin qui est privilégié par les deux sexes. Quant aux Tchambuli, nous retrouvons les deux types habituels chez nous, mais inversés. Je trouve à la même époque ce constat chez François de Closets : « Jamais un journal féminin n’abordera un sujet scientifique ou technique. En revanche, on abreuvera les lectrices de psychosociologie. Ainsi se crée un conditionnement culturel qui incite insidieusement les filles à se détourner des sciences exactes et à se tourner vers les humanités, le droit ou les sciences humaines. »

En janvier 1971 dans Partisans, un dossier Libération des femmes, année zéro : « La contradiction fondamentale du féminisme : l’ouvrière n’aspire qu’à quitter un travail épuisant, la bourgeoise revendique le droit de travailler qui la libère économiquement et lui permet de participer à la vie sociale… Pour Olympe de Gouges au moment de la révolution française : les femmes ont le droit de monter à l’échafaud, elles doivent avoir celui de parler à la tribune… L’équivalent de misogyne n’existe pas … A la lumière de ce que la société attend des femmes, ce qui est étonnant n’est pas que les femmes se retrouvent où la société veut les voir, ce qui est étonnant c’est que jusqu’au lycée les petites filles ne pigent pas qu’elles sont censées être stupides et que certaines femmes se refusent à le comprendre même après le lycée et l’université. » Freud en arrivait même à écrire : « Je pense que l’infériorité intellectuelle de tant de femmes, qui est une réalité indiscutable, doit être attribuée à l’inhibition de la pensée, inhibition requise par la répression sexuelle. »

J’écris le 15 janvier 1971 à ma copine préférée Marianne : « … Je n’aime pas les gens qui ne parlent que de féminité ou de virilité, il me semble que c’est juste une étiquette commode et méprisante. L’homme et la femme sont à égalité. Les qualités de courage devant la guerre ou devant un tas de vaisselle ne sont pas l’attribut exclusif de l’homme ou de la femme. Il n’y a qu’une différence entre nous, je ne peux porter un enfant ni l’allaiter. Pour le reste, le premier pas, être dessus ou dessous, torcher les gosses, c’est féminin ET masculin… »

C’est toujours la raison raisonnante qui importe dans mes échanges amoureux, pas le sentiment ou si peu. La capacité de réflexion est-elle une contre-indication à l’amour ? Ma relation avec Marianne n’a pas survécu très longtemps… (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Les SES face à la déconnexion des lycéens

Les attaques institutionnelles contre les Sciences économiques ET sociales ne sont pas selon moi les plus problématiques, il y a surtout les élèves qui se déconnectent de notre enseignement. Les jeunes sont de plus en plus en décalage avec le monde des adultes en général et de l’école en particulier. J’ai ressenti en fin de carrière la coupure croissante entre les générations de jeunes et le discours adulte. Dans ma dernière Terminale en 2006-2007, il n’y avait presque plus d’élèves qui suivaient mes cours juste avant le bac. Ils s’estimaient assez autonomes pour pouvoir s’en sortir en consultant Internet… merci le numérique ! Dans ma dernière Première de ma carrière en 2007-2008, j’ai saisi cette fiche de recette qui circulait dans ma classe et qui d’ailleurs était pompé sur Internet :

« d truc pr faire chier ls profs mdr »

– bataille de sarbacanes.

– basket : comme son nom l’indique, il s’agit de faire des paniers dans la corbeille du prof sans se faire remarquer.

– reniflez et éternuez sans arrêt.

– pour éviter que le prof donne des devoirs à la fin du cours, ne le laissez pas parler.
– posez des questions qui n’ont aucun rapport avec le cours.
– essayer de contredire le prof, trouvez tous les arguments pour faire perdre au moins 10 minutes de cours.

– chantez joyeux anniversaire au prof.

– quand le prof pose une question, levez la main, et dites je sais pas puis rasseyez-vous avec un air déçu.
– confirmez tout ce que dit le prof en disant sans cesse : oui, oui, bien sur… avec un air très intéressé.

– dès que le prof commence à parler, tout le monde applaudit

Autre exemple de rupture générationnelle, je demandais parfois à mes élèves de m’adresser par écrit deux ou trois questions, en toute liberté. Voici LA question qui est le plus souvent revenue au cours de ma carrière, même en cours d’année et de façon spontanée : « Pourquoi pensez-vous avoir toujours raison ? » Je passe rapidement sur le fait que ce genre de question est une dévalorisation totale non seulement de la parole de l’enseignant, mais aussi de celle d’un adulte ; cela présupposerait que l’adolescent sait déjà mieux que l’adulte ou le professeur ce qu’il doit penser. Je réponds aux élèves qu’une pensée validée doit être à la fois complexe, ouverte et engagée.

L’esprit des SES milite pour la connaissance la plus globale possible de la complexité, donc pour le raisonnement le plus fiable possible. Notre credo, c’est la multidisciplinarité. Par contre, plus tu es spécialisé dans un métier, plus tu es discipliné, enfermé dans un certain cadre explicatif du monde ; le patron de Renault raisonne comme son entreprise, le patron du FMI comme le veut la tradition de son poste, l’élève comme ses camarades. Je trace au tableau un graphique dont les abscisses mesurent le temps et l’ordonnée l’espace. Au point d’intersection en ordonnée, je suis à l’instant présent, avec derrière moi toute l’histoire depuis le Big Bang et devant nous le devenir des générations futures et le Big Crunch. Au point d’intersection, je suis devant les élèves, dans une salle de classe. Mais l’espace en abscisse n’est pas délimité par les murs du lycée, il y a aussi les frontières nationales, l’Union européenne, les pays riches, l’ensemble des territoires de la planète, la Biosphère de notre Terre, notre système solaire, etc. etc. Ma formation de professeur de sciences économiques et sociales me permet de maîtriser à peu près l’ensemble de l’espace et du temps : je suis à la fois géographe et historien, mais aussi économiste, sociologue, politologue, statisticien, biologiste et physicien, et j’en passe. Nulle formation dans l’université pour une telle polyvalence, le professorat de SES relève de la formation continue.

Ensuite je dis qu’il faut garder une ouverture d’esprit : ce que je crois est toujours une hypothèse valide uniquement si elle n’est pas remise en question. Même les sciences dites exactes reposent sur le même postulat. La connaissance humaine est en devenir, il faut accepter que de nouvelles découvertes remettent en question l’état actuel de notre croyance. Le fonctionnement de l’économie et de la société est déterminé par le débat démocratique, il y a évolution possible. Si un élève me démontre que j’ai tort dans une de mes argumentations, je reconnaîtrais sans hésiter mon erreur. Mais ma connaissance de la complexité valide pour le moment mon discours par rapport à celui des élèves. Enfin la société telle qu’elle est ne peut correspondre exactement ce que nous voulons. Il y a toujours décalage entre l’idéal et la réalité. Pour réduire ce décalage, il faut un engagement socio-politique. C’est ce que je pratique dans un parti politique, dans des associations, au service du progrès social. Si chacun d’entre nous possédait tous les éléments de la réflexion, alors nous pourrions arriver collectivement à un consensus acceptable sur la société que nous voulons. Les conditions pour y parvenir :

        • avoir le temps de la réflexion.

        • avoir des connaissances de base en matière de philosophie, de sciences économiques, de sociologie, d’histoire…

        • avoir la capacité de se remettre en cause, ce qui nécessite une prise de distance avec soi-même.

        • avoir une écoute de l’autre, être ouvert à une argumentation différente de la sienne.

        • avoir une maîtrise de ses affects, de ses sentiments personnels, de ses préjugés et a priori.

        • adopter la démarche scientifique, « l’hypothèse reste vraie, mais tant qu’on ne m’a pas démontré le contraire ».

        • chercher à approfondir ses connaissances par le choix de ses lectures, de sa fréquentation des médias.

        • ne pas être prisonnier de sa fonction sociale (son métier, ses responsabilités familiales ou politiques…), être libre.

J’ai quitté l’éducation nationale sans regrets alors que j’avais fait preuve d’enthousiasme tout au cours de ma carrière. Le contenu des SES, ce que cela pouvait apporter aux élèves, la forme interactive que je donnais à mes cours, c’était chouette. Aujourd’hui, je ne suis pas du tout rassuré par le monde tel qu’il va ! Mais comme je ne veux pas terminer ma vie professionnelle sur du négatif, ce qui serait tordre la vérité globale, voici ce qui a été chanté par mes élèves de terminale lors d’une soirée d’adieux où j’étais convié en juin 2001. Ce chant du départ résume assez bien les aléas de mon enseignement :

1) Nous on était rien,

Et voilà qu’aujourd’hui

On aura not’ bac, vous nous l’avez promis

On vous remercie…

2) Vous pourrez prédire tout ce qui vous plaira

Mais les capitalistes seront toujours là,

Tout est relatif, tout est relatif, tout est relatif

Refrain : Il a du faire toutes les manifs,

Pour être si vert aujourd’hui

Il a du faire toutes les manifs.. de la vie… et 68 aussi

3) Malgré beaucoup d’heures

On a pas tout compris

On vous a donné beaucoup de soucis

C’est bientôt fini

4) Il en faudra plus

Pour vous décourager

Que des étudiants totalement dissipés

cf. Xavier, cf. Xavier…

(sur l’air de « Je l’aime à mourir » de F. Cabrel)

…………………la suite, demain…………..

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Les sciences économiques et sociales en Terminale

En TERMINALE dans les années 1980, fini les débats, c’est le bachotage qui commence. L’épreuve finale repose principalement sur l’art de faire une dissertation (une question accompagnée de documents). Pour mieux cerner la chose, rien de mieux que donner un exemple de corrigé de sujet qui donne un aperçu du contenu des cours :

«  Quelles explications pouvez-vous donner à l’évolution du statut féminin ? »

Je montre que l’économisme est complètement lié au socio-politique et réciproquement.

Cadre général de l’introduction : avec la révolution industrielle, le désencastrement (Polanyi) de l’économie par rapport au social s’accompagne d’une dislocation des traditions, ce qui libère progressivement les esprits du poids des conformismes : le pouvoir qu’exerçait certaines catégories sur d’autres personnes devient de plus en plus contingent, que ce soit pour le mode électoral, les relations dans le travail, la vie des familles ou la considération du statut (ensemble des comportements d’autrui auquel un individu peut s’attendre) de la femme.

Espace-temps : même aujourd’hui, la femme des États islamiques ne peut attendre des hommes une considération de son égale valeur (mariages forcés, tchador en Afghanistan…), le sujet sera donc centré sur la femme occidentale. D’autre part l’égalité entre l’homme et la femme est une conception récente, même en France : le suffrage universel avait été acquis pour les hommes en 1848, pour les femmes seulement en 1944 (doc.4).

Termes du sujet : il faut s’interroger sur les causes de l’évolution du statut féminin, mais le terme évolution est ambigu : s’agit-il d’une progression ou d’une régression, d’une évolution lente ou rapide ? Comme toutes les perspectives sont ouvertes, il s’agira d’abord de montrer le pourquoi de la marche vers l’égalité pour montrer ensuite pourquoi ce cheminement peut être remis en question. La sociologie nous montre en effet l’importance du concept de relativité culturelle (doc.2), ce qui démontre que les relations inter-humaines ne découlent pas d’une prétendue nature féminine, mais de considérations sociales : il y a prépondérance de la culture sur la nature, rien n’est nécessaire et universel.

Annonce des parties

1) les causes d’une évolution relativement récente : un monde d’interactions (Max Weber)

11) causes sociologiques : une nouvelle socialisation primaire

– L’importance de la famille (cf. plan du document 5) :

Dès la prime enfance, l’entourage familial fait intérioriser des valeurs (discours qui permet de faire un classement des choses et des pensées) d’égalité des sexes, ce qui établit des normes (concrétisation des valeurs dans des règles de conduite susceptibles de sanctions) qui permettent l’émancipation féminine. [NB : chaque définition théorique devra être suivie d’une illustration concrète]

Au moment de l’adolescence, ces valeurs et ces normes confirment le statut d’égalité entre garçons et filles, d’où la perception d’un rôle (pour un individu, ensemble des comportements que les autres attendent de lui) et d’aspirations identiques. Un modèle d’identité androgyne (à la fois homme et femme) se diffuse (valeurs de virilité, doc.6)

A l’âge adulte, la négociation dans le couple (doc.3) montre qu’il n’y a plus en soi de tâches sexuellement spécifiées.

– L’importance de l’école :

Mixité scolaire, égalité des chances, potentiel de performance des filles (doc.1) => 56 % de filles à l’université

Influence du diplôme dans la répartition égalitaire des tâches ménagères (doc.3) : l’ouverture d’esprit découle aussi de la scolarisation croissante.

12) causes économiques : les Trente Glorieuses et le besoin de main d’œuvre

Passage d’une société de baby boom après guerre où la femme s’occupe des enfants à la maison à une société de croissance qui fait appel aux immigrés comme aux femmes.

L’entrée dans le monde du travail va accroître l’émancipation de la femme. L’état d’esprit change, l’épanouissement se trouve dorénavant dans le travail (principalement tertiaire) et non plus à la maison. La fonction professionnelle est en concurrence avec le rôle de mère.

13) causes politiques : l’importance des lois

La femme devient électrice et éligible, mais la France ne fait que suivre l’évolution dans les autres pays (doc.4) car elle n’a pas connu une forte action des suffragettes : les femmes ne sont pas toujours les premiers facteurs de leur propre libération (mouvement féministe).

La femme bénéficie de l’émancipation de son corps à partir de la libération des mœurs de 1968 : loi sur l’autorité parentale conjointe (1970), lois sur la contraception et l’IVG, loi sur le consentement mutuel dans le divorce.

2) les causes de résistance à cette incomplète révolution : le poids des structures sociales (Durkheim)

21) causes sociologiques : une socialisation encore traditionnelle

– L’importance de la famille

Dès la prime enfance, le regard que porte les parents sur leurs propres enfants est différencié : on n’attache pas la même importance aux pleurs d’un bébé selon son sexe, on ne lui accorde pas le même type de discours, les jeux des garçons et des filles restent souvent typés selon le sexe.

L’adolescence : le trouble identitaire est minoritaire, chaque sexe affirme ses différences, les lectures et activités restent assez spécifiques.

A l’âge adulte, même le sentiment amoureux ne relève pas des mêmes présupposés selon qu’on soit homme ou femme.

– L’importance de l’école

Un choix d’orientation qui reste traditionnel : aux filles les lettres, aux garçons les sciences et techniques (doc.1)

Un choix de dominées (doc.5) : violence symbolique (cf. Bourdieu) et même stigmatisation par les enseignants !

22) causes économiques : un chômage structurel

Le blocage de la croissance et le chômage de masse peut produire une évolution régressive qui exclut à nouveau les femmes du marché du travail. Il suffit de constater l’importance du temps partiel et du taux de chômage dont les femmes sont victimes. Le capital culturel et social (relationnel) de la femme n’a pas encore atteint celui des hommes.

La femme acquiert un nouveau statut d’objet (doc.2) dans une société de consommation, elle se croit obligée de faire attention à son poids (problème d’anorexie à l’inverse des femmes peintes par Renoir) et se retrouve mannequin en vitrine, soumise aux diktats de la mode.

23) causes politiques : loi sur la parité

On fête les 60 ans (doc.4) du suffrage vraiment universel, mais le fait que la France se soit sentie obligée d’inclure la parité dans la Constitution française en 1999montre la fragilité de cette évolution : le monde politique reste encore un lieu de pouvoir dont les hommes se sentent les propriétaires et souvent les femmes s’en désintéressent : hommes et femmes sont responsables du type d’évolution du statut selon le sexe.

Seule la région Poitou-Charentes possède une femme présidente de région.

conclusion

synthèse : « On ne naît pas femme, on le devient » (Simone de Beauvoir), c’est à dire que le statut de la femme n’est pas inscrit dans les chromosomes, mais conditionnée par une socialisation d’un certain type, hiérarchique ou égalitaire. Tout est construction sociale, il n’y a pas de « don » (doc.5) et d’instinct prédéterminé , rien n’est jamais acquis définitivement, une évolution positive peut être remise en question.

ouverture du sujet : L’Église catholique et ses papes rejette encore l’idée de femmes prêtres alors que d’autres religions l’admettent. Le statut des personnes dépend d’un rapport de forces ; une ordination « sauvage » d’une femme prêtre a été célébrée à Lyon. Le combat à mener pour l’égalité entre hommes et femmes est encore plus âpre dans les sociétés des pays pauvres où la femme est encore souvent définie comme propriété du père, puis du mari.

Notez que l’essentiel de mes cours n’est pas dans la manière de rédiger une dissertation ou de passer un oral de bac. Il s’agit pour moi de mettre en question la notion de progrès et celle de progrès technique, il s’agit de montrer l’absurdité d’une volonté de croissance économique dans un monde fini, il s’agit de démonter l’oxymore « développement durable », etc. C’est pourquoi même mes collègues de SES estiment que « je fais trop de politique » ! Or il n’y a jamais neutralité de l’enseignement, il y a toujours un message revendiqué qui consiste le plus souvent au soutien des structures socio-économiques actuelles. Le métier d’enseignant a par définition un objectif politique : il justifie l’existant ou bien il en dévoile les failles. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

le programme de sciences économiques et sociales

Il m’arrive aussi de faire de l’économie en classe de seconde, c’est au programme. Mais ma ligne directrice est de montrer que nos us et coutumes économiques sont autant que nos sentiments conditionnés par le contexte social ! D’ailleurs autrefois on ne disait pas « sciences » économiques, mais économie politique. L’économie n’est pas une science, c’est un arrangement social sur la circulation des richesses, plein de compromis et de conflits. L’économie n’est qu’une sous-partie de la sociologie. Ainsi de nos besoins ressentis, qui conditionnent notre demande de biens et services, qui joue donc sur nos productions, et en fin de compte sur le chiffre d’affaires de nos entreprises et donc sur l’emploi. En fait il faut savoir que c’est l’évolution de l’industrie qui nous dicte le mode de satisfaction de nos besoins, y compris pour les dépenses nécessaires à notre fonctionnement physiologique comme l’alimentation. Il s’agit du mécanisme de la filière inversée, ce n’est pas la demande qui crée l’offre, c’est le contraire. On ne choisit pas librement un burger, on est conditionné à aller au Mc Do.

En théorie le libre arbitre du consommateur est la règle dans les économies développées à économie de marché, c’est le règne du consommateur-roi : le pouvoir d’achat est semblable à un droit de vote. Dès lors que des acheteurs sont prêts à payer, l’activité économique a un sens et la dépense est la meilleure preuve que le besoin existe. La demande pour un bien ou un service n’a donc pas à être justifiée moralement. Dès lors que certains des électeurs de la « démocratie » économique disposent de revenus plus élevés, les résidences secondaires luxueuses se multiplient alors que nombre de travailleurs ne sont pas convenablement logés. Les équipements relatifs à l’enseignement, à la culture, à la santé font défaut tandis que les gadgets prolifèrent. Dans le monde actuel, la perception des besoins réels se change en une offre de produits manufacturés pour laquelle « avoir soif », c’est par exemple boire du Coca-Cola. Les inégalités de revenus et le formatage par la publicité conditionnent l’expression de nos besoins. Supprimons la publicité pour connaître les vrais besoins !

Le marché ne peut coordonner une finalité collective quand il ne s’intéresse qu’à la demande solvable. D’autres valeurs sont possibles, définies par autre chose que le pouvoir publicitaire.  Notre société cultive l’idée que nos besoins sont illimités, en progression constante : il faut donc augmenter le pouvoir d’achat pour améliorer le niveau de vie. Nous pourrions aussi bien montrer que la raréfaction des ressources naturelles nous impose de modérer nos besoins, de pratiquer la simplicité volontaire, de supprimer un certain nombre de productions. Je pense que l’amélioration de notre genre de vie passe nécessairement par la suppression à la fois des inégalités de revenus et de la publicité. Je n’hésite pas à dire à mes élèves, après en avoir débattu avec eux, qu’une heure de professeur devrait être payée de la même façon qu’une heure de balayeur ou de PDG. Je n’hésite pas à dire à mes élèves qu’à l’heure où l’eau potable commence à manquer, autant dire que Coca Cola est une entreprise sans avenir. La publicité pour les sodas est une obscénité. Je dis aux élèves que nous n’avons pas besoin d’une voiture, d’un téléphone portable et d’une résidence secondaire pour être heureux, nous avons plutôt besoin de pain et d’amitié… Les citoyens ont surtout besoin de considération, de dignité… La notion de besoin social déborde largement la notion de demande économique et il est légitime d’espérer une organisation économique qui permette le développement complet de tous les êtres humains. Je ne dis pas aux élèves qu’il faut faire la révolution, je mets simplement en évidence les errements d’un système économique libéral qui est devenu la norme et qui court à sa perte. Je montre que notre conception des besoins devrait suivre un principe de généralisation : généralisation dans l’espace, je ne peux satisfaire un besoin que dans la mesure où n’importe qui n’importe où sur notre planète peut accéder à un niveau de vie équivalent ; généralisation dans le temps, le présent a des besoins auxquels on peut répondre seulement si cela n’empêche pas les générations futures de satisfaire les leurs.

J’essaye de convaincre mes collègues de l’APSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales) : « Le portable est un instrument très sophistiqué qui comporte des éléments rares en ressources naturelles et difficiles à recycler parce que composites. Suite à une analyse du cycle de vie du produit (ACV), le portable aurait du rester un instrument à usage professionnel, certainement pas un joujou à mettre entre toutes les mains. Mais notre société (et les parents avec) ne sait plus interdire ce qui devrait être interdit. Maintenant le portable en classe de seconde est un bon objet de débat sur la limitation des besoins. Il suffit de commencer par un sondage : Qui possède un portable, et qui en est à son premier, son second, son troisième, etc. portable… » J’ai fait l’exercice dans mes classes de secondes, tout le monde ou presque avait déjà son portable. Pire, la plupart en était déjà au deuxième, troisième, quatrième modèle… Les élèves croient qu’il faut changer de téléphone comme on change de chemise ! Mes arguments contre le portable ne peuvent convaincre les élèves. L’économique est sous l’emprise des marchands qui formatent nos désirs.

Bon, je ne vais pas vous refaire tous mes cours de seconde, ce serait déjà tout un livre en soi… Passons à la classe de PREMIÈRE économique ET sociale. Ma fiche-élève de début d’année est significative de la manière dont j’envisage mon enseignement. « Quelles sont vos qualités et vos défauts  … Quelles questions vous posez-vous ? … Passe-temps ou activité personnelle (avec temps hebdomadaire que vous y consacrez) … Lecture régulière (abonnement ou autre) … Caractérisez par un seul mot votre vie de famille… Caractérisez par un seul mot la société actuelle … Citez 6 syndicats en les classant de la droite à la gauche … Citez 6 partis politiques en les classant de la droite à la gauche … Définissez coefficient budgétaire, homogamie, prix constant, valeur ajoutée… Quelle question aimeriez-vous poser à votre enseignant de SES (- au niveau économique – au niveau social – au niveau politique) … Donnez un exemple d’organisation socio-économique qui vous paraît contestable … Analysez un évènement important de l’actualité récente (texte libre avec la structure suivante : constat/cause/conséquence/solution). » Nous passons assez longtemps à exploiter les résultats de cette fiche !

Le programme de première approfondit le programme de sociologie de seconde en précisant les notions employées. Le débat nature/culture est par exemple complété par l’étude des interrelations entre normes et valeurs, rôle et statuts… Mais c’est aussi un moyen de critiquer notre fonctionnement actuel. L’exode rural a été un processus de déculturation/acculturation qui ébranle en profondeur l’organisation interne des campagnes. En apparence, l’école obligatoire pour tous au XIXe siècle est une libération, c’est offrir aux citoyens des chances égale de promotion. L’école donne le moyen aux enfants d’agriculteur d’élever leur niveau de connaissances et de quitter la terre. En réalité, le paysan se retrouve esclave de la révolution industrielle. La France en 1833 impose à toutes les communes de posséder une école primaire, la nation française se forgera à travers l’extension de la langue française. On condamne ainsi à mort les langues locales, de l’Occitanie à la Bretagne. En même temps s’opérait une coupure dans le milieu familial, les parents, qui souvent ne comprenaient pas un mot de français, reprochaient amèrement à l’enfant puni en classe pour utilisation de sa langue maternelle qu’il « ne serait bon qu’à garder les vaches ». Les parents soutenaient ainsi par leur attitude le déracinement de leurs enfants et leur emploi à la ville. Or aujourd’hui la société thermo-industrielle est en train d’échouer, le chômage est structurel, l’approvisionnement alimentaire par nos campagnes incertain. Il est préférable que l’école soit dotée de jardins potagers plutôt que d’une bibliothèque aux écrits inutiles et souvent inaccessibles. Je montre que l’éducation scolaire n’implique pas forcément la poursuite des études. Le programme de première est aussi une étude de la reproduction sociale par l’école, thématique qui sera approfondie en Terminale.

J’applique la pédagogie active grâce à un exercice d’analyse approfondie de l’actualité. J’abonne mes élèves de première au journal LE MONDE pendant six mois. Un groupe de deux-trois élèves le lisent pendant une semaine, découpent des résumés d’article et en font une page recto distribuée aux élèves, étudiée à la maison et commenté en classe. Le cours sur cette fiche est le plus possible interactif et basé sur le travail des élèves. Mais je mesure bien la difficulté des élèves de hiérarchiser les informations. Ce qui les intéresse au début, ce sont plutôt les faits divers que l’évènement socio-politique majeur.

Les perspectives ouvertes par le programme de 1ère SES sont aussi directement politiques. Ainsi l’option de sociologie politique. Nous apprenons à définir l’opposition entre démocratie formelle et démocratie réelle, démarche inductive, parité politique, discrimination positive, supranationalité, citoyenneté universelle, communautarisme, le test de Milgram … Nous consacrons une autre heure à débattre de l’actualité politique de la semaine écoulée : je liste les centres d’intérêt des élèves au tableau, puis nous votons pour le thème qui va être abordé en premier. Je fais systématiquement un tour de table pour faciliter la prise de parole de chacun. La conclusion sera collective, je marque une synthèse au tableau… Bien entendu le cours s’appuie sur le livre qui, comme tous nos manuels en seconde, première ou terminale, consiste uniquement en un recueil de documents divers. Seule une petite minorité des élèves de SES suit ce cours de sociologie politique. Comment s’étonner que notre démocratie aille mal ! Peu d’élèves savent distinguer la droite de la gauche, les partis sont ignorés, le nom des syndicats encore plus. Tous les élèves sans exception devraient suivre des cours de sciences économiques et sociales pour mieux apprécier l’évolution géopolitique et savoir agir. Il faut une éducation holistique, systémique. J’ai la forte impression que les élèves perdent leur temps à subir des disciplines séparées. Cela formate un état d’esprit compartimenté, l’histoire dans un tiroir, l’économie dans un autre, le français sur une étagère, etc. L’enseignement est mal fait, d’autant plus que passer des années et des années assis sur une chaise ne peut véritablement préparer les jeunes à la vie active.

Garder une pensée ouverte, c’est ce que nous enseignent les SES. Les sciences économiques et sociales, c’est à la fois de l’histoire, de la géographie, de la philosophie, la compréhension d’un texte, la lecture des journaux, le calcul statistique et l’approche des tableaux chiffrés. Il faut même savoir différencier analyse d’un dessin socio-politique au premier et au second degré… L’ethnologie apprend aux élèves à mettre de la distance par rapport à leurs propres préjugés, à ne pas mettre de hiérarchie entre les cultures, à savoir mesurer la force des valeurs et la relativité des normes.

Les élèves évoluent avec cet enseignement, plus ou moins. C’est difficile d’abandonner son égocentrisme, son ethnocentrisme, son anthropocentrisme. Percevoir que l’espèce homo sapiens est une espèce animale parmi d’autres espèces animales dont la seule supériorité est de produire des armes de destruction massive paraît impossible pour beaucoup de jeunes. Intégrer que notre espèce n’est qu’une maille dans le tissu du vivant ne relève pas malheureusement du programme actuel : les SES oublient l’écologie qui n’est abordée qu’à la marge, en terminale, avec l’oxymore « développement durable ». (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Les sciences économiques et sociales, indispensables

Je suis affecté « à titre définitif » au lycée Marguerite de Valois d’Angoulême le 12 septembre 1975. Fini ma période d’éducateur en perpétuels transferts, commence ma vie d’enseignant titulaire. Je débarque dans une section toute nouvelle du bac, ce qu’on va appeler la troisième culture, qui s’ajoute aux cultures scientifique et littéraire. L’enseignement des sciences économiques et sociales trouve ses fondements dans la mise en place de la réforme Fouchet à compter de la rentrée 1965 en seconde littéraire. Une nouvelle option de sciences économiques de 4 heures, « dont la vocation est de compléter les études classiques par une analyse des réalités économiques du monde contemporain à une époque où la croissance des Trente Glorieuses   interpelle les partenaires sociaux » est mise en place. Le bac B de juin 1968 n’a donné lieu qu’à une épreuve orale étant donné les évènements de mai qui ont pas mal perturbé la fin d’année scolaire. Mais dès l’année suivante, l’épreuve normale avec documents pouvait commencer. Les épreuves du  premier Capes de Sciences Économiques et Sociales sont passées en décembre 1969. En 1971-72, mon collègue Jacky Ginestet était le seul professeur dans tout le département de Charente pour les trois terminales B. Je deviens titulaire à la rentrée 1975 au lycée Marguerite de Valois à Angoulême. Je peux enfin essayer de faire évoluer les élèves.

Pour nous, professeur de sciences économiques ET sociales, le relativisme culturel est une donnée de base. Mes cours de SECONDE en témoignent. Si j’avais à résumer par une seule expression la conclusion de la sociologie, ce serait : « Tout est culturel. » Démonstration. Quelques semaines après la rentrée, quand les élèves me connaissent et que je commence à les connaître, je lance sans prévenir en début d’heure un sondage dans la classe : « Le sentiment amoureux (dans un couple) est-il naturel ou culturel ». Les mains se lèvent, le verdict est unanime ou presque, ce sentiment est naturel. Parfois un élève demande ce qui signifie « culturel », je réponds que c’est un comportement apporté par la société. Jamais personne ne m’a demandé ce qui signifiait « naturel ». Je fais un tour de table parmi les élèves, leur demandant de justifier leur vote : « Tomber amoureux, ça vient comme ça, pas besoin de réfléchir, ça arrive à tout le monde… » Le naturel pour eux correspond à la spontanéité. Je leur précise par la suite que « naturel » veut dire en réalité qu’un comportement est dicté par la génétique ; il s’agit d’un instinct, pré-programmé par notre biologie. Le naturel relève de l’inné, le culturel dépend de normes sociales. Or il est très difficile de mettre à distance sa propre culture quand on ne possède aucune autre référence. C’est pourquoi les élèves confondent « naturel et « normal ». Je laisse le débat libre entre les élèves pendant toute une heure, donnant juste de temps en temps quelques indications.

Il faut beaucoup de temps de la maturation des idées et bien plus tard je commence une deuxième heure de débat, cette fois centré sur la démonstration. La question du débat naturel/culturel peut être posée en d’autres termes : inné ou acquis ? Je montre aux élèves que nos pensées et nos sentiments doivent bien surgir de quelque part. C’est notre cerveau qui nous permet de voir, sentir, ressentir. Je montre que nous avons une manière de déterminer si le contenu cérébral est conditionné par la société ou par nos gènes.

Nature, inné

Culture, acquis

définition

Génétique, instinct

Social

démonstration

Universalité

Relativité

nécessité

apprentissage

L’inné est universel, il n’y a pas moyen d’y échapper, c’est un automatisme qui est suivi par tous les membres d’une espèce animale particulière. Par contre l’acquis est relatif, il dépend de la socialisation effectuée dans un groupe ethnique particulier. Les élèves découvrent grâce aux documents de leur livre l’ethnologie, la diversité des coutumes dans le temps et dans l’espace. Je peux ainsi facilement démontrer la variabilité des comportements quand il s’agit du rapprochement des sexes et de la formation du couple. En Inde, en Afrique et dans les terres d’islam, on livre de jeunes adolescentes à un « promis » qu’elles ne connaissent souvent même pas. La tradition du mariage où la femme se voit assigné d’office un conjoint par la pression sociale est d’ailleurs acceptée par les femmes qui ne voient pas comment il pourrait en être autrement. Parler de mariage forcé dans ces sociétés, c’est donc avoir un regard ethno-centré puisque les hommes comme les femmes acceptent de plein gré leurs contraintes culturelles. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que le mariage par convention existait autrefois dans les pays européens et que cela se perpétue dans certaines couches sociales. Une jeune musulmane, même installée dans le monde occidental, sait depuis le plus jeune âge que le mariage dépend directement du choix parental et non de ses propres intentions ; on se marie à l’intérieur de son ethnie. Mais elle a acquis une certaine liberté choix, elle peut comparer deux cultures. Elle peut donc évoluer, être plus libre.

De plus, deuxième démonstration, le sentiment amoureux ne découle pas d’une nécessité mais d’un apprentissage. Dans les sociétés développées actuelles, la liberté de choix est valorisée, donc le sentiment amoureux. Les élèves croient que leur désir résulte du libre exercice de leur volonté alors que les schèmes de leur cerveau sont orientés par leur environnement social. Le sentiment amoureux n’est qu’une construction sociale inculquée dès le plus jeune âge. Par exemple vers trois-quatre ans les enfants vivent le complexe d’Oedipe : ils s’identifient à leur propre sexe, puis essayent d’imiter la relation amoureuse qui lie le père et la mère. Ainsi le petit garçon tombe amoureux de sa mère et considère le père comme un rival à éliminer. Mais il se rend compte rapidement qu’il lui faut trouver un partenaire de son âge, et c’est alors les amours multiples de l’école maternelle. Plus tard l’adolescent lira des romans où l’amour domine, verra des films sur les péripéties conjugales, sera orienté dans ses choix amoureux par les remarques des parents ou des copains. La socialisation conditionne le comportement amoureux, aucun instinct ne guide notre relation à l’autre sexe.

Preuve supplémentaire, la tendance homogamique est toujours présente même dans les sociétés modernes où règne le sentiment amoureux : qui se ressemble, s’assemble. Toutes les enquêtes montrent en effet une nette tendance à choisir son conjoint dans la même catégorie sociale. La répartition des goûts correspond aux différences de position sociale, un ouvrier se marie plutôt avec une ouvrière, un cadre a de fortes chances de se marier avec une fille de cadres supérieurs, un agriculteur arrimé à la terre a de fortes chances de rester célibataire. Les caractéristiques physiques, les façons d’être, le comportement de ceux que nous rencontrons favorisent l’attraction sentimentale ou le rejet. Même les lieux de rencontre ne sont pas socialement neutres, les préférences d’un individu correspondent à celles que l’histoire de son groupe social a déposées en lui : les classes populaires se rencontrent principalement dans des lieux ouverts comme le bal ou les fêtes publiques alors que les classes moyennes préfèrent les lieux réservés comme les lieux de travail et les associations tandis que les membres des classes supérieures font connaissance dans des lieux privés encore très fermés, cercles limités au réseau de leurs relations de classes. Les élites préservent leur reproduction sociale et les autres accumulent les difficultés. Il n’y a jamais de vrai hasard dans les rencontres qui aboutissent, seulement une conjonction d’intérêt. La stabilité matrimoniale des sociétés occidentales est ainsi sauvegardée tout en adoptant le masque du sentiment amoureux ; le libre choix individuel n’est qu’illusion même si la société contemporaine est devenue plus ouverte, plus incertaine dans les statuts et les lieux de rencontre.

Je m’appuie bien entendu pour justifier mes dires sur les documents contenus dans le manuel des élèves. Nature/culture, ethnologie, homogamie et reproduction sociale… tous ces termes sont au programme. Pourtant la démonstration qui est faite du conditionnement de nos sentiments est un véritable choc pour les élèves ; l’approche sociologique est même assez difficile à admettre pour certains. C’est pourquoi bien plus tard je lance un « nouveau » débat : l’amour maternel, naturel ou culturel ? La procréation étant naturelle, les élèves imaginent qu’au phénomène biologique de la grossesse doit correspondre une attitude maternelle prédéterminée, instinctive : « Mais monsieur, c’est obligé, une maman, elle aime son enfant ! » Pourtant une mère qui porte un enfant en son sein peut nourrir à son égard la haine la plus farouche, un enfant adopté peut être chéri par son père adoptif, il n’y a pas d’instinct. Comme pour le sentiment amoureux, l’amour de l’enfant s’apprend, que ce soit pour le père ou la mère ; il résulte de notre socialisation. Chez l’animal, il n’en est pas de même, le comportement est guidé par des odeurs. Sitôt l’agneau venu au monde, sa mère le lèche longuement et le débarrasse du liquide amniotique qui recouvre son pelage. Dans le même temps survient une modification de l’activité des neurones de son bulbe olfactif qui intensifie la mémorisation par son cerveau de l’odeur du petit. Moins de deux heures plus tard, quand il manifestera le désir de téter, la mère le laissera faire. Mais seul celui qu’elle aura léché – et donc flairé à la naissance – aura droit à ce privilège. N’importe quel nouveau-né ferait l’affaire, pour peu qu’il soit le premier et que la mère puisse s’imprégner de l’odeur de son liquide amniotique ; on pourrait ainsi trouver une mère adoptive pour n’importe quel agneau. Même si ce conditionnement génétique autorise les mères de substitution, la relation mère-agneau est inscrite dans le programme biologique de cette espèce animale. Tout comportement universel chez une espèce animale tend à prouver une détermination génétique. L’espèce humaine appartient au règne animal, mais la sophistication de notre cerveau a éliminé toute influence de l’instinct.

La femme s’éloigne de la femelle, il n’y a pas de gène et d’odeur qui guide son comportement, seulement la conscience d’avoir fait un enfant dont on veut (ou ne veut pas) s’occuper. L’amour maternel ne va pas de soi, il est « en plus », c’est ce que démontre un livre d’Elizabeth Badinter :

« Un lieutenant de police constatait en 1780 que sur les 21 000 enfants qui naissaient annuellement à Paris, mille à peine sont nourris par leur mère, mille autres, des privilégiés, sont allaités par des nourrices à demeure ; tous les autres quittent le sein maternel pour le domicile plus ou moins lointain d’une nourrice mercenaire. Nombreux sont les enfants qui mourront sans avoir jamais connu le regard de leur mère et ceux qui reviendront quelques années plus tard sous le toit familial découvriront une étrangère dans celle qui leur a donné le jour. Cet exemple parmi d’autres contredit l’idée répandue d’un instinct propre également à la femelle et à la femme. Toutes les études faites montrent en effet qu’aucune conduite universelle et nécessaire de la mère ne peut être mis en évidence. Au contraire, on constate l’extrême variabilité de ces sentiments maternels selon sa culture, ses ambitions, ses frustrations. »

Bien entendu, je dis aux élèves que le fait que l’amour maternel ait une origine culturelle ne signifie pas que son existence soit inutile. Au contraire, l’amour reçu dans sa prime enfance conditionne l’amour qu’on pourra ensuite porter sur ses propres enfants. Rien n’est nécessaire et universel, tout est donc possible. Il n’y a pas « naturellement » de statut d’autorité assigné seulement au père et de rôle affectif joué uniquement par la mère. Autorité et affection découlent d’une socialisation basée sur les normes sociales, les valeurs, le statut assigné à une personne, le rôle qu’elle se croit obligé de remplir. Ce contexte global est bien sûr modulé par les pratiques particulières des familles pour chaque individu.

Je fais plus tard un dernier débat pour voir si le cours de sociologie est bien passé. Je raconte en début d’heure une histoire (vraie) qui se passe en Afghanistan. Une jeune fille, anglaise par sa mère et afghane par son père, a vécu en Grande Bretagne avec sa mère. Mais son père l’invite pour ses quinze ans dans son pays d’origine : arrivée à Kaboul, cheminement dans la montagne, le père dit à sa fille qu’une grande fête est préparée en son honneur. Mais arrivée au village, la jeune fille s’aperçoit que c’est de son mariage dont il s’agit : son père l’avait promise. Les festivités se passent, la nuit vient, la jeune fille montre bien par son attitude à son époux qu’il n’est pas question de se donner à lui lors de la nuit de noces. Le promis décide alors de demander aux femmes du village de venir le seconder pour arriver à ses fins. Je pose alors cette question aux élèves : « Vous êtes une femme de ce village, est-ce que vous allez accepter la demande du jeune homme ? » Bien sûr que les femmes acceptent, elle ne comprennent même pas pourquoi la jeune fille refuse la tutelle des hommes. Malheureusement, la réponse d’une petite partie des élèves montre que le cours antérieur sur la diversité et la force des socialisations n’a pas encore été digéré par tous.

Il me semble très important pour la formation du caractère de maîtriser la relativité culturelle. Cela permet de prendre de la distance avec ses propres a priori, ses préjugés. Cela ne veut pas dire relativisme, il y a des valeurs fondamentales comme l’égalité entre l’homme et la femme ou le respect de la biodiversité. Mais cela permet de mieux comprendre l’autre, de savoir se mettre à sa place, de pouvoir habiter un esprit de femme alors que nous sommes mâle de naissance, de savoir aussi que l’espèce humaine n’est qu’une partie de la trame de la vie.

J’ai fait plusieurs fois l’expérience de demander à un(e) collègue du lycée s’il ou elle pensait que le sentiment amoureux était naturel ou culturel. Autant mes collèges de SES savaient que tout est culturel, autant les professeurs des autres matières raisonnaient comme les élèves. Il n’y a ni dieux, ni instinct. Tout s’apprend, et la sociologie devrait être une approche analytique maîtrisée par tous. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

Quelques idées générales : Selon le cardinal de Richelieu, apprendre à lire, écrire et compter « remplit le pays de chicaneurs propres à ruiner les familles et troubler l’ordre public, plutôt qu’à procurer aucun bien ». Les jeunes ont pourtant appris à lire, écrire ou compter, mais ce fut pour se mettre au service de la révolution industrielle. Avant la révolution des mœurs de mai 1968, les entreprises n’avaient pas besoin de jeunes entraînés à comprendre, donc à contester. Il suffisait d’avoir de bons scribes et de bons comptables… Les sciences économiques et sociales, matière scolaire qui permet la compréhension du fonctionnement de notre société, devient un nouvel enseignement presque au bon moment de ma carrière professionnelle. Je choisis les SES, matière à débat, alors que j’ai failli devenir prof de comptabilité !

Rien ne se fait au hasard, tout découle d’un contexte social. J’ai eu la vocation d’enseignant très tôt car il me fallait rompre avec la tradition familiale. Notre berceau familial se situait dans un petit village des Landes, Beylongue. Le métier de tailleur (de tissus) était le point d’ancrage de ma famille depuis des générations. Mon grand-père était artisan-tailleur, mon oncle était aussi tailleur, mon frère fera carrière dans l’industrie textile. Mais mon père, tailleur comme de bien entendu, m’avait sensibilisé au fait que cette profession était vouée à disparaître étant donné la concurrence trop forte du prêt à porter industriel. Il me fallait effectuer une reconversion. Ma tante était directrice d’école. C’est sans doute à cause de ce modèle alternatif qu’inconsciemment, je pense, j’ai voulu très tôt éduquer.

Au moment du bac en juin 1967, j’avais déposé un dossier pour passer le concours et devenir instituteur. Mais j’ai obtenu une mention « Bien » au bac philosophie et ma mère m’a recommandé de poursuivre mes études… D’où mon détour par la faculté de sciences économiques où j’avais approfondi mon sens de la contestation sociale. Dorénavant j’avais des idées bien arrêtées de ma vocation : éducateur, oui, mais pas n’importe quel éducateur, pas n’importe quel contenu. A la fac, j’écrivais fin janvier 1971 : « J’en ai marre de me confronter à des « adultes » tellement engoncées dans leurs certitudes. Alors je vais me tourner avec un plaisir extrême vers les gosses qui ont tant de choses à dire. Je les laisserai s’exprimer pour en faire des réfractaires à notre mode de consommation. En fait je suis bien conscient d’être voué à devenir un petit prof miteux pas tout à fait comme les autres… dans la mesure où on peut faire quelque chose dans un système d’éducation bloqué. »

Avant de devenir ce prof « miteux », il m’a fallu faire différents boulots d’éducateur puisque je devais effectuer deux années dans le cadre de mon objection de conscience. J’ai précédemment développé pour partie cette période de mon existence. Mes activités antérieures n’ayant pas été reconnues par l’Etat, et comme j’étais vraiment obligé de travailler pour vivre, j’embauche au domaine Saint Denis à Ambarès le 1er décembre 1973. Je me retrouve dans un Centre de rééducation médico-psycho-pédagogiques. J’avais déjà l’habitude des enfants difficiles, mais je n’avais pas encore été confronté aux méthodes autoritaires de l’encadrement. Un jour le repas, que je supervisais seul pour la première fois, avait été assez houleux, y compris avec des échanges aériens de nourriture. J’ai demandé à un jeune qui m’avait à la bonne : « Mais pourquoi celui à qui je dois succéder, quand il est dans la salle, il suffit qu’il fasse tinter un verre avec son couteau pour qu’immédiatement le silence le plus absolu s’instaure… jusqu’à ce que le verre tinte à nouveau. » L’adolescent m’a confié que s’il y avait un problème de discipline, l’éducateur prenait le perturbateur dans un coin sombre et va pour la castagne. L’indiscipline était devenue rare ! Tout au contraire, j’étais entraîné au relationnel : non-directivité, compassion, écoute de l’enfant, non-violence. Mais on ne peut passer d’un claquement des doigts d’un système absolument autoritaire à un groupe autogéré. La confiance mutuelle ne peut s’instaurer que progressivement.

Une fois seul au commande dans le pavillon, j’ai pu instituer une réunion collective journalière. Assis en rond, éducateur et adolescents sur le même pied d’égalité, nous discutions ensemble de la journée et de nos projets. Même cela ne plaisait pas à la direction du centre. Le sous-directeur est venu assister à nos réunions, c’était perturbateur, il en dénaturait le sens. Avec des hauts et des bas, le climat s’améliorait cependant et plusieurs jeunes avaient compris l’intérêt de mon système. Un jour, ils sont venus me dire : « Bon, on marche avec toi, mais nous avons encore un problème interne à régler avec l’un d’entre nous ». Cet adolescent qui foutait la merde dans le groupe s’est senti brimé par les représailles ; il a porté plainte. Un bon matin juste au moment d’embaucher, le directeur m’a fait venir dans son bureau. J’étais viré immédiatement, déjà quelqu’un me remplaçait auprès des jeunes. Il a voulu me faire signer un papier comme quoi je démissionnais, j’ai rétorqué que je n’avais rien à me reprocher et qu’il n’en était pas question. Le 20 février 1974, je suis donc parti sur ce jugement péremptoire : « Considérant que vous n’êtes plus en mesure d’assurer la sécurité des enfants… » L’autoritarisme aux méthodes brutales croit qu’il a raison contre le relationnel et la compassion. Pourtant il est impossible d’établir une société durable par la contrainte physique. La dictature dans les temps modernes n’a qu’un temps.

De toute façon, j’avais avec ce licenciement une chance extraordinaire. J’ai pu bénéficier d’un mois de préavis avec traitement pour ne rien faire d’autre que me préparer à devenir prof. J’ai bossé à plein temps le CAPES de sciences économiques et sociales. Je travaillais nuit et jour pour une matière nouvelle, centrée sur l’actualité de notre monde. En juillet 1974, je passe avec succès l’épreuve théorique du CAPES de SES. Comme d’habitude, je n’ai pas profité de mes dernières grandes vacances pour un farniente. J’ai assuré tout le mois d’août la direction d’une colonie de vacances à Saint Étienne de Cantalès. Commence ensuite mon année de CPR (centre pédagogique régional), une année d’observation avec des conseillers professeurs en poste.

Mon premier stage se passe à Arcachon avec Henri Marchou. Il utilise ses stagiaires pour faire les cours à sa place. Quand on assiste à ses cours, c’est pour voir un improvisateur né qui préfère parler de son engagement dans la politique locale plutôt que de socio-économie. Le 18 février 1975, il établit son rapport : « Sortant de l’université, Mr Sourrouille n’a jamais enseigné mais semble fortement motivé. Dès son premier contact avec une classe, l’impression qu’il fait sur les élèves est indéniable. Il les comprend et sait faire passer le « courant ». » Marchou ne sait pas que j’ai depuis ma sortie de fac pratiqué les CEMEA avec le statut instructeur, le monitorat en colonies de vacances, la pédagogie institutionnelle à Moumour, la tâche d’infirmier psychiatrique à la Borde, le rôle d’éducateur spécialisé à Ambarès ! Je crois d’ailleurs que si les apprentis-professeurs tâtaient pédagogiquement de la vie extrascolaire avant de continuer à s’asseoir sur une chaise, l’éducation nationale prendrait une tournure tout à fait différente… Le rapport continue : « Mr Sourrouille a le don d’enseigner. » Marchou ne sait pas encore que notre comportement ne découle pas d’un « don », mais d’un entraînement constant. Marchou décrit le résultat de mes deux dernières années écoulées : « Partisan d’une pédagogie très active, utilisant judicieusement le jeu pour motiver les élèves, Mr Sourrouille réussit très vite à intéresser puis passionner les élèves, tous les élèves, même les plus rétifs. »

Au lycée bordelais du cours de l’Yser, Brigitte Lescarret est mon deuxième conseiller pédagogique. Son rapport d’avril 1975 : « Par des méthodes pédagogiques originales (travail de groupe, clubs de lecture, jeux de rôles…), Mr Sourrouille tente d’amener les élèves qui étaient d’ordinaire assez passifs à une plus grande motivation et à une participation active… Il a également eu le souci d’établir une coordination avec mes collègues enseignant l’Histoire-Géographie et la Philosophie, prenant contact avec eux, assistant à certains de leurs cours… » J’obtiens ma validation pratique sur un « cours » en terminale. En fait j’avais fait préparer par les élèves une conférence internationale sur le développement, chaque groupe d’élèves représentant une partie du monde. La matière que j’enseignais était à la fois transdisciplinaire et basée sur les méthodes actives. L’inspection générale à l’époque nous conseillait même de mettre les tables en U dans les salles. Cette disposition non magistrale permettait de faciliter l’échange entre professeur et élèves. Cela me correspondait tout à fait ; les SES (sciences économiques et sociales), le rêve, l’accomplissement de mon utopie enseignante. Les SES, une toute nouvelle discipline dans l’éducation nationale dont il semble qu’elle avait été créée juste pour moi ! (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

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01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

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04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

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21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Objecteur de conscience… puis insoumis

Quelques idées générales : « Si je suis libre en obéissant à la loi lorsque celle-ci garantit une juste égalité des chances pour tous, je ne peux rester libre qu’en lui désobéissant lorsque ce n’est pas manifestement le cas… L’homme n’accomplit son humanité qu’en devenant auto-nome, c’est-à-dire en n’obéissant qu’aux lois auxquelles sa conscience et sa raison donnent leur assentiment…  En définitive, la principale vertu du bon citoyen n’est ni l’obéissance ni la désobéissance, elle est la responsabilité éthique qui doit le conduire à choisir politiquement ce qui a le plus de chances de réduire la violence parmi les hommes, le plus de chances de favoriser la justice et la liberté. » In « L’impératif de désobéissance » de Jean-Marie Muller (éditions le passager clandestin, 2011)

L’objection de conscience naît en France pratiquement au moment de ma naissance. C’est le synode réformé de 1949 qui demanda un statut légal des objecteurs, ce n’est pas la papauté catholique. C’est Charles de Gaulle qui signe le 15 septembre 1958 une ordonnance limitant à cinq ans l’incarcération des objecteurs et libère ainsi 14 d’entre eux dont Edmond Schanegé, dans sa dixième année de prison ! Le statut des objecteurs est voté le 23 juin 1963 par 204 voix contre 32 sur 433 votants. Il y a 197 abstentions volontaires. Le Sénat rejette cette loi par deux fois. En décembre 1965, après l’échec du camp de Brignolles imposé par l’État dans le Var grâce à la résistance des OC, le Premier ministre confirme le détachement des objecteurs dans des organismes privés assurant des travaux d’intérêt général. Nous étions donc libres à l’époque du choix de l’affectation dans un grand nombre d’associations habilitées. Mais je vais participer à la première incorporation qui subit une reprise en main des autorités pour nous mater. Je vais cumuler les statuts, à la fois objecteur de conscience, insoumis au service civil… puis pour finir militaire !

Fin avril 1972, j’ai bientôt 25 ans. Un an après ma demande d’obtention du statut, j’apprends mon affectation autoritaire aux Eaux et Forêts. Je propose au niveau national que nous organisions des centres de recherche et d’action non violente en lieu et place d’une tâche d’ouvriers forestiers qui se situe en dehors de toute préoccupation de « défense nationale ». Mais à l’AG de Lyon des OC début mai, si nous décidons le refus de l’incorporation en agriculture, ceux qui ont emporté la décision sont aussi ceux qui refusent tout service social. Quelle ambiguïté ! Si on refuse le service civil, on conforte l’armée puisqu’on ne propose aucune alternative crédible.

Je suis incorporé officiellement le 1er juin 1972. La réalisation pratique va attendre trois mois. A cette époque, nous étions très peu nombreux en France à obtenir le statut d’objecteur de conscience (621 demandes pour toute la France en 1971). Un décret du 17 août 1972 nous affecte d’office la première année à des chantiers forestiers contrôlés par l’Office national des forêts. Je reçois ma convocation le 30 août 1972 : « L’objecteur est tenu de prendre le plus grand soin de la bicyclette qui lui sert à rejoindre le lieu de travail ainsi que de l’outillage qui pourra lui être confié ». Cette affectation imposée est suivie le 2 septembre 1972 par la publication du décret de Brégançon, un règlement disciplinaire particulièrement sévère pour des personnes censées travailler dans le civil.

Nous étions si peu nombreux que nous devions tous passer au même moment une visite médicale d’incorporation à l’hôpital Boucicaut de Paris. Réunis à Bièvre, notre premier « contingent » de 136 « recrues » décide pour plus de la moitié de désobéir à une affectation à l’ONF. A Boucicaut, nous refusons aussi majoritairement d’être pris en photo ainsi que la radio des poumons : pour s’occuper des arbres, pas besoin de vérifier si nous sommes tubards ! Nous envoyons au ministre de la défense une lettre standard le 25 septembre 1972 motivant notre refus des Eaux et Forêts :

«  Le travail que nous projetions de faire dans les associations auprès des plus déshérités de notre société s’inscrit dans un engagement global de notre part. Nous estimons que ce témoignage de notre part qui repose sur notre volonté de paix sera infiniment plus d’ »intérêt général  » que de travailler à l’ONF financièrement prospère et qui, elle, peut se permettre de payer des employés. Nous n’avons toujours pas reçu l’assurance que notre présence à l’ONF ne concurrencerait pas la main d’œuvre salariée.

D’autre part, nous considérons que le décret du 17 août 1972 nous impose une discipline militaire, un embrigadement que nous avons refusé en demandant le statut d’objecteur de conscience. Les droits élémentaires de tout civil dans une démocratie sont de pouvoir exprimer ses idées, de pouvoir se réunir, se syndiquer s’il travaille, etc. Ce décret nous assimile bien davantage à des militaires qu’à des civils.

Pour ces raisons nous refusons d’accomplir le service national qui nous est demandé aujourd’hui, et nous le refuserons tant que les affectations d’office seront maintenues et que le décret du 17 août 1972 ne sera pas abrogé. N’ayant aucunement été consulté pour cette décision et étant en total désaccord avec elle, nous avons l’honneur de vous demander une audience afin d’examiner ensembles les solutions possibles à ce problème.

Veuillez croire Monsieur le Ministre à nos sentiments les plus sincères. »

Mon acte d’insoumission au service civil a donc été étayé par une réflexion collective. Ensemble nous avons approfondi tous les arguments pour refuser l’ONF, y compris celui de sa politique de remplacement des feuillus par des résineux, plus rapides de croissance mais préjudiciables aux sols. L’ONF était devenu une  « usine à bois ». Après notre insoumission-désertion, nous avons repris chacun notre liberté. Incorporé à Saint Pierre de Chartreuse via Grenoble, j’ai regagné Bordeaux en falsifiant l’ordre de transport SNCF qui m’avait été remis : Arcachon via Bordeaux !

L’armée et la justice ont laissé pourrir la situation, intentant quelques procès de temps en temps. J’ai même témoigné à l’un d’eux, exigeant d’être poursuivi au même titre que mon camarade objecteur, en vain : plus nous étions poursuivis devant la justice, plus cela faisait de la publicité pour l’objection de conscience, plus notre cause progressait. Il faut être fier de se retrouver en prison quand c’est le signe de notre liberté de pensée. L’Etat ne m’a pas poursuivi, préférant le silence sur ce qui le dérange. J’ai vécu du strict minimum, hébergé par des copains, vivant toute l’année de mes modestes rétributions de moniteurs de colonies de vacances. J’ai passé avec succès un concours pour devenir professeur de sciences économiques et sociales, j’ai enseigné plusieurs années en situation d’illégalité : un fonctionnaire doit avoir satisfait ses « obligations légales d’activité ».

Un jour, j’allais avoir 32 ans, j’ai reçu une lettre du Recteur de l’Académie datée du 7 juillet 1979 : « Il apparaît, au vu d’une fiche individuelle renseignée par vos soins que vous auriez effectué deux années de service civil d’objecteur de conscience du 1er juin 1972 au 31 mai 1974. Aucune pièce officielle ne figurant à ce titre dans votre dossier administratif, je vous serais obligé de bien vouloir me faire parvenir toutes justifications établissant votre position au regard des lois sur le recrutement dans la fonction publique. ». Il est vrai que j’avais fourni comme papier au moment du concours le fait que j’avais été appelé au service national, mais pas celui qui m’en libérait, et pour cause ! Il est vrai aussi que le mari de la proviseure du lycée était dans les renseignements généraux, donc bien renseigné. Il est vrai surtout que la proviseure n’aimait pas ma manière non conventionnelle d’exister.

Comme mon cas n’étant prévu par aucun texte, j’avais le choix : soit être exclu des cadres de l’éducation nationale, soit m’engager dans l’armée. Dans le premier cas, j’avais droit à une brève dans un journal local. Dans le second cas, je pourrai continuer à enseigner que l’économie n’était qu’une toute petite partie de l’écologie. Il faut savoir désobéir, mais il faut aussi savoir choisir ; j’ai toujours préféré le long terme au court terme. Va pour le service militaire. Car je ne bénéficiais pas de l’amnistie faite en 1974 (pour les objecteurs insoumis) avec l’élection du Président Giscard d’Estaing puisque je voulais continuer à travailler dans le secteur public.

Le 11 septembre 1979, je demande à être incorporé dans une formation armée : un militaire ne peut pas se déclarer objecteur de conscience, mais un OC peut à tout moment devenir soldat ! Ainsi va la dissymétrie du pouvoir établi. (la suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

vacataire en clinique psychiatrique

Juin 1972, j’arrive à la clinique psychiatrique de La Borde. C’est un centre expérimental vachement chouette : pas de hiérarchie, rotation des tâches, formation sur le tas des stagiaires comme moi, « fou » souvent attablé à une table du bistro du village. Difficile de distinguer malades et soignants, personne n’a ici l’habit de sa fonction. Parfois cependant, c’est pourtant évident.

Bizarre ce fou joueur d’échecs (j’ai organisé un tournoi d’échecs à la clinique) qui prend une pièce, l’élève et dix minutes plus tard nous en sommes toujours au même point… Elle répète, « je suis angoissée… je suis angoissée… je suis angoissée… »… Elle me demande si j’ai de la famille ici, puis hoquette et s’en va, brusquement… Il a composé au piano des merveilles, il écrit des livres, des poésies, il ne se rase plus, il se fout de tout. Il a une maîtrise d’histoire économique, mais il est là, ne sachant que faire… « J’ai tout vécu, Islam, Israël, Irlande, Islande, voyage… bon je vais dans ma chambre, je me sens nerveux »… Il est là depuis sept ans, vietnamien du nord, malade de voir mourir ses frères de race ; il n’est pas fou, il se sent à l’abri ici… Elle a envie de baiser, elle a envie d’une gauloise, elle se balance, une deux, et puis une deux… Elle marche les doigts tapant sans cesse dans sa paume, sans cesse, sans cesse… Elle est mystique, il n’y a que Jésus dans sa vie, elle rachète les péchés du monde, elle complète l’œuvre de Jésus, elle est mystique… Elle a envie de se suicider.

Ainsi va la vie à l’UTB, unité thérapeutique de base, l’équivalence d’une famille.

Les « fous » viennent dormir dans le dortoir qui me sert de chambre, isolé au milieu du bois, à n’importe quelle heure… J’ouvre un œil, en cas qu’il ou elle ait un couteau à la main… une lampe torche arrive, on l’a retrouvé, il est emmené. Il ne me voulait pas de mal, juste un peu de compagnie. Névrotique cette jeune fille qui revient en permanence la nuit dans ma chambre, psychotique cette démarche bizarre. Efficacité de la psychothérapie institutionnelle ? Mon œil ! Le malade reste attaché à son médecin personnel comme le bébé l’était à sa mère par le cordon ombilical. L’UTB ne rassemble le plus souvent le groupe qu’au repas. Mais quand il y a réunion de l’UTB, énormes interrelations des malades les uns vis à vis des autres. La CPC, commission paritaire centrale, reste débonnaire : un moindre mal. RM, réunion me(r)dicale, dans le bureau d’Oury. Je n’ai pas été formé au préalable formation, sur le tas comme on dit, faut se lancer. J’ai donc réalisé le 5 juin 1972 ma première piqûre intramusculaire sur une patiente qui a eu la gentillesse de ne rien sentir. Je possédais quand même le diplôme d’auxiliaire sanitaire acquis avec les CEMEA.

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, l’improbable peut survenir d’un moment à l’autre. Je suis réveillé tôt un matin par un membre du personnel : « Viens m’aider ». Celle qui se voulait ma copine, Maryvonne, qui m’avait fait visiter le château à mon arrivée, qui aimait tant discuter avec moi, que je prenais pour quelqu’un de tout à fait normal. Elle s’est jetée la nuit dans un étang peu profond six jours après mon arrivée. Hydrocution. Après bien d’autres tentatives, elle avait réussi son suicide, sans le vouloir sans doute. On causait souvent ensemble. Elle ne parlait que d’absolu, petite boule en équilibre instable entre l’infiniment grand et petit. J’ai habillé Maryvonne, froide, cela m’a fait quelque chose.

Le malade se sent seul, et plus il se sent seul, plus il ramène tout à lui. La maladie mentale enlève aux mots leur conception habituelle pour leur donner un sens asocial, souvent l’expression d’une répression intra-personnelle. Il y a souvent un fort égocentrisme qui empêche le déviant de mesurer les réalités sociales. Mais le discours ordinaire de la société ordinaire peut être aussi pathologique, au service d’une société instable ou suicidaire. J’arrive fort bien à parler avec les malades mentaux. Je réussis parfois à apaiser leurs angoisses, même si cela consiste le plus souvent à les écouter parler. A une soirée où j’amène 13 pensionnaires, il y a eu trois crises d’angoisse ; une parole apaisante avait suffi à ramener le calme. Le psychique se déglingue avec l’entourage, et il est difficile de refaire ce qui a été défait. L’intériorisation et la lente fermentation d’une angoisse enracine le mal être. Les remèdes à la clinique : petite piqûre d’insuline, injection d’hormone, baisse du taux de glycémie, coma provoqué, maternage au réveil, restructuration du patient. Sont-ils des traitements discutables ?

J’ai assisté un jour à une séance d’électrochoc, c’est impressionnant. L’électrocuté(e) fait un arc avec son corps. Normalement déstructuration du cerveau, maternage, restructuration du patient. Là, le mari venait chercher son épouse et il valait mieux laver un peu le cerveau avant les retrouvailles ! Il y avait une cellule d’isolement, non utilisée. La camisole chimique suffit. Ma mère, qui m’avait convoyé à la clinique, croit en ma sensibilité, en ma fragilité. Sensible, moi, qui côtoie le suicide comme si c’était une évidence et qui connaît si bien la sinistre impasse dans laquelle s’engage l’humanité. Je me vois plutôt en acier bien trempé, plus précisément comme un vase sans fond selon l’expression d’un psy : les informations me traversent, elles ressortent améliorées (ou du moins je le crois), je ne suis que passage. Il n’y a pas de soignant et de soignés, il ne devrait y avoir que des gens qui devraient être toujours bien reçus à quelque endroit qu’ils passent.

Il paraît que les Chinois sous Mao ne situent pas les altérations névrotiques ou psychotiques sur le plan personnel, mais sur le plan des relations humaines. Tout drame personnel est un drame collectif parce qu’il se situe dans les rapports de l’individu avec la société. Une personne devient malade parce qu’elle serait incapable de trouver dans son milieu des réponses satisfaisant à son désarroi. Cela me semble vrai, toute thérapie devrait d’abord reposer sur une thérapie familiale. Mais que « la charge affective nécessaire à la guérison augmente sous l’autorité de Mao Tse Toung et se renforce par la volonté collective de servir le peuple et la révolution », faites-moi rire ! Le régime maoïste était chouette par certains de ses aspects comme « tirer sur le quartier général », immonde quand il affirme que le pouvoir est au bout du fusil… tenu par le grand timonier.

Mon dernier entretien labordien le 6 juin avec une patiente épileptique est caractéristique. Sa timidité exacerbée lui a coupé les contacts avec l’extérieur. Elle a été très jalouse de sa sœur « aimée » qui se mariait, ce fut la cause de sa première crise. Et puis elle a découvert que son anxiété révélée permettait qu’on s’occupe d’elle ! J’ai trouvé son raisonnement très perspicace. Mais quelques jours auparavant, elle me disait souffrir d’une obsession, que son avenir était d’être pute, mais que ce serait terrible si elle était pute… le soir même, elle s’était allongée sur mon lit, la nuit, pour s’exclamer « Oh, je suis sur ton lit ! ». J’avais répondu « Quelle importance ! » Elle était alors partie sur ces mots : « Toi au moins t’es pas con ! » Pas si folle, la dame !!

Un discours peut recouvrir d’autres discours, notre cerveau est une machinerie bien trop compliquée que nous avons du mal à maîtriser. Et puis au centre il y a tous ceux qui ne pouvaient plus tenir de discours socialisé. Celui qui parle tout seul, celui qui ne vous écoute jamais, celle qui pense uniquement à son improbable guérison (« Dites, est-ce que je vais guérir ? »), celui qui met deux heures pour manger, celle qui a un langage décousu dès qu’il s’agit de praler d’autre chose que du MLF, celui qui reste toujours debout, indifférent à tout, et que je n’ai jamais entendu.

J’alterne dans mes notules des précisions sur ma vie psychiatrique et sur la non-violence. N’oublions pas que j’étais dans cette clinique pour y faire ma période d’objection de conscience… alors que les derniers textes ministériels parus m’affecteraient aux Eaux et Forêts ! L’établissement est agréé, il ne peut donc me garder en situation illégale. A nouveau je dois partir après quinze jours seulement de stage d’infirmier psychiatrique. Je demande auprès de  la direction si je faisais ce qu’il fallait auprès des malades. Il paraît que je parlais trop aux schizo ! Je trouve qu’on ne parle jamais assez aux personnes qui en ont besoin…

La clinique de La Borde est un modèle de psychothérapie institutionnelle. En fait une belle merde entourée d’un très beau parc. On y prend beaucoup de neuroleptiques, sans doute autant que dans n’importe quel asile. Dans ce lieu, les institutions de participation (comités paritaires, malades à la cuisine ou à la vaisselle par tour de rôle…), sont bien en place mais fonctionnent mal. Les échanges se font par habitude et non pour répondre à un besoin, l’atelier poterie ne fonctionne que grâce à un artisan venu de l’extérieur, le journal en auto-édition reste en panne… Pourquoi ? Les moniteurs-infirmiers s’en foutent, ils viennent, font quelques clins d’œil aux malades, et repartent dans leur bagnole. Moi, je suis resté 24 heures sur 24 au centre : cela crée des liens ! Comme je l’ai déjà perçu pour mon expérience précédente de pédagogie institutionnelle à Moumour, rien ne peut se faire sans éducateurs/infirmiers très très motivés et formés pour faire de leur métier une passion… sans pourtant garantie de résultat. De toute façon une structure particulière, même à l’avant-garde, qui participe d’une société bloquée et malade, ne peut échapper au contexte général, bloqué et malade.

Ce n’est plus la peine que je me retrouve un autre point de chute avant mon incorporation officielle comme objecteur. L’administration nous incorpore d’office aux Eaux et Forêts, c’est la nouvelle loi tout juste pondue. Toute mes recherches depuis plusieurs mois d’une association librement choisie où je puisse exercer mon service civil de deux ans étaient vaines. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

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Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

éducateur, une tâche difficile

…si mes débuts d’éducateur sont difficiles, c’est surtout avec les autres éducateurs. Superviseur du centre de Moumour, le directeur général Desaphy, adjoint direct de la mère Massu, était sergent payeur en Algérie. Et il avait aussi tenu la gégène ! Le directeur du centre était ancien instituteur, l’économe facteur. Les deux éducateurs spécialisés sont submergés par la problématique raciste alors qu’une attitude plus détendue de leur part résoudrait beaucoup de choses. D’ailleurs l’un des deux est parti en « maison de repos ». On vient au travail comme aux horaires d’un bureau. Un éducateur en a marre et va se barrer bientôt, une autre, rejetée par son groupe, se fout complètement de son travail, un autre frapperait trop facilement les jeunes ; d’ailleurs sa principale occupation est de boire, comme d’autres. L’équipe éducative se réunit fin janvier 1972, le constat est terrible. Invisibilité de la direction, absentéisme de l’éducateur-chef. Un éducateur a failli être étranglé par un jeune, il cherche une place ailleurs.

Pour les jeunes aussi, c’est difficile. Un gosse arrive, renvoyé par son instit. Il revient à pied, sans chemise ni soulier, complètement mouillé. L’éducateur de son groupe ne veut même pas s’en occuper. Normalement nos jeunes ont dans la journée un travail en entreprises. Mais au deuxième étage, ils sont 4 sans travail, et 2 de même au premier étage. Je suis toujours occupé, aller chercher un gars à la gare, des médicaments, conduire les mômes, faire du ski à Gourette avec eux, aller voir les patrons, régler les incessants problèmes interpersonnels entre jeunes. J’ai du passer mon permis de conducteur de bus le 18 novembre 1971 pour amener nos pensionnaires.

Je découvre une démarche pédagogique que mes études en faculté de sciences économiques ne pouvaient qu’occulter. Le psychothérapeute Yvon Morin essayait en effet de transformer le centre de Moumour en expérience de pédagogie institutionnelle. Je lis en décembre 1971 « Vers une pédagogie institutionnelle » d’Aïda Vasquez et Fernand Oury. Il faut placer enfants et adultes dans des situations nouvelles et variées qui favorisent la communication et les échanges tout en exigeant de chacun engagement personnel, initiative, action, continuité. L’enseignement de François Tosquelles, psychiatre catalan né en 1912, co-inventeur de la psychothérapie institutionnelle, devient un élément de notre formation interne d’éducateur.

On me cite Jacob Levy Moreno : « L’expérimentation sociométrique vise à transformer en ordre nouveau l’ancien ordre social. C’est un plan pour rebâtir les groupes de manière à ce que la structure officielle ou de surface ressemble autant que possible à la structure en profondeur. » Moreno est un des grands chantres, sinon l’inventeur, de la spontanéité et du psychodrame : le langage est dans le groupe et par le groupe, plutôt que dans la tête ou dans la bouche. J’apprends que pour Durkheim, l’homme est double. En lui, à l’être individuel, se surajoute l’être social. Je découvre que la responsabilité de guérir appartient aux malades autant qu’aux infirmiers et aux médecins. En résumé, tout groupe social, s’il a la sagesse de se structurer dans un dispositif institutionnel, élaborera un tissu de complémentaires qui élèvera son propre degré d’existence et cimentera la solidarité commune de ses membres. La cohésion du sens du monde vécu concrètement est indispensable à la reconquête de la cohésion intérieure.

Tout cela reste pour moi très théorique, c’est même l’inverse de ce que je vis dans la « structure » de Moumour. Nos réunions d’équipe parlaient surtout de petits problèmes de transgression et surtout du contrôle des sorties des jeunes. Faire le mur est fréquent ! Mais mon esprit peut s’ouvrir maintenant sur d’autres méthodes pédagogiques.

La pédagogie active facilite les interrelations et les échanges parmi les enfants afin qu’ils éprouvent leur capacité d’initiative. Pour que de tels événements arrivent et puissent être vécus, il faut toujours partir de l’événement concret et spontané engagé par l’enfant afin que, par le libre jeu interrelationnel de l’activité entre partenaires (l’éducateur ou l’instructeur étant un partenaire parmi d’autres), l’enfant participe à la naissance, à l’établissement puis au développement de l’institution. C’est le contraire de ce que mon enseignement de sciences éco, structure de passivité et de bourrage de crâne, m’avait fait vivre. D’un boulot d’éducateur que je trouvais chiant au début, j’en vois maintenant les perspectives lointaines.

Nous faisons de plus en plus de réunions. Dans les rencontres pédagogiques, Morin parle, parle, de tout et de n’importe quoi, de l’inceste, de l’œdipe, du stade anal ou buccal… Il échappe au concret. Est-ce cela la pédagogie institutionnelle ? J’échoue à présenter aux autres stagiaires « Psychologie de l’enfant » d’Osterrieth, j’adopte en effet un ton trop polémique.

Ce que j’apprécie surtout, ce sont les réunions avec les jeunes. Mais ils ressentent assez mal la trop grande liberté qui règne sur le centre. Ils ne se sentent plus assez (en)cadrés. On ne suit ni la ligne Massu (discipline, autorité, obéissance), ni la ligne Morin (self government à tous les niveaux compensés par ce qui se voudrait un intense travail d’équipe). C’est vrai que notre mode d’action en tant qu’éducateur reste indéfinie, on bricole au jour le jour, seule importe notre capacité personnelle de dialogue avec nos jeunes perturbés ou perturbateurs. Parfois l’éducateur-chef fait de la thérapie par le vide en virant l’un d’entre eux du centre.

Au fil des semaines les tentatives de notre médecin-psy Morin pour changer la pédagogie au centre va se heurter à la toute puissance de Mme Massu qui tient les cordons de la bourse. Notre directeur Bernard Gaudens est clair : « Nous sommes passés tout naturellement de l’autoritarisme à la participation de tout le personnel… On n’a oublié qu’une chose, Mme Massu. »  Il y a reprise en main du centre de jeunesse par la mère Massu. Le problème de la formulation du règlement intérieur du centre va devenir crucial.

Quelques extraits de la lettre ouverte d’Yvon Morin (7 février 1972) : « Madame la présidente, serait-ce par l’effet de votre grandeur, à moins que ce ne soit le fruit du comique troupier de votre fidèle et tortueux bras droit… J’admire vos efforts contre le mal que j’incarne dans mon travail et que je n’avais pourtant pas dissimulé lors de mon recrutement… Vous portez en tout cas la responsabilité du climat d’anxiété et d’insécurité qui règne à Moumour sur les garçons et le personnel… Vous confondez caserne, bataillon disciplinaire et établissement de rééducation… Ce que nous cherchons à faire à Moumour est pratiqué par les sommités psychiatriques et pédagogiques les plus reconnues en France… Je reste, comme vous le disiez dans votre dernière lettre, votre très bourgeois et très antipathique employé. »

Soyons objectif, ce n’est pas avec un tel discours qu’on peut améliorer une situation tendue ; l’expérience de pédagogie institutionnelle ne peut réussir qu’avec des éducateurs très très motivés et formés pour cela, ce qui n’était pas du tout le cas à Moumour. Il nous manquait un spécialiste de dynamique de groupe, qui puisse mettre les gens en situation difficile pour que leurs capacités de résilience soient révélées. Mais même la technique relationnelle ne suffit pas. J’ai fait un repas presque en tête-à-tête avec Mme Massu, situation difficile s’il en est. Je n’ai rien dit, j’étais paralysé. Une situation provoquée ne doit pas être trop difficile au point de bloquer toute réaction ! J’étais pris à mon propre piège puisqu’un de mes défauts, c’est aussi de bloquer les autres…

Dans les relations habituelles, les gens restent figés dans leur rôle social ; on ne peut d’un claquement des doigts remettre en question tout un conditionnement culturel. Et les réalités des institutions qui préexistent sont les plus fortes.

Morin, après sa lettre jugée « injurieuse », est renvoyé. Mon protecteur et directeur Gaudens est lui aussi remercié ; son successeur désigné a comme spécificité de tondre tous les fugueurs de retour au bercail ! Je suis une victime collatérale de ce tsunami : viré avec mon mois de préavis, fin de contrat le 29 février 1972. Mme l’épouse du général avait découvert début décembre que j’avais un casier judiciaire de militant politique : un mois avec sursis, pas de quoi fouetter un chat, même s’il s’agissait de la destruction en partie d’un immeuble public, à savoir un commissariat de police. La juge de Pau fermait les yeux et les inspecteurs de Casteja avaient fourni un rapport favorable : « Emporté par sa générosité… » En fait j’avais même  peint en énormes lettres sur les quatre portières de ma 2 CV « OBJECTEUR DE CONSCIENCE ». Dans la propriété de Mme Massu ? La provocation devient pour moi une seconde nature. Cela ne pouvait plaire dans un milieu d’anciens cadres de la guerre d’Algérie. Le grand coup de balai est donc aussi pour moi, sans regret.

Je recherche un autre point de chute où je puisse effectuer mon service civil d’objecteur. J’ai été aiguillé par Morin vers la clinique de La Borde à Cour Cheverny. Après avoir effectué en avril 1972 un test d’embauche sous forme d’un psychodrame collectif à Paris, je suis embauché. Je vais passer de la pédagogie institutionnelle à la psychothérapie du même nom.

En attendant, je subis au CPO (centre protestant de l’ouest) un WE de dynamique de groupe avec un psychosociologue, Marc Guiraud. Nous sommes 37, autant de filles que de garçons, en cercle. Nous resterons ensemble plusieurs jours, la télé-réalité sans la télé. Marc : « La parole à qui la voudra. » Silence. Un mec : « On ne voit pas où ça va, du tout. » Silence. Maïté : « Qu’est-ce que l’analyse institutionnelle, par qui est-elle pratiquée. » Marc : « Si quelqu’un a envie de répondre aux questions ! »…

C’est confus, la réunion s’achève sur un problème très matériel, l’heure du coucher et celle du petit-déjeuner ! Le lendemain la discussion recommence. Marc : « Est inadapté tout être qui n’a pas accès à son désir propre. » Emilie : « Mais alors, qui est adapté ? » Comme d’habitude, Marc ne donnera aucune réponse. De Lacan à l’expression de son propre désir, nous tournons en rond. L’après-midi le débat ne se relancera pas. Nous nous interrogerons sur la difficulté de parler en groupe ! Blablabla. Je suis déçu. Le lendemain j’étudie la free press. Quand 50 millions de Français feront 50 millions de journaux, ça les obligera à penser par eux-mêmes…

Je note que Fernand Deligny ne s’occupe jamais directement des enfants psychotiques. S’adresser à un tel enfant, c’est l’agresser, c’est lui adresser un Soi, vous, dont il n’a que faire. L’enfant peut venir à vous, pas le contraire. Les révéler, c’est leur révéler qu’ils ont leur propre chemin à découvrir… seuls. La pédagogie, c’est bien compliqué… surtout avec les psychotiques !

Un peu plus tard, je ferai un autre séminaire d’expression avec le psychologue Guy Lafargue. Si le contenu de ce stage a été plus affectif qu’intellectuel, il a contribué à me dérider. Savoir maîtriser le relationnel, cela s’apprend. Mais tout le monde n’a pas envie d’apprendre ! Marie-Annick, mariée, deux enfants, s’est exclue du groupe, ce que j’appelle l’exclusion de la bague au doigt. François est trop individualiste pour progresser. Nicole s’est mise en marge car elle se trouvait trop âgée. Etc. De toute façon la plupart des gens préfèrent la monotonie de leur existence à la recherche d’une vérité introuvable. L’esprit humain se satisfait volontiers du manichéisme, ça c’est beau ou c’est laid, c’est bon ou très mauvais. Mais la vérité n’est pas dans les extrêmes, elle est dans le cercle, tout ce qui fait le passage d’un extrême à l’autre. La vérité est dans le mouvement, le passage. Cheminement personnel, trop exigeant. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite) Lire la suite »